Le plan de sauvetage de Wall Street a été voté vendredi par le Congrés et signé par Bush , il est devenu loi. Jeudi soir, le débat entre les deux candidats à la vice-présidence s’est bien mieux passé pour la républicaine Sarah Palin qu’on ne s’y attendait. Mais la crise économique est très loin d’être terminée. Et les chances de John McCain continuent de diminuer de jour en jour. À J-32 de l’élection, le candidat républicain à la Maison Blanche, distancé par son rival démocrate Barack Obama, « doit absolument changer le sujet dominant de la campagne » explique le commentateur politique d’ABC, George Stephanopoulos. « Si le débat continue de tourner autour de l’économie, c’en est fini pour lui. Il doit le ramener sur la question de confiance en Obama comme chef de l’État ».
Le débat entre Joe Biden et Sarah Palin a battu tous les records d’audience à la télévision américaine pour un événement politique. Plus de 70 millions d’Américains ont regardé la confrontation jeudi soir entre le sénateur démocrate et la gouverneure républicaine. Les premiers sondages confirment que Biden l’a emporté sur Palin, en dépit de la bonne surprise que cette dernière a faite à ses fans en se révélant être une communicatrice redoutable malgré son impréparation et son peu de maîtrise des dossiers. Selon CBS, 46 % des électeurs encore indécis ont jugé Biden le plus convaincant, contre seulement 21 % qui ont été séduits par Palin. Cette dernière a certainement redoré son blason. Mais elle n’a pas donné un coup d’accélérateur à la campagne McCain.
Il est clair que le débat n’a rien changé au cours de la campagne. Et le vote de la Chambre des représentants n’aura probablement pas davantage d’influence sur la course à la Présidence. Dès que la Chambre a adopté par 263 voix contre 171 le plan Paulson qu’elle avait repoussé lundi, les partisans d’Obama et de McCain ( qui avaient tous les deux approuvé ce plan lors du vote au Sénat mercredi ) se sont empressés de faire savoir que les deux candidats étaient intervenus auprès des récalcitrants de leur camp respectif pour les pousser à changer leur vote au nom de l’intérêt national.
Mais les deux prétendants à la Maison Blanche savent l’un comme l’autre que le passage du plan ne va pas magiquement résoudre la crise. Le chômage continue de progresser rapidement (il est à 6.1 %, chiffre très sous-évalué, et on a enregistré le mois dernier 159 000 emplois en moins, le plus mauvais chiffre depuis cinq ans). La bourse de New York a de nouveau chuté vendredi, en dépit du passage du plan. Rien n’assure d’ailleurs que ce dernier stabilise le marché bancaire.
McCain sur la défensive
Les 700 milliards de dollars que le gouvernement a été autorisé à débourser pour tenter de réamorcer le marché du crédit « n’est qu’un tourniquet qui arrête l’hémorragie, pas un remède » a mis en garde John McCain. Obama a rappelé de son côté que « les bases de notre économie restent fragiles, il y a encore beaucoup de travail pour les retaper ». Tandis que Bush, s’exprimant aux côtés du secrétaire Paulson sur les marches du département du Trésor a lui aussi souligné que « l’économie américaine continue de faire face à de grandes difficultés ». Les électeurs font naturellement beaucoup plus confiance aux Démocrates en général, et à Obama en particulier, qu’aux Républicains et à McCain, pour sortir le pays de la crise dans laquelle la politique conservatrice de Bush a plongé le pays. Cela seul suffit à expliquer qu’Obama a nettement pris le dessus dans tous les sondages. Il continue donc de pousser son avantage, accusant la politique républicaine de « détruire des emplois jour après jour en Amérique », et mettant en garde contre les projets de privatisation de l’assurance-maladie de John McCain. Celui-ci tente de contre-attaquer (comme Palin l’a fait jeudi soir) en affirmant qu’Obama va augmenter les impôts et alourdir encore le déficit des finances publiques, ce qui ne sera pas bon pour la relance.
Mais le discours conservateur, anti-impôts, anti-gouvernement et anti-régulation, ne fait visiblement plus autant recette que par le passé. En outre, la campagne McCain a beaucoup moins d’argent que celle d’Obama pour marteler son message sur les ondes radio et TV. Du coup, McCain est partout sur la défensive, et en chute dans les sondages. Jeudi, sa campagne a décidé d’abandonner la lutte dans le Michigan, un des États-clés traditionnellement disputé, qu’il avait espéré pouvoir emporter. Il lui faut tenter d’arrêter l’avance qu’Obama est en train de creuser dans les autres États qui feront la différence. Le candidat démocrate est passé en tête, ou fait jeu égal, dans presque tous les États-clés que Bush avait gagné en 2000 et 2004 (Iowa, Nouveau Mexique, Colorado, Nevada, Virginie, Floride, Caroline du Nord, Ohio, Missouri et Indiana).
Obama est très bien placé dès aujourd’hui pour rafler au moins 264 voix dans le Collège Électoral – alors qu’il n’en faut que 270 pour être élu. « McCain sait que la dynamique de la course va contre lui, et qu’il ne peut plus inverser la tendance sans quelque chose de spectaculaire » explique Jim Vandehei, directeur du quitidien The Politico. Il ne lui reste plus qu’un mois pour le faire, et il doit s’en remettre désormais à la « surprise d’Octobre », ce coup de théâtre, venu de l’extérieur du pays ou de l’intérieur de la campagne adverse, qui change brutalement l’opinion des électeurs.