Ils y ont intérêt tous les deux : Barack Obama et John McCain s’accordent donc pour attirer l’attention des médias en faisant campagne dès maintenant l’un contre l’autre. Le candidat républicain, dont la désignation par la convention, en septembre, est acquise depuis deux mois, a besoin de revenir dans l’actualité après avoir profité de la tranquillité que lui a value l’affrontement des deux rivaux démocrates. Quant à M. Obama, il s’emploie, avec un luxe ostensible de prévenances, à faire entendre que les primaires sont pour lui terminées et qu’il n’a plus à débattre avec Hillary Clinton.
La tactique du sénateur de l’Illinois ne va d’ailleurs pas de soi. L’équipe de Mme Clinton n’est pas seule à se demander pourquoi M. Obama a choisi de ne pas faire campagne en Virginie-Occidentale, où les électeurs démocrates étaient appelés à voter mardi 13 mai. La réponse est, en partie, dans les sondages, qui donnaient à la sénatrice de New York une avance de 25 à 40 points sur son concurrent, incitant celui-ci à lui accorder d’avance un triomphe sans gloire.
Mais il y a une autre raison à cette attitude : la Virginie-Occidentale, comme le Kentucky où l’on votera le 20 mai, est un Etat à forte population ouvrière blanche, auprès de laquelle la candidature de M. Obama suscite des réactions racistes. Ces Etats des Appalaches – Ohio, Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Kentucky –, marqués par la vieille industrie, sont des régions de cohabitation hostile entre deux prolétariats, blanc et noir. Des sondages ont montré que la motivation « raciale », dans le vote des électeurs démocrates aux primaires est fréquente, surtout dans les Etats à dominante ouvrière où est présente une forte minorité africaine-américaine.
Parce qu’il sait que la bataille sera difficile dans cette partie du pays face à M. McCain, M. Obama veut franchir les frontières dessinées depuis les années 1980 entre Etats « rouges », républicains, et « bleus », démocrates. Il cherche à traverser les lignes adverses en allant vers l’ouest et le sud, et en s’adressant aux électeurs indépendants. Il a prévu de commencer, cette semaine, dans le Missouri, le Michigan et la Floride, une tournée destinée à mettre en valeur son programme présidentiel.
M. Obama a par ailleurs accordé au mensuel The Atlantic une longue interview sur le Proche-Orient. Il a répété qu’il est impossible, à ses yeux, d’avoir des discussions avec le Hamas tant que ce mouvement n’aura pas changé de position sur le droit d’Israël à exister. L’un des experts de son équipe de politique extérieure, Robert Malley, ayant eu des rencontres avec des responsables du Hamas au titre de l’International Crisis Group – une ONG basée à Bruxelles –, l’équipe de campagne de M. Obama a indiqué que cet ancien conseiller de Bill Clinton avait décidé lui-même de suspendre toute relation avec elle.
Mais, accusé par M. McCain d’être le candidat préféré du Hamas, M. Obama a répondu que le candidat républicain « perdait le nord », propos qui a été compris comme une allusion à l’âge du sénateur de l’Arizona, qui aura 72 ans en août. M. McCain a d’ailleurs déclaré que c’était un sujet de discussion légitime, ce qui montre comment les deux hommes, qui se comportent déjà comme les adversaires de l’automne, veulent s’y prendre pour séduire l’électorat centriste : pas de cadeaux, mais respect mutuel.
L’équipe de M. McCain a proposé une série de débats sans modérateurs, en public, à travers le pays, idée que M. Obama a jugée intéressante. Dans le même temps, il a reproché à l’ancien militaire, membre de la commission de la défense du Sénat, de ne pas avoir soutenu une proposition démocrate visant à aider davantage les soldats qui quittent l’armée à faire des études. Il a critiqué comme excessivement timide le plan de lutte contre le réchauffement climatique que le candidat républicain a exposé, en condamnant ceux qui ont « aissé passer huit longues années sans action sérieuse face à des défis sérieux », propos dans lesquels chacun a reconnu George Bush.