Ainsi, des comptes détenus par le président du Gabon, Son Excellence El hadj Omar Ondimba Bongo, en France ont été saisis sur décision de la justice de ce pays, qui l’a condamné à « restituer la rançon de 457 000 euros, exigée pour la libération de René Cardona en 1996 ».
Cette année-là, rappelons-le, cet entrepreneur français a été écroué des semaines à Libreville pour avoir refusé de reprendre sa société d’armement et de pêche qu’auparavant il avait vendu à une société contrôlée par Omar Bongo et sa famille. Dans ce conflit d’intérêts de Ladji Bongo et du président gabonais, le citoyen Bongo ou le président gabonais, allez-y savoir où s’arrête l’un et où commence l’autre, porta plainte pour escroquerie, auprès d’un juge d’instruction qui n’est pas au-dessus de tout soupçon de partialité et de népotisme en faveur de Tonton Bongo, son oncle comme si, dans nos justices non indépendantes aux juges non indépendants, non seulement des pouvoirs déjà en place, il lui était encore nécessaire de dicter son verdict à lui à une caisse de résonnance forcément de sa famille. Depuis quand les juges zimbabwéens courent-ils les rues africaines ?
Bongo aurait voulu montrer qu’au Gabon il use et abuse absolument de tous les pouvoirs absolus qu’il n’aurait pu s’y prendre autrement. « Le Zimbabwe m’appartient », a-t-on entendu. Et René Cardona fut condamné à verser 900 000 euros de dommages-intérêts à Bongo selon Me Meyer, avocat du Gabonais dans cette affaire. « Pour obtenir la libération de son père alors qu’une épidémie de fièvre Ebola sévissait à la prison de Libreville, le fils de René Cardona avait alors dû verser 457 000 euros », soit 300 millions de francs CFA, sur, dit-on, un compte personnel de Bongo. Mais comme, les avocats de leur client ont eu beau dire qu’il s’agissait d’une dette pour « le dédommager pour lui avoir cédé un bateau en mauvais état », la Cour d’appel de Bordeaux n’en a eu cure, la somme due, intérêts compris, aujourd’hui par Bongo à Cardona s’élève à 1,131 million d’euros, et le pourvoi de ses avocats n’est pas suspensif du verdict de la justice, même qu’il ne peut être examiné que si les sommes dues sont versées. Mais ses avocats ayant un délai de trois mois pour trouver une parade juridique à la saisie de ses comptes français visés, non pas de ses comptes français tout court, encore moins de ses comptes tout court…
Voilà une affaire, certes, judiciaire de nature civile selon le porte-parole adjoint du Quai d’Orsay, Frédéric Desagneaux, mais qui ne manquera pas de raviver les tensions entre Paris et Libreille, déjà suffisamment vives en raison de plaintes portant sur le patrimoine immobilier de Bongo en France : la justice française est actuellement saisie d’une autre plainte contre le successeur de Léon M’Ba, déposée en décembre par Transparency international France et Sherpa, deux ONG qui l’accusent de posséder dans l’Hexagone des biens immobiliers de luxe financés avec de l’argent public détourné ; chose au sujet de quoi d’autres ONG avaient vainement essayé de faire ouvrir une instruction judiciaire, c’était en mars 2007 et en juillet 2008, le parquet de Paris ayant classé l’affaire, estimant que les investigations n’avaient pas « permis de mettre en évidence des infractions pénales » à quelle loi ?
Quand on sait que Bongo a jugé inacceptable la simple évocation de la fin de la Françafrique, qui ne le concernait ni spécialement ni uniquement, au point de gripper les relations de son pays avec la France et de se réjouir de la mutation de celui qui menaçait d’y procéder, des sources française et gabonaise disent qu’il y est pour beaucoup, on ne peut que donner raison à ceux qui prédisent une poussée de la fièvre diplomatique franco-gabonaise, dans cette affaire qui met personnellement en cause le doyen des chefs d’Etat africain, au pouvoir depuis 1967. Bongo cité dans l’affaire Elf, Bongo en mars 2007, Bongo en juillet 2008, Bongo dans la Françafrique, Bongo dans l’affaire Cardona, rien que de la fumée (on devrait plutôt dire des fumées sans feu ? La moindre réponse qu’on peut y donner est que, décidément, Bongo a du fric à problème.
Si la saisie, récente, de comptes bancaires français du président gabonais n’est pas une première au monde, elle l’est pour l’Afrique en France, grâce à ce superhéros, qui a réussi l’exploit de forcer la porte du club, très sélect, des Etats et dirigeants aux comptes gelés en France : premier prédécesseur d’Omar Ondimba Bongo, le général Manuel Antonio Noriega, ancien président du Panama, condamné, par défaut, le 1er juillet 1999 par le tribunal de Paris à 10 ans d’emprisonnement et à une amende de 11,2 millions (7 millions d’euros, déposés entre 1982 et 1989, répartis dans une vingtaine de comptes, bloqués) ; deuxième victime historique des comptes bloqués, Jean-Claude Duvalier, famille et proche en juin 1986, même si, en mai 1990, la justice française a remis ces fonds à la disposition de Duvalier, incompétante, a-t-elle dit, pour décider de leur restitution à Haïti. Tout cela, parce que, non contents d’être des antidémocrates qui tyrannisent leur peuple à volonté, ils ne font rien pour que, chez eux, il y ait la sécurité juridique, quand ceux-ci sont honnêtement acquis, de tous les fonds déposés notamment par eux.
Source: Le Faso