Nommée à la tête de la diplomatie gabonaise en février dernier pour succéder à Jean Ping élu à la tête de l’Union Africaine (UA). Laure Olga Gondjout précise dans une interview accordée au site www.afriquecentrale.info, les axes de la diplomatie gabonaise. Elle se prononce sur le rôle des femmes dans la diplomatie d’Etat et revient sur la polémique née des investissements chinois en Afrique, contre lesquels s’est érigé le président français Nicolas Sarkozy dans son discours à l’ONU le 23 septembre.
Vous avez été nommée ministre au début de cette année, quel changements dans la diplomatie gabonaise?
Laure Olga Gondjout : Même si la diplomatie gabonaise parle désormais au féminin, les objectifs demeurent les mêmes. Servir la paix et le développement. Avec cette touche féminine, c’est vrai qu’il y a une implication plus forte dans la résolution des conflits qui minent notre continent. En parlant au féminin, on peut avoir un langage bien plus direct et on a une sensibilité et une approche qui permettront, je l’espère, d’amorcer des solutions durables.
Au chapitre des dossiers sur lesquels nous intervenons, il y a la tension entre le Tchad et le Soudan. Le président Omar Bongo Ondimba a toujours œuvré dans le sens d’un retour à la paix dans un conflit qui trouve sa source au Darfour. Nous nous investissons pour un rapprochement entre N’Djamena et Khartoum. Il est indispensable de régler cette question pour pouvoir nous focaliser à 100% sur celle du Darfour. Ce qui se passe là bas est un drame, c’est un désastre humanitaire que nous ne pouvons plus laisser perdurer.
Autre axe majeur de la diplomatie gabonaise, nous devons continuer à renforcer la coopération sous-régionale à travers les institutions comme la CEEAC et la CEMAC. Nous sommes taxés de « lanterne rouge » en matière de développement peut être parce que nos actions ne sont pas visibles.
La résolution des conflits est très importante, mais n’oublions pas également le développement économique régional. Nous sommes des pays producteurs de pétrole et disposant d’importantes ressources minières comme le manganèse, l’uranium, l’or, etc.
Notre action diplomatique vise également à attirer des investisseurs pour la mise en œuvre du programme de préservation des forêts du bassin du Congo. N’oublions pas que nos forêts constituent le deuxième poumon de l’humanité après l’Amazonie. Au Gabon, nous avons déjà lancé un réseau de 13 parcs nationaux sur 12% du territoire national. Nous espérons recevoir un soutien de la communauté internationale, y compris de partenaires privés.
Vous évoquiez à l’instant les importantes ressources minières dont disposent les pays d’Afrique centrale. A ce propos, certains dénoncent le contrat signé entre le Gabon et les Chinois pour l’exploitation de la mine de fer de Bélinga. Au delà même, certains dirigeants occidentaux affirment que la Chine prépare la faillite des économies africaines. Qu’en pensez-vous ?
Laure Olga Gondjout : Les relations Chine-Gabon sont anciennes, plus de trois décennies. Pékin investit dans notre pays un montant de près de 4 milliards de dollars pour l’exploitation du minerai de fer. Ce projet comporte la construction d’une voie ferrée entre le site de Bélinga et Libreville, celle d’un port et d’un barrage hydro-électrique.
Je dois rappeler que le gisement ne date pas d’aujourd’hui. Il a été découvert par le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) qui est un organisme français il y a des dizaines d’années.
Le Gabon a besoin d’assurer son développement et diversifier ses sources de revenus. On ne doit plus compter uniquement sur le pétrole. Il y a longtemps que nous avons lancé des appels à des partenaires étrangers pour exploiter nos minerais. Nous avons attendu en vain jusqu’à ce que la Chine se présente. Nous ne pouvions pas dire non.
Quand certains nous demandent d’observer une certaine prudence à l’égard de la Chine, c’est exactement ce que nous faisons. Nous n’avons pas offert le minerai de fer à la Chine sur un plateau d’argent ; nous avons passé des accords et nous nous sommes entourés de toutes les garanties possibles et imaginables.
Il est vrai que des ONG se sont élevées au Gabon contre la signature de cet accord car l’exploitation se situe à proximité des superbes chutes de Kongou. Nous nous sommes engagés à préserver aussi tout le patrimoine forestier autour de Bélinga.
Maintenant, est-ce que la Chine fait le lit de notre endettement d’ici à 20 ans ? Je pense que ceux qui nous mettent en garde contre la Chine devraient, en tant que partenaires et amis, nous dire en quoi nous devons nous méfier. Et ces mêmes pays qui nous appellent à la prudence investissent eux-mêmes massivement en Chine. N’y a-t-il pas là une part d’hypocrisie ?
Je tiens à être clair : ce qui nous importe, nous pays africains, c’est le développement de nos nations et le bien être de nos populations.
Le fait d’être une femme est-il, selon vous, un atout pour la diplomatie gabonaise ?
Laure-Olga Gondjout : La femme est respectée en Afrique et sa parole compte.
Pas d’attitude macho à votre égard ?
Laure-Olga Gondjout : Non et de toute façon, pas question de me laisser faire ! Il m’arrive parfois de ne pas savoir convaincre ; dans ce cas, c’est que je n’ai sans doute pas raison.