En urgence, les députés ont débattu du traité migratoire franco-gabonais le 10 avril dernier. Un accord étrange qui a réveillé l’opposition, qui a flairé le cirage de pompes d’Omar Bongo et rappelle que les flux migratoires avec le Gabon sont quasi-inexistants.
Le calendrier parlementaire a ses petits hasards. Le 10 avril dernier, le secrétaire d’État à la coopération, Alain Joyandet, part à Libreville faire allégeance au président gabonais Omar Bongo, grand maître de la Françafrique, à qui l’on prête volontiers l’éviction de son prédécesseur Jean-Marie Bockel. Pendant ce temps-là, Palais-Bourbon, le projet de loi sur un traité migratoire franco-gabonais est discuté à l’Assemblée. Un modèle du genre à en croire la délicieuse secrétaire d’État aux droits de l’homme, Rama Yade, qui pour l’occasion, représente le gouvernement. « L’accord répond au souhait de la France d’orienter les flux migratoires selon les besoins de notre économie ». Et seuls les malappris rappelleront son aimable détestation d’Omar Bongo. Plus en phase avec le président gabonais, l’inénarrable Patrick Balkany, africaniste à ses heures et tout sémillant rapporteur de la commission des affaires étrangères, s’enthousiasme sur le texte. « Cet accord est le premier conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de l’immigration promue par le Président de la République. »
Avec à la clé visas de courts séjours réciproques, co-développement et tout le toutim… Bref du beau et bel ouvrage que quelques députés sauvageons de l’opposition ne vont pas tarder sinon à saccager, du moins à railler.
Tous ces Français en situation irrégulière…
En rappelant quelques chiffres. D’abord que les flux migratoires entre les deux pays « n’existent pratiquement pas », note le député Serge Blisko. Avec 5 000 à 6 000 Gabonais accueillis en France, dont moins de 200 en situation irrégulière, l’accord ne paraît, il est vrai, pas de première importance. Sauf à rappeler, comme le fait le parlementaire taquin, qu’il est plutôt à l’avantage de la France. Avec 10 000 résidents sous les tropiques, dont 1 000 à 2 000 sans papiers. « Il y a plus de Français en situation irrégulière au Gabon que de Gabonais clandestins en France ! »
Mesquin. Et le garçon fort en verve, embraye. En rappelant le « profil » particulier des immigrés gabonais, composés « pour l’essentiel d’enfants de dignitaires locaux, seuls à même de venir en France compte tenu du prix du billet d’avion ».
De là à voir dans cet accord et ses à-côtés vantés par l’UMP – « appui aux diasporas, cofinancement de projets, soutien aux initiatives de jeunes Gabonais vivant en France » – une fleur au fort riche et puissant Omar Bongo, très fâché récemment contre la France, il n’y a qu’un pas. Allègrement franchi par le député Jean-Pierre Brard : « C’est la diplomatie du coffre-fort ». Au moins l’accord France-Gabon a-t-il eu le don de faire jaillir quelques bons mots dans l’hémicycle. Et de permettre à l’opposition d’exister…
in Bakchich n°77
par Xavier Monnier