Du fait de l’interpellation le 31 décembre dernier de plusieurs leaders d’ONG et deux journalistes, toujours en détention, Bruno Ben Moubamba, responsable en Europe d’un réseau d’ONG dénommé « Acteurs libres de la société civile gabonaise », a écrit au président du Parlement européen pour dénoncer la « répression » contre la société civile au Gabon et demander l’intercession du président français Nicolas Sarkozy.
Se présentant comme le porte-parole en Europe d’un réseau d’ONG dénommé « Acteurs libres de la société civile gabonaise », Bruno Ben Moubamba, a publié, le lundi 5 janvier 2009, une lettre ouverte adressée à Monsieur Hans-Gert Pöttering, président du Parlement Européen, dans laquelle il dénonce l’arrestation de plusieurs acteurs de la société civile gabonaise et lance un «Appel à l’Europe et à la France pour éviter une crise majeure au Gabon».
On peut en effet lire dans la lettre ouverte sus citée : «La répression vient encore une fois de s’abattre sur les Acteurs Libres de la Société Civile Gabonaise. Le 31 décembre 2008, les forces de sécurité gabonaises ont arrêté simultanément plusieurs membres d’ONG (Georges Mpaga, président du Rolbg, Marc Ona, Coordonateur de PWYP Gabon et Président de Brainforest, etc.) et d’autres citoyens (Grégory Ngbwa Mintsa, plaignant gabonais dans l’affaire des biens mal acquis ; son frère, rédacteur en Chef de Tendance, un journal local, et Gaston Asséko, directeur technique de Radio Sainte Marie, une personne n’ayant rien à voir avec les Acteurs Libres). De plus, les bureaux de PWYP-Gabon et de l’ONG Brainforest ont été violemment saccagés et les ordinateurs volés.
Si Marc Ona Essangui est bien connu pour ses prises de position à la lisière de l’opposition radicale et de la société civile exigeante, Georges Mpaga, est également une figure de la société civile qui s’est d’abord fait remarquer dans la lutte contre le Sida avant de devenir président du Réseau des organisations libres de la société civile pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG). Gregory Ngbwa Mintsa, lui, est un intellectuel et militant des droits de l’homme gabonais remarqué, dans les années 90, au sein du Rassemblement national des bûcherons (RNB) du père Paul Mba Abessole dont il a animé le journal, puis dans le RNB de Pierre André Kombila, l’actuel ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle. En rupture de banc avec ces derniers, il s’est dernièrement associé à une plainte de Transparency international et de l’ONG Sherpa portant sur «les conditions dans lesquelles un très important patrimoine immobilier et mobilier a été acquis en France» par les présidents gabonais, congolais et équato-guinéen.
Les trois acteurs de la société civile seraient, selon certaines sources, actuellement détenus dans les cellules de la Police judiciaire (PJ) à Libreville. A leurs côtés se trouvent Gaston Asseko, journaliste et directeur technique à Radio Sainte-Marie, et Léon Dieudonné Koungou, sociétaire du journal « Tendance Gabon ». Les deux journalistes avaient été convoqués au B2 (2ème Bureau des services de renseignements de l’armée gabonaise), le 30 décembre dernier, avant de se retrouver aux côtés des acteurs de la société civile ici concernés. Selon l’Agence gabonaise de presse (AGP), ils auraient pris part à « une réunion préparatoire sur la présentation d’un livre écrit par un Gabonais résidant en France, contre le président Omar Bongo Ondimba et à qui il a adressé une lettre ouverte.» Ce Gabonais est vraisemblablement Bruno Ben Moubamba que l’on dit journaliste, philosophe, universitaire et membre de l’épiscopat du Gabon.
Dans sa lettre ouverte, qui tient également lieu de communiqué de presse, Bruno Ben Moubamba demande au président du Parlement européen «d’intercéder pour nous auprès du Président français Nicolas Sarkozy afin qu’il saisisse l’opportunité historique qui se présente aujourd’hui au Gabon pour inaugurer un Nouveau Cycle de Relations non seulement entre la France et l’Afrique mais aussi entre les Africains et les Européens. »
Dès l’arrestation de ces deux journalistes, M. Ben-Moubamba, recherché par les services des renseignements gabonais, est reparti précipitamment en France, où il vit depuis plusieurs années. Il a indiqué à l’Agence France presse (AFP) n’avoir aucune nouvelle des personnes interpellées, à l’exception de Gregory Ngbwa Mintsa, via « sa soeur, qui a pu lui rendre visite » dimanche.
L’ONG « Publish what you pay » (PWYP) dont Marc Ona est le coordinateur pour le Gabon a publié le 5 janvier depuis Londres un communiqué demandant la libération des cinq personnes arrêtées. «Nous sommes très inquiets quant à leur intégrité physique et mentale (…). Nous appelons la Communauté internationale à insister pour qu’ils soient libérés», a précisé l’organisation.
Selon ses témoignages « il n’a pas de lit, juste une chaise. Il a dit qu’il veut arrêter de s’alimenter et de prendre ses médicaments », a-t-il poursuivi. D’autres sources font état de ce qu’un médecin aurait rendu visite à Gregory Ngbwa Mintsa dont l’état de santé ne serait plus au beau fixe. Il présenterait des œdèmes aux pieds.
A ce jour, la seule raison officielle de leur arrestation a été donnée la semaine dernière sur la radio RFI par André Mba Obame, ministre Gabonais de l’Intérieur, qui a expliqué que ces interpellations entraient dans le cadre d’une enquête « en cours » pour des motifs non précisés.