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Aimé Césaire, le chantre de la négritude est mort / Adieu Monsieur Césaire

Aimé Césaire, la figure la plus emblématique de la Martinique, est décédé le 17 avril 2008, à l’âge de 94 ans. L’écrivain et homme politique, fondateur du concept de «Négritude» était hospitalisé depuis le 9 avril. Des obsèques nationales seront organisées, a annoncé le cabnet de la ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, Michèle Alliot-Marie. La date n’est pas encore connue.

Retrouvez un entretien inédit d’Aimé Césaire et de Patrick Lozes du Cran, sur le racisme à la française, sa rencontre avec Léopold Sédar Senghor…

Il naît le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), où il passe une partie de son enfance. Elève brillant, Césaire poursuit ses études en classe d’hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand (Paris, 5e) où, il fait la connaissance de son grand ami Léopold Sédar Senghor. Loin du doudouisme de mise dans le milieu artistique des années 30, avec d’autres étudiants afro-antillais, dont le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, il fonde le journal «L’étudiant noir», où est abordé pour la première fois le concept de «Négritude».

Entre littérature et politique

«La négritude», notion forgée en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter le projet français d’assimilation culturelle et à promouvoir l’Afrique et sa culture, dévalorisées par le racisme issu de l’idéologie colonialiste.
Il sort de l’Ecole Normale Supérieure en 1938 et revient s’installer en Martinique, où il commence à enseigner. Son «Cahier d’un retour au pays natal», œuvre poétique sous forme de vers libres, est publié en 1947. André Breton lui rendra hommage dans son texte «Martinique charmeuse de serpents».

Parallèlement à la littérature, il s’illustre sur un terrain plus politique. Elu maire de Fort-de-France en 1945, il conservera son mandat jusqu’en 2001. Un engagement politique qui s’étend à toutes les fonctions, puisqu’il sera aussi successivement président du conseil régional de la Martinique, conseiller général de Fort-de-France et député de la Martinique. Il lutte aussi en s’engageant pour l’égalité des droits des ex-colonisés, pour le créole dans les médias publics locaux.

Influence les intellectuels des Caraïbes

Poète reconnu, il est joué en Avignon en 1989, à la Comédie française en 1991, ses textes les plus célèbres «Cahier d’un retour au pays natal» et «Discours sur le colonialisme» sont inscrits pour la première fois au programme du baccalauréat de français en 1998. Lors de la première commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage le 10 mai 2006, des extraits du «Cahier d’un retour au pays natal» sont lus dans les Jardins du Sénat.

Figure tutélaire des Antilles françaises, Aimé Césaire aura influencé nombre d’intellectuels caraïbéens. Comme le déclare son ami l’écrivain haïtien René Deprestre ,«son oeuvre aura été le journal de bord de plusieurs générations d’Antillais et d’Africains».

Que représentait pour vous Aimé Césaire? Dites-le nous ci-dessous…
Martin Bureau AFP ¦ Le Premier ministre François Fillon reçu par le poète Aimé Césaire, le 5 janvier 2008 à Fort-de-France

G.G
dernière mise à jour : 17/04/2008 – 13h29

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Adieu Monsieur Césaire

Nordine raconte sa première lecture d’un recueil d’Aimé Césaire, figure emblématique du concept de « négritude ». Le poète et homme politique s’est éteint aujourd’hui à l’âge de 94 ans.

J’ai rencontré Aimé Césaire en 1982, par hasard au détour d’un rayon de la bibliothèque de mon lycée. Un miracle en réalité. On nous avait dit d’aller passer l’heure au CDI parce que l’un de nos profs avait du retard, à cause d’une grève de chauffeurs routiers. Chacun chercha son bonheur dans cette île aux trésors. J’ai vite trouvé le mien.

C’était « Cahier d’un retour au pays natal « . Ce titre a fait tilt dans ma tête. C’était un vieux recueil jauni par le temps, mais pas trop froissé par les manipulations. Cette phrase m’avait particulièrement intrigué : « …je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d’une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour et de nuit « .

