Le procès de l’ «Angolagate», la retentissante affaire de trafic d’armes présumé vers l’Angola dans les années 1990 impliquant des dizaines de personnalités politiques et hommes d’affaires français, s’est ouvert ce 6 octobre à Paris. 42 personnes doivent comparaître jusqu’au 4 mars prochain dans cette affaire qui jette un froid sur les relations diplomatiques entre Paris et Luanda depuis plusieurs années.
Le parquet de Paris a ouvert ce 6 octobre le procès de l’ «Angolagate» qui doit lever le voile sur le trafic d’armes présumé vers l’Angola en plein guerre civile dans les années 1990 qui aurait été orchestré par des personnalités politiques et des hommes d’affaires français et israéliens.
Au total, ce sont 42 personnes qui devraient comparaître lors de ce procès qui se tiendra jusqu’au 4 mars prochain. Au nombre des personnes impliquées, on compte notamment l’ancien ministre français de l’Intérieur, Charles Pasqua, le fils aîné de l’ancien président François Mitterrand, l’homme d’affaires français Pierre Falcone ou encore le milliardaire israélien Arcadi Gaydamak, qui encourent tous 5 à 10 ans de prison.
Le tribunal tentera durant cinq mois de déterminer les responsabilités de chacun dans ce vaste trafic d’armes présumé vers l’Angola entre 1993 et 1998, et qui représenterait près de 790 millions de dollars US.
Si aucun angolais ne figure parmi les prévenus, l’accusation estime qu’une trentaine d’officiels, au premier rang desquels le président Eduardo Dos Santos, auraient été corrompus dans cette affaire.
Le président angolais José Eduardo Dos Santos aurait cherché en 1993 à se procurer des chars et des munitions dans le cadre de la guerre civile menée par les rebelles de l’Unita, des armements que la France aurait refusé de fournir à l’Angola.
Des contacts officieux auraient amené le président angolais à l’homme d’affaires français Pierre Falcone.
Introduit auprès de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, Pierre Falcone se serait associé à l’Israélien d’origine russe Arcadi Gaydamak qui, grâce à ses contacts dans les états-majors de l’ancien bloc soviétique, serait parvenu à dénicher l’arsenal nécessaire.
Les contrats négociés avec le président angolais lui auront entre autres permis d’acquérir quelques 420 chars, 150 000 obus, 170 000 mines antipersonnel, 12 hélicoptères ou encore six navires de guerre. Les transactions se seraient faites au moyen de sociétés fictives, avec des marges de 50% pour les fournisseurs.
L’argent généré par les recettes pétrolières est viré sur des comptes de différentes sociétés à Paris, Genève ou Tel-Aviv, avant de partir vers des sociétés écran à Jersey, dans les îles Vierges Britanniques ou Monaco.
Parmi les bénéficiaires français présumés ses transactions malhonnêtes figurent des intermédiaires comme Jean-Christophe Mitterrand, Charles Pasqua et son bras droit Jean-Charles Marchiani.
L’écrivain Paul-Loup Sulitzer aurait également été soudoyé pour redorer l’image des personnalités impliquées dans ce scandale, ainsi que l’ancien sherpa de François Mitterrand, Jacques Attali, qui aurait usé de son influence dans un redressement fiscal.
De nombreux employés de Brenco, la société de Pierre Falcone, seraient également inquiétés, comme les jeunes hôtesses chargées d’accueillir les invités de passage comme les militaires angolais.
Le juge du tribunal de Paris, Jean-Baptiste Parlos, et ses deux assesseurs auront 58 audiences pour pouvoir démêler ce volumineux dossier. Arcadi Gaydamak, réfugié en Israël, sera le grand absent de ces assises. Pierre Falcone en revanche, récemment condamné à 4 ans ferme pour fraude fiscale et qui vient de faire appel devrait être présent.
Les juges devront faire face à une défense solide qui demande le non lieu puisque les armes ne transitaient pas par la France, un argument récemment repris par le ministre français de la Défense, Hervé Morin. Pour le gouvernement français, ce procès tombe en effet au mauvais moment puisque la France cherche à se rapprocher de l’Angola, résolument engagé dans le processus démocratique et en phase de devenir le premier producteur africain de pétrole.
Il aura fallu l’élection d’un nouveau président à l’Elysée pour entrevoir un renouveau diplomatique entre Luanda et Paris, dont les relations avaient été fortement dégradées suite à l’ouverture par la France, sous Jacques Chirac, d’une enquête sur le numéro un angolais pour trafic d’armes.
L’ouverture en 1998 d’une enquête par la justice française sur des ventes d’armes, entre 1993 et 2000, au président angolais José Eduardo Dos Santos, alors en guerre contre les rebelles de l’Unita de Jonas Savimbi, avaient été très mal vue par Luanda.
Même s’il n’est pas formellement poursuivi dans le procès qui s’ouvre à Paris, le numéro un angolais avait fort peu apprécié d’être associé à cette affaire. «L’Angola a été traité de manière indigne, accusé de trafic d’armes alors qu’il s’agissait d’acquisitions régulières d’armements par un Etat légitime et souverain», s’offusquait récemment le ministre angolais des Affaires étrangères, Joao Miranda.
«Dos Santos était persuadé que ces ventes d’armes avaient eu le feu vert de la France (…) il en a beaucoup voulu à Jacques Chirac et à ses ministres de l’avoir laissé traîner dans l’opprobre» avait alors ajouté un proche du dossier. Huit mois après avoir renoué à New York avec son homologue angolais, Nicolas Sarkozy a consacré le 23 mai dernier à Luanda la reprise de la coopération entre les deux pays.