Les principaux contrats conclus par les entreprises employant Bernard Kouchner portaient sur un projet d’assurance-maladie au Gabon, un pays qui tient un rôle particulier dans le « pré carré » post-colonial.
Quelle est la place du Gabon dans les relations franco-africaines ?
L’histoire des relations franco-gabonaises depuis l’indépendance fut avant tout modelée par des intérêts – le Gabon fut longtemps un des principaux pays producteurs de pétrole et d’uranium du continent – et par des relations personnelles. La longévité au pouvoir d’Omar Bongo, « élu » président à 30 ans en tant que candidat du parti unique, n’a pas d’équivalent en Afrique. Collaborateur des services secrets français, le jeune homme de petite taille avait été repéré par Jacques Foccart, l’incontournable « Monsieur Afrique » de l’Élysée. Assez vite, les moyens quasi illimités résultant de la montée en puissance de la production pétrolière gabonaise forgeront un type de relations entre les deux pays qui constitueront bientôt l’archétype de ce que François-Xavier Verschave appellera la « Françafrique », système entremêlant relations économiques et politiques.
Comment le « système Bongo » fonctionne-t-il ?
À l’échelle de son pays, Omar Bongo a érigé le clientélisme en règle de fonctionnement. Contraint en 1990, après des émeutes et le discours de François Mitterrand à La Baule, à organiser des élections multipartites, Omar Bongo mettra un point d’honneur à acheter le ralliement de ses opposants. Quant aux réfractaires, plus d’un mourra précocement. « Omar Bongo essaie d’abord d’acheter les gens par de l’argent, des femmes, des maisons, explique l’opposant Bruno Ben Moubamba. Il s’efforce de réduire ses interlocuteurs à ce qu’ils ont de plus médiocre, ce qui est une manière de leur dire : “tu es pire que moi”. »
Vis-à-vis de ses interlocuteurs français, Omar Bongo s’est montré un partenaire ombrageux mais fidèle. Au cours de ses 41 années au pouvoir, il fut bien souvent le discret artisan des opérations plus ou moins occultes de la France sur le continent, qu’il s’agisse d’héberger les mercenaires intervenant au Biafra ou de jouer les transitaires pour les armes envoyées par Paris à son beau-père, le président congolais Denis Sassou-Nguesso. Une rançon à payer, un différend entre telle entreprise française et un gouvernement africain, un vote important au Conseil de sécurité : Omar Bongo est là, jouant de son aura de « doyen », de son grade maçonnique élevé et de son portefeuille fourni. En outre, Libreville reste une plate-forme incontournable pour l’armée française, qui y dispose d’une base permanente.
Quelles relations Omar Bongo entretient-il avec les responsables français ?
Fin connaisseur de la carte électorale hexagonale, Omar Bongo a parrainé bien des responsables politiques français, que sa longévité au pouvoir lui a permis d’accompagner au long de leur carrière. Immanquablement, les périodes précédant les scrutins importants en France sont riches en rencontres entre les ténors politiques et celui qui aime à être traité en « sage » du continent, malgré le délabrement et la pauvreté régnant dans son pays.
La Croix avait en son temps raconté comment, selon le témoignage du chef de cabinet d’Omar Bongo, ce dernier avait pris « quelques bons paquets de liasses de billets bien rangés » dans un attaché-case, qu’il avait personnellement livrés rue de Solférino, au siège du PS, en avril 1981. Une subvention parmi d’autres, selon les connaisseurs.
« Les subsides de Bongo servent à tout le monde lors des élections françaises et créent une sorte de colonialisme à l’envers », analysera l’ancien directeur de la DGSE, Pierre Marion, dans ses Mémoires de l’ombre (Flammarion, 1999). Le président gabonais attend, en effet, en retour de ses « conseils », le maintien de l’impunité entourant son enrichissement personnel. Un « gentlemen’s agreement » que vinrent briser certains ouvrages, dont le célèbre Affaires africaines de Pierre Péan en 1983, et les enquêtes judiciaires en cours sur les « biens mal acquis ».
on s’en fout!