Si les difficultés administratives des Gabonais résidant en France suscitent de vives réactions des associations locales, la situation précaire de certains résidents ne semble pas éveiller les mêmes élans de solidarité. Sans papiers depuis 2004 suite à une rupture, une mère de famille gabonaise vit dans la banlieue de Lyon avec ses enfants au gré des foyers d’accueil.
«Ici, ils dorment tous les soirs au même endroit. Ils n’ont pas peur. C’est comme une maison. Je ne veux plus que mes enfants dorment avec les clochards », explique Victorine. Cette mère célibataire s’est retrouvée à la rue au mois d’août dernier, après une séparation. Sans-papiers depuis 2004, cette gabonaise n’a droit à aucune aide et ne peut pas solliciter de demande de logement.
Ils ne rendront pas leurs clés aujourd’hui, comme cela leur a été demandé. Le foyer des Acacias, à Vénissieux, accueillait cet hiver une dizaine de familles sans logement. Mais l’hiver est terminé, et le foyer doit fermer ses portes ce lundi. Les sept familles restantes, soutenues par le réseau d’associations « Personne Dehors ! », ont décidé de rester.
L’endroit n’a rien d’un paradis. Mais, pour ces familles, dont la plupart ont de jeunes enfants, c’est « une chance ». Tous n’ont qu’une peur, « retourner au 115 », c’est à la dire à la rue, téléphonant tous les trois jours en espérant qu’une place de quelques jours se libère dans un foyer d’hébergement d’urgence.
Victorine a vécu des mois avec le 115. Elle ne veut plus. « Ici, mes enfants sont bien. Il n’y a que des familles, pas de clochards violents. Je peux faire à manger. Les enfants rentrent tous les soirs au même endroit. Ils peuvent faire leurs devoirs ». Peu importe que ses deux enfants traversent chaque matin et chaque soir l’agglomération lyonnaise pour se rendre au collège de la Duchère (Lyon 9è) où ils sont scolarisés.
La semaine dernière, un responsable du foyer lui a dit qu’il était dangereux pour elle de rester là car la police aux frontières risquait de débarquer pour l’emmener au centre de rétention et l’expulser. « On nous fait peur. Comme on fait peur aux animaux pour qu’ils s’en aillent. Nous sommes des riens », dit-elle.
Ces familles passent entre les mailles du filet de la loi sur le logement opposable entrée en vigueur cet hiver (dite Loi DALO), car la plupart sont sans-papiers. Le droit au logement opposable ne concerne en effet que les personnes en situation régulière. Cependant, cette loi prévoit aussi dans son article 4 que toute personne accueillie dans un hébergement d’urgence (le foyer des Acacias relèvent de ce statut) ne peut en être délogée tant qu’elle ne dispose d’une solution de logement pérenne, sans-papiers ou pas.
Sauf que pour bénéficier d’un logement pérenne, il faut être en situation régulière. C’est dans cette situation inextricable que se retrouvent aujourd’hui les familles sur le point d’être expulsées du foyer des Acacias. Certains sont en situations régulières car ressortissant de l’union européenne. C’est le cas de deux familles Roms. « Ils ont des papiers mais les Ddass et les préfectures les traitent souvent comme des cas à part et refusent généralement de leur proposer autre chose que de l’urgence », explique une travailleuse sociale.
Le foyer des Acacias aurait dû fermer il y a déjà quinze jours. La Ddass avait accordé un délai supplémentaire. Qui prend fin ce 28 avril. Aujourd’hui, des militants associatifs resteront au foyer pour s’opposer à l’expulsion des familles.