Le Gabon, « partenaire privilégié (de la France) depuis 1967 », selon les mots de Nicolas Sarkozy, s’interroge sur ses liens avec Paris. Une pluie de déclarations officielles a dénoncé, ces derniers jours, une « virulente campagne de dénigrement systématique » contre le président Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 1967. Le soupçon d’une complicité de l’exécutif français affleure, menaçant d’ébranler une relation emblématique de la « Françafrique ».
Présidé par M. Bongo, le conseil des ministres du jeudi 5 mars a mis en cause « énergiquement l’abjecte campagne de calomnies et d’insultes orchestrée par les médias français (…) contre la personne » du président gabonais. Un ton au-dessus, le Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir, a pointé, samedi, « une vaste campagne de déstabilisation » et appelé à « réexaminer en profondeur les accords de coopération entre la France et le Gabon », y compris en matière de défense, tandis qu’un éditorialiste fustigeait « le paternalisme néocolonial ».
Venant après la plainte déposée à Paris visant les « biens mal acquis » attribués au président gabonais, la révélation, le 27 février, de la saisie opérée sur des comptes français de M. Bongo en application d’un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, a exaspéré les autorités gabonaises. A leurs yeux, ces mises en cause judiciaires marquent la fin de la protection dont elles jouissaient en France sous les présidents précédents.
Les tensions entre Libreville et Paris ne sont pas nouvelles. En janvier 2008, le président Bongo avait jugé « inacceptables » les propos de Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d’Etat à la coopération, mettant en cause le « gaspillage des fonds publics » par certains régimes africains. M. Bockel avait été remplacé en mars pour apaiser la colère gabonaise.
Un an après, le soupçon rejaillit. « Nos interlocuteurs français sont-ils des pompiers ou des pyromanes ? », s’interroge M. Bongo dans un entretien publié dans le mensuel Continental. « On peut penser qu’il y a des intentions cachées, inavouées (…) », ajoute-t-il en réponse à une question sur les relations avec la France. La presse gabonaise accuse la France d’ingratitude, évoquant les responsables politiques français qui « à chaque élection présidentielle (…) bénéficient des largesses d’OBO (Omar Bongo Ondimba) » et menaçant de révélations embarrassantes.
RÉPONSE FRANÇAISE MINIMALE
En manifestant de la colère, les autorités gabonaises souhaitent probablement amener l’exécutif français, partagé entre des défenseurs du statu quo et les partisans d’une rénovation de la relation franco-gabonaise, à manifester plus chaleureusement son soutien.
Pour l’heure, la réponse officielle française a été minimale. Le Quai d’Orsay a souhaité, lundi 9 mars, « poursuivre sereinement » les relations avec le Gabon. « Le pouvoir gabonais montre son attachement à une forme de relation ancienne devenue anachronique avec la France, mais omet de s’interroger sur les raisons de sa mauvaise image », analyse une source française.
D’autres enjeux apparaissent, d’ordre militaire. L’un concerne la renégociation, en cours à la demande de la France, de l’accord de défense datant de 1960. L’autre a trait au maintien, annoncé par Paris, d’une seule base militaire en Afrique de l’Ouest, le choix final devant s’opérer entre Dakar (Sénégal) et Libreville (Gabon).