(De Ndjeng, district de M’Vadhy, Gabon). Nous sommes sur le fleuve Ivindo, à 6 heures de pirogue à moteur de la préfecture, Makokou, et de ses 15000 âmes. En plein cœur de cette forêt gabonaise qui fait le bonheur des exploitants étrangers, habitent les Kwélés, peuple pacifique de pêcheurs comptant entre 2000 et 3000 représentants au Gabon et quelques autres milliers au Congo et au Cameroun.
Les hommes pêchent, chassent quelques fois, les femmes ramassent le manioc. Ici il fait chaud, chaud et humide. Les villageois s’abrutissent au faux pastis et au mauvais vin espagnol, celui que l’on trouve dans les packs en carton, et subissent malgré eux les influences souvent néfastes des modes de vie importés.
Le touriste ne vient jamais chez eux, nous sommes loin des parcs nationaux et de leurs gorilles au dos argenté. Les seuls passages sont ceux des pirogues qui se rendent à Minkébé, village où tout se monnaye avec la poussière d’or ramassée au fond du fleuve.
On aperçoit quelques blancs, dont une linguiste venue sauver le Bekwil, la langue locale, menacée d’extinction, ou encore des prospecteurs intéressés par les richesses du sol. On trouve quelques groupes électrogènes qui appartiennent souvent aux Ouest-Africains venus faire un peu de commerce dans les villages kwélés.
Des terrains gagnés sur la forêt
Les plus jeunes vont à l’école, pour apprendre à lire et à écrire tandis que les préadolescents aident leur grand-mère, apprennent à pêcher et à chasser. Certains autres partent en ville, vont au collège à Makokou ou essayent d’apprendre à conduire pour devenir chauffeur de taxi.
Ces jeunes ne veulent pas tomber dans les vices de leurs parents, qu’ils prennent parfois pour des soulards. Ils inscrivent sur les murs des maisons en torchis les noms de leurs idoles: Zidane, Beckham, Ronaldinho, Figo, Ronaldo, Drogba, Eto’o… les stars d’hier et d’aujourd’hui de la League des Champions, la plus prestigieuse des compétitions européennes de foot. La plupart des gamins du village n’ont jamais pu voir ces joueurs à la télévision mais ils connaissent pourtant leurs noms et leurs exploits.
Pour rompre avec la monotonie, ils se sont mis à débroussailler un peu plus la forêt pour y faire des terrains de foot dignes de ce nom. Fini les petites parties dans le village poussiéreux, au milieu des poules et des chiens. Place au spectacle! Plusieurs mois de travail ont été nécessaires pour défricher les deux terrains de Ndjeng et l’entretien mensuel est assuré à tour de rôle par les joueurs eux-mêmes.
La Coupe cantonale
Ndjeng a accueilli la troisième édition de La coupe cantonale du district de M’Vadhy, compétition de football qui voit s’affronter les 7 villages kwélés chaque année, fin août. Nous sommes bien loin de la future CAN (Coupe d’Afrique des Nations) qui se déroulera au Gabon en 2012 et d’Alain Giresse, entraineur de l’équipe nationale.
Pourtant, 3 jours durant, les Kwélés se retrouvent autour de ce sport et fêtent cet évènement comme il se doit. Les joueurs essayent de ne pas se soûler avant la fin de la compétition car il est hors de question de se faire chambrer une année durant, avant la prochaine coupe.
Les deux premières éditions se sont déroulées à M’Vadhy et Mayibouth et ont vu la victoire de ces mêmes villages. Cette année, pour ne pas transgresser la règle, c’est Ndjeng qui a gagné. Alors les gens parlent et soupçonnent une sorte de favoritisme pour l’équipe qui reçoit.
Mais peu importe, le chef est très fier de la victoire de son village et les femmes préparent déjà pour l’an prochain du Ngoss, un alcool issu du maïs et du manioc. En 2009, la compétition aura lieu à Mekob et le chef de village ne compte pas qu’il en soit ainsi. Il va embaucher des arbitres Kota ou Fang, qui viennent de l’une des ethnies voisines des Kwélés, et qui seront donc impartiaux (a priori).
Un grand merci à Marion Cheucle, doctorante en linguistique à l’Université de Lyon II, qui m’a permis de découvrir les Kwélés, leur gentillesse et leur passion pour le foot.