La Banque mondiale (BM) a décidé d’octroyer une aide de 10 millions de dollars à Haïti et d’y envoyer des experts pour aider les autorités haïtiennes à répondre à la crise alimentaire, qui a généré de violentes émeutes (5 morts et 200 blessés) et coûté son poste au premier ministre, Jacques Edouard Alexis. L’aide débloquée vise à permettre au gouvernement de « réagir à la hausse des prix de l’alimentation, qui deviennent inabordables pour les familles pauvres », explique la Banque mondiale dans un le communiqué. Samedi le président haïtien René Préval a annoncé une réduction du prix du riz pour éviter une répétition des violences des derniers jours.
Ces événements soulignent encore une fois l’importance de la crise alimentaire qui frappe actuellement les pays pauvres. Les assemblées de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, qui se sont tenues ce week-end à Washington, ont manifesté leurs préoccupations à cet égard. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI prévient qu’une poursuite de la flambée des prix aura des « conséquences terribles » : « comme nous l’avons appris dans le passé, ce genre de situation se finit parfois en guerre », a-t-il dit.
ROBERT ZOELLICK : « NOUS NE POUVONS PAS ATTENDRE »
Le monde se dirige « vers une très longue période d’émeutes » et de conflits liés à la hausse des prix et à la pénurie des denrées alimentaires, estime aussi Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, dans un entretien à Libération publié lundi. « On va vers une très longue période d’émeutes, de conflits, des vagues de déstabilisation régionale incontrôlable », déclare-t-il. « Avant la flambée des prix déjà (…) 854 millions de personnes étaient gravements sous-alimentées. C’est une hécatombe annoncée », met en garde M. Ziegler.
D’après un rapport de la Banque mondiale publié la semaine dernière, la hausse des prix du blé atteignait 181% à l’échelle mondiale en février sur 36 mois, et la hausse mondiale des prix alimentaires 83% sur la même période. Cette flambée des prix a entraîné des manifestations violentes en Egypte, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, en Ethiopie, à Madagascar, aux Philippines, en Indonésie, entre autres. Mais la Banque mondiale considère que ce sont au moins 33 Etats dans le monde qui sont menacés de troubles politiques et de désordres sociaux.
Le dossier sera discuté lors du G8 Finances, en juin au Japon. « Mais, franchement, nous ne pouvons pas attendre jusque là », a estimé Robert Zoellick, le patron de la Banque mondiale. Pour lui, il est temps de proposer une nouvelle matière de politique alimentaire, réellement ambitieuse. Il demande avec vigueur aux pays donateurs de fournir immédiatement au moins 500 millions de dollars dont a besoin le Programme alimentaire mondial pour faire face à la crise. La Banque mondiale prévoit de presque doubler ses prêts agricoles en Afrique en les portant à 800 millions de dollars. M. Zoellick veut aussi que les fonds souverains développent leurs investissements en Afrique, parmi d’autres mesures destinées à apaiser l’impact du ralentissement économique mondial sur les pays les plus pauvres.
source: le monde avec AFP et reuters