« On assiste là à une belle démonstration de langage diplomatique ». Le « compliment » formulé en fin d’interview par un auditeur de France Inter est mérité. Invité de la radio publique ce matin (18 mai), Bernard Kouchner a pris soin d’esquiver les questions polémiques pendant une bonne demi-heure. L’une d’elles lui a même fait perdre la parole…
Après une première partie très calme [voir vidéo], le ministre des Affaires étrangères s’est d’abord échauffé quand les journalistes entourant Nicolas Demorand ont évoqué sa position (très évolutive) sur la Turquie dans l’Union Européenne en désaccord avec celle de Nicolas Sarkozy. Est-il toujours favorable à l’ouverture des portes de l’UE aux Turcs? « Je le suis encore de manière intellectuelle », tergiverse-t-il [à 3’50].
Autre objet d’indignation: son vote à droite aux européennes. Ou plutôt « pour la majorité présidentielle ». Kouchner le socialiste répète plusieurs fois: « Je voterai pour la majorité présidentielle, c’est pas l’UMP » [à partir de la 7’00]. Si ça n’est pas de la diplomatie… Il enchaîne: « Tous les socialistes européens sont d’accord avec tout ce que nous avons proposé ». Tous? « Peut-être pas la France, parce qu’ils sont dans l’opposition systématique », concède-t-il.
La question gênante
Kouchner s’énerve Mais c’est surtout l’affaire « Omar Bongo » qui gêne Kouchner. Une question du chroniqueur Thomas Legrand [à 14’40] ôte brusquement le sourire diplomatique du ministre: « Qu’est-ce que vous pensez du fait que le parquet ait fait appel de la décision d’un juge d’instruction d’enquêter sur les avoirs en France de trois chefs d’Etat africain dont Omar Bongo ? » Kouchner sort immédiatement le joker: « Affaire judiciaire, je ne m’en mêlerais pas ». « Non, le parquet, c’est l’exécutif! », fait remarquer Thomas Legrand. « C’est un peu facile », poursuit le journaliste. « Non, c’est pas facile! », hurle le French Doctor.
En janvier dernier, Bakchich avait révélé qu’Omar Bongo a versé 817 000 euros à une société pour laquelle a travaillé Bernard Kouchner. On comprend mieux pourquoi Nanard paraît très mal à l’aise sur le sujet. « Ce sont toujours les mêmes que l’on cible », répète-t-il, une fois, deux fois, trois fois. Les pauvres Omar Bongo Bongo (Président du Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Théodore Obiang (Guinée-Equatoriale) seraient harcelés par les méchants juges français… On a connu le défenseur des Droits de l’Homme plus engagé contre des pratiques de ce genre.
Kouchner parle de la Birmanie et de Bongo Autre sujet botté en touche: le boycott de la Birmanie après le transfert en prison de Aung Suu Kyi par la junte. Faut-il des sanctions ? « Mais des sanctions, ça ne sert à rien! On n’achète rien là-bas! », répond Kouchner [à 19’45]. On n’achète rien? Comme Bakchich le rappelait, la France est très friand du gaz birman, principale exportation du pays (lequel, vendu à la Thaïlande, génère d’énormes profits à la France et aux EU). Nanard a sans doute aussi « oublié » Total, le cordon ombilical financier des militaires au pouvoir. Fidèle lecteur de notre « journal malveillant », Kouchner doit avoir quelques trous de mémoires. « La sincérité n’a pas de place chez vous », s’est-il emporté au milieu de son interview [8’30]. Cette fois, on ne lui donnera pas tort.
Source: DeSourceSure