Le parquet de Paris a fait appel le 7 mai dernier de la décision de la doyenne des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’instruire la plainte déposée visant trois présidents africains pour «recel et détournement de fonds publics», «blanchiment», «abus de biens sociaux» et «abus de confiance». L’aval de la juge d’instruction tombé le 4 mai dernier avait engendré une levée de bouclier, mettant notamment en lumière l’incrimination collatérale des plus hautes institutions bancaires françaises.
Déclenchée le 4 mai dernier par la juge d’instruction Françoise Desset, qui avait donné son aval pour l’ouverture d’une information judiciaire sur les biens détenus en France par trois présidents africains, l’affaire a été étouffée dans l’oeuf le 7 mai dernier par le Parquet de Paris, qui a fait appel de la décision de la doyenne des juges d’instruction du tribunal de grande instance.
Il revient désormais à la chambre de l’instruction de décider si un juge français est effectivement habilité à mener une enquête sur les procédures d’acquisition des patrimoines détenus en France par des chefs d’Etat en exercice.
«Les engagements du candidat Sarkozy de mettre fin à certaines pratiques qui ont terni les relations entre la France et l’Afrique sont aujourd’hui totalement caduques», a commenté l’avocat des plaignants, maître William Bourdon.
Il a également estimé que Paris «s’incline devant ses obligés», et que «nous ne sommes pas dans une démocratie moderne. Cet appel vise à asphyxier une enquête qui s’impose en droit et en fait».
Le 20 avril dernier, le parquet de Paris s’était opposé, pour la deuxième fois, à l’ouverture d’une information judiciaire sur les biens en France des présidents gabonais Omar Bongo, congolais Denis Sassou Nguesso et équato-guinéen Teodoro Obiang. Mais la juge d’instruction avait fait fi de ces réquisitions et autorisé l’ouverture de l’enquête.
En décembre dernier, l’association Transparence International France, le réseau de juristes Sherpa et un ressortissant gabonais, Grégory Ngbwa Mintsa, ont déposé une plainte contre X pour «recel de détournement de fonds publics», «blanchiment», «abus de biens sociaux» et «abus de confiance».
La juge d’instruction avait estimé que l’association avait effectivement un intérêt à agir en France, mais pas le ressortissant gabonais. Le parquet avait considéré au contraire que les deux plaignants n’avaient aucune qualité à agir en France et ne pouvaient se prévaloir d’aucun préjudice.
Transparence International France et une autre association avaient déjà déposé deux plaintes simples, classées sans suite, au terme d’une enquête préliminaire qui avait donné un reflet à peu près exact du patrimoine détenus en France par ces présidents africains ou leurs proches.
De nombreux biens immobiliers sont ainsi détenus par ces chefs d’Etat ou par leurs familles, notamment dans les quartiers chics parisiens. L’enquête a également identifié leurs comptes bancaires, ou ceux de proches, ainsi que les nombreuses voitures de luxe -Aston Martin, Bugatti ou Mercedes- achetées parfois en espèces ou, comme pour l’une des filles du président Bongo, par chèque d’un avocat français et de la Paierie du Gabon en France.
La décision de la chambre d’instruction est très attendue et sera soumise à de nombreuses pressions tant les trois pays concernés sont des pivots de l’influence française en Afrique. La chambre de l’instruction n’est tenue par aucun délai pour se prononcer.