Le Président Directeur Général de Veolia Water AMI (Afrique, Moyen-Orient, Sous continent Indien ), Patrice Fonlladosa, a déclaré à son arrivée mardi soir à Libreville qu’il est tout à fait logique que le contrat liant la SEEG à l’Etat fasse l’objet d’une rediscussion fondamentale. Avec un optimiste mesuré, il espère qu’un accord consensuel aboutira au terme des échanges avec les autorités gabonaises.
Infosplusgabon : L’Etat gabonais a émis la volonté de relire en profondeur la convention qui le lie à la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).
Que pensez-vous de l’importance et de la portée de la révision de ces accords.
Patrice Fonlladosa : Je pense que c’est un moment absolument capital pour la SEEG et pour la vie du contrat qui lie la SEEG à l’Etat gabonais. Vous savez que c’est un contrat qui a été démarré il y a maintenant un peu plus de 10 ans et qui porte sur une vingtaine d’années. Donc, il n’est pas du tout anormal ; il est même tout à fait logique, que ce contrat fasse aujourd’hui l’objet d’une rediscussion assez fondamentale sur le bilan, sur les dix années passées, et puis sur les perspectives des dix années qui viennent. Je crois que c’est vraiment le moment idéal.
Pouvez-vous nous rappeler le montant des investissements réalisés par la SEEG au cours de ces dix premières années de privatisation ?
Il avait été prévu à l’origine dans notre contrat, un investissement sur la durée de 20 ans de 300 milliards de F CFA. En réalité, la demande a été beaucoup plus forte que celle que nous attendions. Et donc aujourd’hui, à mi-parcours, nous sommes déjà à 233 milliards de F CFA ; Ce qu’il faut savoir c’est que la demande est tellement forte aujourd’hui, tant en eau qu’en électricité, avec des croissances entre 6 et 8% par an ; ce qui est assez exceptionnel !. Ce qui fait que les investissements que nous allons encore avoir à faire dans les années qui viennent vont être à peu près de l’ordre de 410 à 415 milliards de F CFA. Donc nous avons plus que doublé les engagements qui avaient été pris lors de la concession. Evidemment, cela ne peut pas se faire sans un véritable partenariat avec l’Etat gabonais.
L’Etat gabonais a-t-il su pleinement accompagner la SEEG dans son rôle de distributeur d’eau et d’électricité à travers le pays ? …
Ce qu’on peut dire de façon très pragmatique c’est que si l’on compare le Gabon à l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne aujourd’hui, nous sommes avec le Gabon dans une exception positive puisque c’est un contrat qui continue, un contrat qui perdure et dans lequel les acteurs, à la fois l’Etat gabonais et Veolia, essayent de faire leur meilleurs efforts pour arriver effectivement à ce que les engagements pris de part et d’autre soient respectés. Je dois dire que, malgré tout, que je suis un petit peu impatient aujourd’hui — c’est vrai— de rentrer dans cette période de discussions parce que les besoins sont immenses.
Les principales villes du Gabon sont peu ou pas urbanisées.
Quels sont les besoins en infrastructures qui permettraient à la SEEG de remplir ses missions… d’aller au bout de sa logique ?
Là c’est une très très vaste réponse qu’il faudra pouvoir vous donner. Mais c’est vrai que le périmètre de la concession, c’est l’ensemble du Gabon. Cela veut dire les villes de provinces ou les localités des provinces. Alors, en terme de priorité, si l’on devait essayer de faire une synthèse, je crois qu’il faille sécuriser le réseau d’eau potable sur Libreville. C’est un besoin absolument impérieux. De même, sécuriser l’évolution très forte, je l’ai dit tout à l’heure, de la demande en électricité. Le taux d’équipement des ménages en matériel électroménager qui correspond à une amélioration de la vie quotidienne fait qu’il y a effectivement des consommations très importantes. Donc on a besoin d’investir des sommes considérables. Il faut savoir qu’aujourd’hui, nous avons investi par exemple dans les trois dernières années, plus que l’intégralité de nos flux de trésorerie (cash flow).
D’ailleurs, nous ne distribuons même pas de dividendes depuis deux ans…
Où en est-on avec la Centrale à gaz d’Owendo ?
