Condamné en septembre par la justice française, le chef d’État gabonais refusait de rembourser à un industriel français la somme que ce dernier lui avait versé pour sortir de la prison de Libreville.
Plusieurs comptes bancaires français détenus par Omar Bongo ont été saisis à la suite d’une condamnation en septembre du chef d’État gabonais, par la cour d’appel de Bordeaux. L’information, révélée jeudi par le quotidien régional Sud-Ouest , a été confirmée par l’avocat du plaignant, un industriel français emprisonné au Gabon puis libéré contre rançon. «Les comptes détenus par Bongo dans deux banques françaises ont été saisis. Il s’agit du Crédit Lyonnais – dans lequel le président gabonais possède deux comptes de dépôt, deux comptes sur livret et un compte-titre – et de comptes à la BNP, où il possède deux comptes-chèque, un compte-épargne et un compte-titre», a indiqué Me Jean-Philippe Le Bail. Selon Sud-Ouest, ces comptes, sur lesquels se trouvent un peu plus de quatre millions d’euros, sont désormais «verrouillés». D’après le quotidien régional, ce serait «la première fois en France qu’un chef d’État en exercice voit ses avoirs gelés de la sorte».
Cette saisie intervient dans le cadre d’une «procédure diligentée par Me Le Bail», à la suite d’un arrêt rendu le 29 septembre par la cour d’appel de Bordeaux. Celle-ci avait condamné Omar Bongo à «restituer la rançon de 457.000 euros exigée pour la libération de René Cardona en 1996». Cet industriel, aujourd’hui retiré dans l’Hérault selon Sud-Ouest, avait été écroué pendant plusieurs semaines à la prison de Libreville, capitale du Gabon, à la suite d’un différend financier avec le président gabonais. Propriétaire d’une pêcherie avec sa flottille, René Cardona l’avait vendue à une société contrôlée par Bongo et sa famille. Mais le Gabonais avait ensuite demandé à Cardona de reprendre son bien, la pêcherie rencontrant des difficultés financières. Devant le refus de celui-ci, il avait porté plainte pour escroquerie auprès d’un juge d’instruction qui était son neveu. Puis l’industriel français a été emprisonné.
«Il m’a foutu en taule pour me forcer à le rembourser»
Pour obtenir la libération de son père alors qu’une épidémie de fièvre Ebola sévissait à la prison de Libreville, le fils de Cardona avait alors dû verser 457.000 euros. Les avocats de Bongo ont toujours affirmé devant la justice française qu’il s’agissait du règlement d’une dette pour «le dédommager pour lui avoir cédé un bateau en mauvais état». La Cour d’appel de Bordeaux n’a pas admis cette version et sa décision est exécutoire. Selon Sud-Ouest, la somme, intérêts compris, due aujourd’hui par Bongo à Cardona s’élève à 1,131 million d’euros. «Il m’a foutu en taule pour me forcer à le rembourser, explique l’industriel dans le journal. Mettre en cabane quelqu’un pour l’escroquer, ce n’est tout de même pas commun. Aujourd’hui, il ferait mieux de me faire un chèque. Cela éviterait qu’il fasse encore la une alors qu’il a une autre affaire sur le dos»*.
Sud-Ouest explique que l’avocat de Cardona a rencontré des difficultés avant de procéder à la saisie des comptes du président gabonais. Certains huissiers sollicités ont en effet argué de l’immunité juridique d’un chef d’État en exercice. Le journal estime qu’elle ne peut être invoquée puisque c’est la personne physique, et non le président, qui a été condamné, de même qu’il ne s’agit pas d’argent public mais des comptes personnels de Bongo. Toujours selon le quotidien régional, Omar Bongo a effectué un pourvoi en cassation de la décision de la cour d’appel de Bordeaux, mais ce pourvoi n’est pas suspensif et ne peut être examiné que si les sommes dues sont réglées. Les avocats du président gabonais disposent d’un délai de trois mois pour trouver une parade juridique à la saisie de ses comptes français.
* Le président gabonais est visé, au même titre que ses homologues Denis Sassou N’Guesso (Congo-Brazzaville) et Théodore Obiang (Guinée-Equatoriale), par une plainte déposée en France pour «recel de détournement de fonds publics», «blanchiment», «abus de biens sociaux» et «abus de confiance», dans le cadre de l’acquisition de biens immobiliers.