Je connaissais cette scène, je l’ai vu dans les souks de Casablanca lorsque nous vivions au Maroc. C’était l’activité des femmes des bidonvilles. Je l’ai revu, ici en France, partout chez mes proches ou chez les voisins dans ma cité. La machine à coudre les fins de mois difficiles, les fripes à raccommoder pour le petit dernier, les ourlets à faire pour rendre service à la voisine qui fait le ménage chez les français. Ma mère avait une Singer aussi. Au Maroc, elle était mécanique. En France, elle était électrique.

A cette époque au lycée, je faisais partie d’un petit groupe composé de quelques élèves exotiques. Nous prenions conscience de ce que nous étions au fur et à mesure de l’installation d’un Front National conquérant. Nous débattions sans cesse sur l’apartheid en Afrique du Sud, sur les black panthers aux USA, des paroles de Bob Marley et de Johnny Clegg. Un des surveillants du lycée lisait un roman d’Alice Walker,  » The color purple « , devenu en 1985 un film culte adapté par Spielberg,  » La couleur pourpre « . Quelques mois plus tard, à l’automne 1983, nous avions vaguement entendu parler d’un groupe de jeunes des quartiers de Lyon qui marchaient à travers toute la France, comme Gandhi, depuis Marseille pour aller à Paris.

Césaire n’était jamais très loin de nous. D’autres sont venus lui prêter main forte pour nous aider à comprendre notre temps : Luther King, Mandela, Mohamed Ali, Simone Veil, Brassens, Renaud et quelques militants anonymes qui soulevaient des montagnes pour faire changer le cours des choses dans notre cité. Cette ambiance a formaté nos consciences. On sortait peu à peu de l’adolescence pour mettre les pieds dans le monde des adultes. Depuis, la flotte est passée sous les ponts.

Aujourd’hui encore, les stéréotypes colonisent les consciences et les débats sont toujours enflammés. Les poudres chocolatées « ya bon Banania » n’ont pas disparu des rayons de nos supermarchés. D’autres livres sur l’esclavage, les ravages du colonialisme, le racisme ou encore les crispations identitaires françaises jaunissent toujours dans les bibliothèques. Césaire nous a quittés mais son empreinte sur ces questions sera toujours visible, comme le phare à l’approche des côtes. Merci, Monsieur Césaire, d’avoir mis votre boussole à notre disposition.

Nordine Nabili

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Aimé Césaire: Nègre, universel et révolté

Le grand poète et homme politique Aimé Césaire, vient de s’en aller à 94 ans.
Aurais-je dû utiliser le mot noir?
Noir? Il préférait nègre ! Il adorait ce mot qui bravait l’aliénation culturelle et disait avec force à la fois l’identité assumée et la conscience d’être noir.
Nègre il se disait, nègre il restera pour la postérité. Nègre certainement, mais un nègre sublime, un nègre universel.

>> Voici un entretien inédit que j’ai eu la chance de faire avec lui en juillet 2006 (l’enregistrement s’est fait sur microcassette ce qui explique les problèmes de qualité audio du document). Il y parle de la négritude, du racisme français et du CRAN:

Cette identité que lui seul savait nommer « nègre », n’était pour lui, nullement contradictoire avec une visée universelle; bien au contraire. En liant avec génie le « nègre » à l’universel, il a réussi à raccrocher les Noirs à cet universel dont il a longtemps été accepté que ces populations puissent être exclues.

Universaliste certes mais sans concession. Il a audacieusement tourné lé dos au climat assimilationniste très répandu à l’époque de son arrivée à Paris en 1931. Loin de céder à l’humeur ambiante il a plutôt cherché à promouvoir l’Afrique et sa culture, qu’il estimait dévalorisées par le colonialisme sous ses formes.

