Au premier jour de sa tournée éclair en Afrique, le président français Nicolas Sarkozy a clarifié jeudi à Kinshasa son initiative controversée de paix pour la République démocratique du Congo (RDC) puis plaidé à Brazzaville en faveur de la « rénovation » des relations franco-africaines.
Devant le Parlement de Kinshasa, M. Sarkozy s’est longuement attaché à lever les malentendus suscités en RDC par sa proposition, il y a deux mois, en faveur d’un partage « de l’espace » et des « richesses » minières entre la « grande » RDC et le « petit » Rwanda voisin.
Dans un discours aux termes soigneusement pesés, il a salué la « décision courageuse » du président Joseph Kabila d’avoir invité le Rwanda à l’opération militaire conjointe lancée en janvier pour nettoyer l’Est de son pays des rébellions, notamment celles des Hutu rwandais. « Je veux y voir les prémices d’une véritable refondation de la région », a assuré le président français.
Il a suggéré à tous les pays de l’Afrique des Grands lacs de donner un « nouvel élan » à leur coopération économique autour de « projets qui fédèrent » en matière de transports ou d’énergie, et même proposé d’accueillir à Paris en 2010 une conférence des bailleurs de fonds pour la soutenir.
Saluant « un géant » africain, Sarkozy a martelé que « la vocation du Congo n’était pas d’être le maillon faible de l’Afrique centrale » et dénoncé le « gâchis » d’un pays qui a « la fortune à portée de main » mais « reste pauvre ».
Surtout, il s’est abstenu de réutiliser le mot de « partage », que Kinshasa avait considéré comme une volonté de démembrer son territoire au profit du voisin et ennemi rwandais et rappelé son attachement à « la souveraineté inaliénable du Congo ».
Il a également rendu hommage à la « fragile démocratie » congolaise, créditant son président d’une transition réussie. Alors que des ONG comme Human Rights Watch se déclarent « préoccupées » par la dégradation de la situation politique, il a plaidé en faveur de la tenue d’élections locales « dans un délai raisonnable ».
Ce discours a été plutôt bien accueilli par la classe politique congolaise. « Je crois que le gouvernement congolais devra s’en inspirer parce que nous sommes la honte du monde. Avec autant de richesses (…) nous ne pouvons pas être pauvres », a déclaré à l’AFP le président démissionnaire de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe.
Le temps de traverser le fleuve Congo en hélicoptère et Nicolas Sarkozy a rejoint après le déjeuner Brazzaville, où il s’est entretenu avec le président congolais Denis Sassou Nguesso, fidèle allié de Paris dans la région.
Dans le droit fil du discours qu’il avait prononcé en février 2008 en Afrique du Sud, il a une nouvelle fois défendu, devant les parlementaires congolais, sa vision d’une relation franco-africaine « rénovée », débarrassée des « pesanteurs du passé » et des « soupçons ».
Le chef de l’Etat français s’est ainsi défendu de marquer par sa visite son soutien à son hôte avant la présidentielle de juillet.
Il a également souhaité que ce scrutin se déroule « dans la sérénité et la transparence », alors que les législatives de 2007 et locales de 2008 avaient été entachées de fraudes, et espéré que la population du Congo profite mieux des « bénéfices » de ses richesses naturelles comme le pétrole.
S’il a crédité Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 1997, du retour de « la stabilité et la sécurité » au Congo, le président français s’est enfin entretenu avec des chefs de l’opposition, qui ont salué une « première ».
Contrastant avec la sobriété de celui de Kinshasa, la pompe de l’accueil réservé à Nicolas Sarkozy à l’aéroport de Brazzaville et la présence discrète sur le tarmac de l’avocat Robert Bourgi, considéré comme l’un des gardiens de la « Françafrique », ont suggéré que la rénovation prônée par le président français n’était pas encore achevée.