Alors, c’est un pari stratégique que nous avons pris avec le plein accord des autorités publiques, il y a trois ans. Nous avions, dans l’anticipation, une certaine réserve quant à l’évolution des cours du pétrole. Nous avons proposé à l’Etat gabonais d’utiliser le gaz comme combustible pour sa centrale électrique d’Owendo avec un contrat de Take or Pay, c’est-à-dire un contrat qui fixe les prix sur la durée. On est ainsi protégé de toute évolution des prix du pétrole. Et nous avons effectivement réussi à passer ce contrat. Depuis le début du mois de janvier, l’approvisionnement en gaz sur la ville de Libreville est effectif avec une période de rodage de nos installations. Tout se passe plutôt bien. C’est un petit peu plus long qu’on ne l’aurait souhaité, mais ça ce passe globalement dans le cadre des équilibres que nous souhaitions. Je pense que ce qui va être quand même remarquable, c’est qu’on pourra dire de façon très fière et très officielle d’ici novembre 2008, en Afrique Subsaharienne, que la grande capitale africaine qui fonctionne aujourd’hui au Gaz, c’est Libreville.
Si le contrat qui lie la SEEG à l’Etat gabonais était renouvelé, à l’issue du contrat en cours, pour 20 autres années, Veolia pourrait-elle opter pour la construction d’une nouvelle centrale électrique ?
A partir du moment où effectivement les durées des concessions s’allongent et où le respect des limites qui ont été définies dans notre contrat sont mis en œuvre, — elles le sont aujourd’hui mais avec un certain nombre d’exceptions par la force des choses— , je veux parler de la croissance énergétique, nous avons dans notre contrat avec l’Etat gabonais, le fait qu’il y a des rôles respectifs. L’Etat gabonais par exemple doit organiser et construire, préparer la construction, bien entendu en coordination avec l’opérateur, de tous les équipements électriques supérieurs à 10 MW. Dans l’avenir ce sera forcement ce qui arrivera. On peut demander à l’opérateur de faire un certain nombre d’effort mais dans le cadre d’un équilibre économique global d’une concession. Il est bien entendu, et c’est tout à fait évident, que n’importe quel opérateur ne travaillera qu’avec la perspective de pouvoir mener une opération qui lui permette premièrement de faire ses investissements, deuxièmement de rémunérer ses actionnaires, de récompenser ses salariés.
Qu’attendez-vous des discussions avec l’Etat gabonais et quand est ce que celles-ci auront lieu ?
Nous attendons beaucoup de ces discussions avec l’Etat gabonais. Nous attendons tout simplement une relecture responsable des accords qui nous lient avec l’Etat. Cette terminologie de relecture responsable avait été employée il y a un an par l’ancien ministre des Mines, du Pétrole, des Hydrocarbures, de l’Energie, des Ressources hydrauliques , Richard Auguste Onouviet. Et je trouve qu’elle était tout à fait appropriée. Il s’agit aujourd’hui de regarder ce qui a été fait et de dresser un bilan. Et d’entrevoir les perspectives que nous pouvons partager ensemble. Qu’est qui est de la responsabilité de l’Etat ? Qu’est ce qui est de notre responsabilité ?. Qu’est ce que nous devons faire, qu’est ce que l’Etat doit faire ?. En terme de délai, je dirai simplement qu’aujourd’hui, la situation est très urgente parce que nous sommes dans une situation où, c’est mon sentiment personnel, nous aurions dû démarrer déjà depuis presque un an cette discussion. Il ne faudrait vraiment plus trop tarder compte tenu de l’évolution qui est toujours croissante de la demande. Aujourd’hui, je suis véritablement dans un sentiment qui est quand même celui d’une …certaine urgence de la négociation.
Pensez-vous que la SEEG et l’Etat trouveront un accord consensuel au terme de ces discussions ?
Nous avons toujours trouvé un accord et nous avons connu des difficultés par le passé. Nous avions trouvé face à nous des responsables qui avaient des véritables visions à long terme de leur pays. J’espère, et je le crois, que ce sera à nouveau la démonstration que nous devons faire dans les semaines qui viennent.