Omar Bongo a toujours eu le sens du timing. Mercredi 31 décembre, le président gabonais a donc profité du réveillon pour jeter en prison une brochette d’opposants de la société civile. Leur point commun? Avoir porté ces derniers mois la cupidité du régime et de ses affidés devant la justice française. Une coalition d’ONG réclame leur libération.
A Libreville, la rumeur des maquis disait Omar Bongo furieux de la plainte lancée en France sur ses biens mal acquis. Une plainte relayée par plusieurs ONG, françaises et gabonaises. Comme celle de Marc Ona Essangui, Coordinateur de la campagne Publiez Ce Que Vous Payez(PCQVP), qui milite pour une gestion transparente des revenus des industries extractives.
Rue89 l’avait filmé à Paris lors d’une action symbolique menée devant un hôtel particulier du président gabonais. Marc Ona rappelait alors un « effet de la mondialisation, qui est que quand votre voisin pleure, c’est celui d’à côté qui prend le relais ». Mercredi dernier, 31 décembre, la police a donc lancé un coup de filet contre trois acteurs de la société civile et deux journalistes. Tous incarcérés pour… un motif encore inconnu. Ils devaient être déférés au parquet dans la soirée de mardi.
En arrière-plan, la fortune de Bongo et les dérapages des huiles du régime
Alertées dans la journée, les ONG françaises ont eu du mal à obtenir des informations durant le long week-end de trève de fin d’année. Vendredi 2 janvier, le ministère français des Affaires étrangères commente mollement l’affaire lors du point presse:
« Nous considérons d’une part qu’il faut respecter les procédures de justice mais d’autre part, nous rappelons notre attachement au rôle de la société civile.
Nous venons d’avoir notre ambassade qui suit attentivement cette situation pour tenter de comprendre ce qui se passe. Ces personnes font, semble-t-il, l’objet d’une garde à vue, nous attendons de voir comment les choses vont évoluer. Nous suivons attentivement cette affaire. »
En fait, les militants et les deux journalistes sont retenus au commissariat central de Libreville. Un lieu de sinistre réputation où les policiers ont parfois la main lourde sur les suspects. Sans compter l’effroyable dépôt du sous-sol, aux conditions d’hygiène déplorables.
Aucun avocat ne peut les voir. Leurs familles grapillent les informations au compte-goutte. L’un d’eux aurait été sérieusement tabassé par les policiers.
Lundi 5 janvier, Sherpa, Transparency international, Amnesty, la FIDH et cinq autres associations ont finalement décidé de dénoncer collectivement les « persécutions exercées sur ces personnes », dont « le seul tort est de réclamer l’application au Gabon des règles de bonne gouvernance édictées par les institutions internationales auxquelles le pays adhère, c’est-à-dire la transparence et la probité dans la gestion des deniers publics ».
De son côté, Survie condamne une « opération coup de poing » et une « prise d’otage » de la société civile.
Un régime à bout de souffle, sur fond de crise sociale profonde
Après 41 ans de règne sans partage, il est certain que le régime Bongo n’est plus au meilleur de sa forme. Depuis septembre, les enseignants sont en grève. Un mouvement qui est en train de s’étendre au reste de la fonction publique.
Pour Marcel Libama, membre du Front des organisations de la société civile pour la lutte contre la pauvreté au Gabon, les militants issus de la société civile ont donc remplacé l’opposition politique (inexistante) comme relais des frustrations d’une population confrontée à la crise. C’est aussi la raison pour laquelle Omar Bongo les a visés.