«Une nouvelle plainte est à l’étude» explique Olivier Thimonier (association Survie), après le classement sans suite de l’enquête sur les biens des présidents africains à Paris. Un hôtel particulier du dirigeant gabonais, Omar Bongo, (2 000 m2 estimés à 19 millions d’euros) a été symboliquement placé sous scellés le 10 avril. Les ONG expliquent leur action.
Olivier Thimonier (association Survie). «Même si elle avance l’argument de « l’infraction insuffisamment caractérisée », la décision du Parquet de Paris de classer sans suite l’enquête préliminaire sur les biens des chefs d’Etat africains en France est clairement politique. Tous les éléments de la plainte ont été confirmés. La police a perquisitionné les banques, les agences immobilières, les garagistes, et a découvert grâce à deux chèques provenant du Trésor public gabonais d’autres biens que nous n’avions pas identifiés : des voitures d’une valeur de plusieurs millions d’euros. Ces deux chèques prouvent qu’il s’agit de mouvements suspects sur le compte de l’Etat. Dans la justice ordinaire, une information judiciaire aurait été ouverte avec dix fois moins de preuves. On cherche à protéger des chefs d’Etat et certaines banques françaises. L’enquête préliminaire a montré l’existence d’un recel de détournement. L’ouverture d’une enquête judiciaire est désormais nécessaire pour remonter les flux financiers. Il est peu probable que les 33 biens immobiliers que possède Omar Bongo en France aient été payés avec le seul salaire d’un chef d’Etat. Nous étudions la possibilité de déposer une nouvelle plainte avec des représentants gabonais victimes du préjudice. La France contribue à l’appauvrissement du continent africain. C’est un vrai problème moral. Un problème démocratique.»
Jean (collectif Cellule Françafrique). «Il se passe quelque chose d’inédit sous la Ve République. Pour la première fois, le plus vieux des dictateurs africains, Omar Bongo, au pouvoir au Gabon depuis quarante et un ans, a obtenu la tête de l’ancien secrétaire d’Etat à la coopération, Jean-Marie Bockel, coupable d’avoir voulu « signer l’acte de décès de la Françafrique » et exigé une gestion transparente des revenus pétroliers en Afrique. On constate aujourd’hui que, à peine nommé, son successeur Alain Joyandet s’est rendu au Gabon avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Élysée, pour faire des courbettes à Omar Bongo.
Le président gabonais est pour ainsi dire devenu ministre du gouvernement français, celui qui a permis aux sociétés françaises comme Bouygues, Total ou Areva de piller les richesses de ce pays. Aujourd’hui, la France accepte de céder à la moindre de ses volontés en retirant un secrétaire d’Etat, en retirant une plainte, ou en enterrant l’enquête judiciaire concernant son patrimoine en France. Au Gabon, un enfant sur sept meurt avant l’âge de 5 ans et 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Notre action symbolique devant l’hôtel particulier d’Omar Bongo, rue de la Baume, en appelle à la restitution de ce bien à la population gabonaise».
Yann Queinnec, association Sherpa. « Le Parquet a estimé que les éléments de l’infraction n’étaient pas suffisamment caractérisés. La preuve des détournements n’a semble-t-il pas été suffisante. Tous les éléments de la plainte ont néanmoins été prouvés. Mieux, ils ont même été étendus à des biens que nous n’avions pas identifiés, telle l’acquisition de véhicules via des chèques émis sur le trésor du Gabon. C’est donc étonnant qu’ils n’aient pas été voir plus loin. Tout ceci nous laisse penser que les enjeux de cette affaire dépassent le périmètre de la justice en France. De notre côté, nous préparons une plainte avec constitution de partie civile ».
Odile Biyidi (association Survie). «Regardez l’agenda de M. Joyandet: un jour, il rencontre M. De Margerie, PDG de Total. Celui d’après, il voit Michel Roussin, vice-président de Bolloré. Voilà, avec Omar Bongo, la trinité qui gouverne l’Afrique. Ces hommes d’affaires font figure d’interlocuteurs politiques pour le gouvernement français. Ils représentent semble-t-il les intérêts des pays africains, avant même les citoyens de ces pays, qui sont censurés. Tout se passe dans le plus grand silence. Nous sommes revenus deux siècles en arrière. Tous les indices de développement humain sont au plus bas. La mortalité infantile est de plus de 100 pour 1000, l’espérance de vie est de moins de 50 ans dans toute l’Afrique centrale. Ce sont des pays qui, par conséquent, n’ont eu aucun développement malgré leurs ressources naturelles extrêmement riches.»
Réalisé par BENOÎT PAVAN
Source: Contre Journal, Blogs, Libération