Les « émeutes de la faim » toucheraient aujourd’hui une quarantaine de pays dans le monde. Et le problème semble profond et durable. Il faut reconnaître que le « problème de la faim » et de la pénurie alimentaire est un problème vieux comme le monde, et qui sévit encore de nos jours sur une grande partie de notre planète. Mais, l’histoire ancienne ou contemporaine renseigne que, comme tout phénomène naturel, ce problème revêt des causes différentes, et présente des formes diverses selon les pays.
C’est ainsi que, dans la situation actuelle de «Vie chère et pauvreté au Gabon », ce n’est pas raisonnable de dire comme le Ministre du Commerce l’a déclaré récemment en conseil de ministre : – que la hausse des produits alimentaires dans notre pays est un phénomène mondial dont les origines sont principalement liées à l’augmentation du prix du baril de pétrole, à la production des biocarburants qui entraîne une baisse des productions agricoles,et au changements climatiques-. Pire quand le même Ministre ajoute : – en ce qui concerne le Gabon pays importateur net de produits alimentaires, cette situation peut à court terme être aggravée par les besoins de protection de certaines espèces animales (éléphants et autres) qui malheureusement, ont pour corollaire la destruction des plantations vivrières-.
Tant de contre vérités honteuses de la part d’un responsable qui aurait dû se taire sur le sujet. La réalité est pourtant bien connue depuis des décennies que le pouvoir actuel dirige le pays : Le Gabon est un paradoxe économique. Troisième pays en Afrique en termes de revenus par habitant, pays pétrolier de l’importance d’un émirat avec seulement un peu plus de 1 million d’habitants. Le Gabon est également fort d’autres ressources naturelles telles que le manganèse et surtout le bois, le Gabon présente toutes les caractéristiques d’un pays riche. Et pourtant, il est généralement reconnu que les Gabonais indigènes sont loin de vivre sur un Eldorado.
Pire, le recul des conditions de vie des populations gabonaises ces dernières années ne permet plus au pays de se distinguer positivement des pays en mal de développement du contient. Les causes de cette situation sont à rechercher aux aberrations commises durant de longues décennies par l’État dans la conduite des affaires publiques. C’est ainsi que, quand au désespoir de cause, les responsables gabonais se sont démenés de toutes leurs forces pour inscrire leur pays parmi les bénéficiaires de l’initiative de réduction de la dette pour pays pauvres très endettés (PPTE), cette démarche a été considérée par les bailleurs de fonds comme une démission devant une situation dont les solutions dépendaient surtout de la capacité des responsables à opérer des orientations nouvelles à leur économie. Des solutions d’autant plus disponibles que les atouts et les ressources du pays sont sans commune mesure ceux de nombre pays bénéficiaires de l’initiative PPTE
L’agriculture, principale source de développement économique.
Il est démontré par l’économiste britannique Colin Grant Clark, qui a étudié les facteurs de développement économique et sociale que, c’est quand l’épargne des agriculteurs forme la base du financement de la formation de capital dans le secteur industriel, et que l’épargne de la population urbaine retourne en partie vers les campagnes qu’un pays peut espérer un développement durable. Autrement dit, il ne peut y avoir de développement économique dans un pays sans un secteur agricole performant
Le développement dépend donc en premier lieu de l’agriculture et en second de l’industrie. Il bien entendu que d’autres secteurs peuvent également y apporter une contribution essentielle.
Transformer notre agriculture et développer sa capacité de production : telle est la condition sine qua non d’une amélioration du niveau de vie du Gabonais. Pour que les objectifs de la sécurité alimentaire de base de la population gabonaise soient atteints, il faut accroître la production vivrière quantitativement et qualitativement à raison de 50% l’an, pendant au moins quatre ans, pour que le Gabon soit en mesure de répondre pour l’essentiel aux besoins alimentaires de base de son petit million d’habitants
Par ailleurs, l’agriculture peut être pour notre pays une source d’emplois au cours de la prochaine génération. Par exemple, l’horticulture, la sylviculture et la foresterie réorganisée, qui sont toutes des activités à forte intensité de main d’oeuvre, pourraient se développer rapidement. Ce faisant, l’agriculture gabonaise devra devenir une source majeure d’emplois pour une main-d’oeuvre toujours plus nombreuse et devenir concurrentielle sur les marchés mondiaux de façon à rapporter des devises dont notre pays a besoin pour alimenter sa croissance économique. Et cela devra être fait tout en mettant fin à la dégradation des ressources naturelles qui menace la production à long terme.
Faiblesse de l’agriculture gabonaise
Handicapée par la faiblesse numérique de la population et par des densités de populations peu élevées, l’agriculture marginalisée dans un système économique néocolonial qui privilégie l’activité extractive, est de surcroît vidée d’une grande partie de sa population, en raison de l’exode rural. Elle dispose de moyens humains, techniques et logistiques ‘routes et systèmes de commercialisation) inexistantes pour se développer.
A côté d’une agriculture vivrière (taro, igname, manioc, banane plantain, arachide…) diffuse, peu dense, extensive et itinérante, exercée par des cultivateurs villageois dont les méthodes culturales sont restées traditionnelles et très archaïques et les outils rudimentaires, l’Etat gabonais a choisi de développer au contraire une agro-industrie (élevage, canne à sucre, hévéa, palmier à huile…) intensive et mécanisée dans laquelle on a engloutie d’énormes capitaux puisés dans les fonds publics.
Cette agro-industrie opérée par des sociétés para-étatiques a occasionné la création d’un salariat agricole, qui s’est constitué au prix d’un affaiblissement du secteur vivrier.Laissant peu de place à l’initiative privée paysanne, cette salarisation a compromis toute possibilité de promotion et d’innovation du monde rural.Dans ces conditions l’Etat gabonais n’a pas permit la mise en valeur de l’agriculture vivrière dont la production et surtout l’autoconsommation, ne permet même plus l’autosubsistance et ne nourrit que très insuffisamment la population rurale elle même.
Pour satisfaire les besoins alimentaires d’une population urbaine nombreuse, le Gabon recourt aux importations.Aujourd’hui, le Gabon importe plus de 80% des besoins alimentaires de sa population.
L’économie gabonaise, profondément extravertie demeure à la merci des facteurs exogènes qui échappent au pays : en matière de prix et de marché, jusqu’au besoin d’alimentation de base de ses habitants.
Marc Ona