C’est ainsi qu’il décida en septembre 1934, avec d’autres étudiants dont le Guyanais Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien, les Sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop, de créer le journal « L’Etudiant noir ».
Noirs mais sans distinction idiote y compris dans la création du mot « négritude » dont on lui attribue la paternité, mais que lui – oh! élégance – préférait partager à travers le concept de création collective. La négritude, il définissait ce mouvement comme de la résistance au racisme…
Les intellectuels noirs de tous les mondes, rassemblés, mais sans ressentiment, et surtout avec les intellectuels blancs pour, ensemble, combattre l’oppression. Au rang de ces intellectuels figurait notamment Jean-Paul Sartre qui définissait la négritude comme « la négation de la négation de l’homme noir ».

« Comment se porte le racisme en France ?» nous a lancé Aimé Césaire lorsque, quelques mois après la création du CRAN nous sommes allés lui en parler dans le bureau qu’il avait conservé dans l’ancienne mairie de Fort-de-France.
De l’alliance entre les noirs d’Afrique, des Antilles et d’ailleurs il nous a dit « C’est difficile, et délicat, mais c’est essentiel.»
Du CRAN il a dit « C’est une très bonne chose mais il ne faut pas croire que c’est facile ! En tout cas pour nous antillais c’est important »

Aimé Césaire était nègre, universel, mais aussi révolté.
Même très affaibli, il retrouvait de l’énergie pour raconter sans se départir de son célèbre humour, le caractère si « particulier » de ce racisme à la française.
Révolté il le redevenait lorsqu’il racontait, que marchant un jour dans une rue parisienne dans les années 30, il a été apostrophé par un quidam qui lui a lancé un : « Hé petit nègre ! » il avait répondu : « Très bien! Bravo, mais le nègre t’emm… ! »

Révolté il l’était également jusqu’au dernier souffle contre le colonialisme.

C’est ma fierté personnelle, juste après lui avoir rendu visite, d’avoir eu le courage de contester les définitions des mots « colonisation » et « coloniser » inchangées dans le dictionnaire le Petit Robert depuis 1967, date de la première édition de ce dictionnaire!
C’est justice pour Aimé Césaire que les Editions le Petit Robert aient décidé un an après cette contestation, de compléter la définition du mot colonisation en y intégrant une de ces citations « colonisation = chosification ». Cette fulgurance est tirée du “ Discours sur le colonialisme ”*, Présence Africaine, 1955 et 2004.

Si le ciel existe, je veux bien parier que le premier qui là haut, osera dire à M. Césaire « Hé petit nègre ! » s’entendra répondre un cinglant : « Le nègre t’emm… ! »

*« J’ai dit – et c’est très différent – que l’Europe colonisatrice est déloyale à légitimer a posteriori l’action colonisatrice par les évidents progrès matériels réalisés dans certains domaines sous le régime colonial, attendu que la mutation brusque est chose toujours possible, en histoire comme ailleurs ; que nul ne sait à quel stade de développement matériel eussent été les même pays sans l’intervention européenne (…) A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification. J’entends la tempête. On me parle de progrès, de vies élevées aux dessus d’elles-mêmes. Moi je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, d’institutions minées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées…. »

Aimé Césaire, “ Discours sur le colonialisme ”, Présence Africaine, 1955 et 2004.
https://diversite.blog.20minutes.fr/archive/2008/04/12/aime-cesaire-negre-universel-et-revolte.html

https://diversite.blog.20minutes.fr/archive/2008/04/12/aime-cesaire-negre-universel-et-revolte.html

Exprimez-vous!

  1. Je suis d’un des Départements d’Outre-Mer née d’un père et d’une mère nés chacun dans les 2 autres départements et vis en Métropole. C’est avec tristesse que j’ai appris la mort de M. CESAIRE, ne pensez-vous pas que l’on fasse un peu TROP. Certes, il a fait des choses pour son pays, pour la littérature créole mais enfin………..?
    Pour moi, la négritude, est dans tous les sens du mot, on est Noir même sans ces convictions.
    Mais peut-on parler de Négritude lorsque certains on comme époux ou épouses des Métropolitains ou des Métropolitaines. et donnent des leçons sur la NEGRITUDE, souvent ils sont les premiers à critiquer l’ETAT FRANCAIS, mais ils sont tous des FONCTIONNAIRES DE L’ETAT FRANCAIS. Mais qu’importe il en faut du tout pour faire un Monde.

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