ANTANANARIVO (MADAGASCAR) ENVOYÉ SPÉCIAL – Le changement de pouvoir à Madagascar n’a pas clos la crise. A peine Andry Rajoelina a-t-il achevé ses cérémonies d’investiture, arrivé au pouvoir après deux mois de manifestations dans la rue presque ininterrompues, que les partisans du président déchu, Marc Ravalomanana, s’installent à leur tour dans le rôle de manifestants.
Lundi 23 mars, une foule pro-Ravalomanana enfle au point de remplir un vaste amphithéâtre de verdure dans le centre d’Antananarivo, surnommé la « place de la démocratie », et l’ambiance est électrique. « Ici, ce sont des gens qui communiquent par téléphone, et se transmettent directement les mots d’ordre », explique Razakavonison Manda, informaticien, en ajoutant : « Nous, les Malgaches, on est trop pacifistes, à cause de notre culture. Il faut que ça change, on va avoir des martyrs ! » Beaucoup de ceux qui sont présents affirment avoir fait partie du dernier groupe de fidèles qui voulait faire rempart de leur corps autour du président Ravalomanana au palais d’Iavoloha, à une dizaine de kilomètres de la capitale où il s’était retranché dans ses derniers jours au pouvoir, avant de s’évanouir dans la nature. « Ils ont tout détruit ? On va tout détruire ! » s’exclame un partisan de l’ex-président.
MÊMES MÉTHODES
Mais pendant cette première matinée, on frôle la violence sans s’y résoudre, en dépit d’incidents mineurs. Le cortège du nouveau président a le malheur de longer le parc et d’être reconnu. Des pierres volent, des coups de feu – en l’air – de l’escorte sèment un bref vent de panique. Puis les manifestants descendent vers la vaste place du 13-Mai. Longue foule décidée à s’en tenir à une démonstration symbolique, en faisant masse là où, des semaines durant, Andry Rajoelina avait réuni ses partisans.
Une poignée de contre-manifestants viennent les chahuter, signes de la victoire pour « TGV » (Andry Rajoelina) prêts à se transformer en poings serrés, si besoin. Sur le podium du parc, Andrianantoandro Raharinaivo, porte-parole du parti de Marc Ravalomanana, le TIM, venait de faire une apparition d’autant plus remarquée que, comme tous les leaders du parti, il est entré dans une semi-clandestinité prudente. L’avant-veille, il nous fallait, pour lui parler, lui donner rendez-vous dans une voiture. « On se fait très petits », expliquait-il, tout en reconnaissant avoir l’intention de « participer à la transition ». M. Rajoelina, lors d’une interview accordée dimanche, insistait sur la possibilité d’intégrer des membres du TIM dans la Haute Autorité de la transition.
Pour qui aurait oublié qu’Andry Rajoelina et son prédécesseur, Marc Ravalomanana, ont plus de points communs que de différences, les organisateurs de la manifestation ont purement et simplement décidé de copier les méthodes de celui qui vient de s’imposer à la tête de l’Etat en passant d’abord par la rue. Tout est semblable, les méthodes comme les lieux. Chaque jour désormais, les partisans de M. Ravalomanana, toujours caché, disent vouloir se réunir sur cette « place de la démocratie » qui avait été inaugurée comme lieu de contestation par M. Rajoelina.
Jean-Philippe Rémy