Ainsi donc il existe des sans-papiers français. En Afrique en plus. Comme par miracle, le président gabonais Omar Bongo vient d’en découvrir une soixantaine chez lui et s’apprêterait à les expulser. Etonnant quand on sait qu’en France l’immigration est assimilée à la misère, d’où cette célébrissime phrase de l’ex Premier ministre socialiste Michel Rocard, devenue le credo de tous les hommes politiques français : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Ainsi donc la très prospère France aurait un surplus de misère qu’elle s’ingénierait à déverser sur la déjà miséreuse Afrique ?
La France le saura désormais : il ne faut pas trop titiller le président gabonais sur les questions des moeurs et de la bonne gouvernance. Il y a quelques années, les chaînes de télévision françaises avaient dévoilé que Bongo se faisait livrer depuis Paris des costumes avec des mannequins en sus. Des mannequins qui s’étaient épanchés dans les médias sur le fait d’avoir eu des rapports sexuels avec ce chef d’Etat qui, selon leurs dires, refusait des rapports protégés. Bon, ayons la faiblesse de ne pas reprocher à cet homme d’Etat d’être allergique au latex. Ce déballage médiatique sur ses goûts immodérés pour les sur-mesure vestimentaires et les jambes effilées et interminables des mannequins mit dans une colère rouge le président gabonais qui menaça la France de quelques « mesurettes » de rétorsion sans lendemain. Naturellement.
Des années plus tard, le nouveau président français Nicolas Sarkozy qui annonça la fin de la Françafrique honora cependant, Bongo l’une des têtes de pont de cette nébuleuse, de sa toute première visite en Afrique noire. Et pourtant, pas particulièrement connue pour être impertinente ni libre du pouvoir, la télévision publique française diffusa et illustra avec des images les conclusions d’une enquête de la police française sur les acquisitions immobilières et des voitures de luxe par Bongo, son beau-père le Congolais Denis Sassou Nguesso et leurs entourages. Il n’en fallait pas plus pour que Bongo s’improvise défenseur des sans-papiers gabonais expulsés de France. En deux temps, trois mouvements, il expulsa trois Français, avant de dénicher une soixantaine d’autres qu’il menace de renvoyer chez eux pour « venger » les Gabonais expulsés récemment de l’Hexagone.
Gesticulations pathétiques qui relèvent plus de la clownerie politique que de l’expression de sentiments patriotiques et d’une réelle détermination à protéger les Gabonais. On ne passe pas, en effet, avec des effets de manche uniquement du statut de pantin de la France à celui du Cid. On ne peut pas avoir lié son destin politique et aliéner l’économie de son pays à une puissance tutélaire, et se lever un matin avec des velléités d’émancipation. Surtout pas juste avec des simagrées dignes d’un grand enfant gâté qu’on a vexé. Epargnez-nous, Monsieur Bongo, ces gesticulations qui n’impressionnent nullement la France et qui ne font pas, non plus, illusion en Afrique.|Botowamungu Kalome (AEM)