Il est un peu plus de 6h ce dimanche matin, l’endroit présente le visage d’un champ de bataille en ruine, déserté par les soldats vaincus d’une armée en manque de discipline : nous sommes au »couloir de la mort », l’un des coins chauds de Libreville situé au 5ème arrondissement.
Des débris de bouteilles jonchent la ruelle çà et là. Dans quelques bistrots, des tenancières, l’air fatiguées, s’affairent à débarrasser les dernières tables encombrées, vestiges d’une clientèle insatiable.
Attablés devant leurs bouteilles à moitié vides, les derniers fétards, ahuris, les traits tirés, le regard absent, ressemblent à des »zombis »(revenants), tant ils semblent étrangers au monde qui les entoure, ou semblent émerger d’un autre univers.
Depuis la devanture de sa maison adjacente au »couloir », un individu d’âge mûr contemple l’air résigné ce spectacle désolant, devenu malgré lui, banal au fil des ans. » Je ne sais plus quoi vous dire, nous avons déjà reçu plusieurs fois les journalistes », murmure-t-il, indifférent, à la question de savoir ce qu’il pense de l’endroit.
Le tristement célèbre »couloir de la mort » demeure toujours une zone à risque dans le 5ème arrondissement de la capitale gabonaise, en raison notamment des multiples agressions perpétrées là-bas ces dernières années.
De l’avis de nombreux riverains cependant, il n’en est pas toujours été ainsi car, expliquent-ils, vers la fin des années quatre-vingt-dix, décennie qui a vu naître ce lieu chaud des nuits librevilloises, le principal souci des riverains était le tapage nocturne occasionné par les décibels débités à forte dose, par les débits de boisson disposés de part et d’autre de cette ruelle, longue d’une centaine de mètres.
» C’est en 1997 que pour la 1ère fois, le maire de Libreville de l’époque, Paul Mba Abessole, prit la décision de fermer le +couloir de la mort +, à la suite des lamentations des voisins qui se plaignaient déjà de ce vacarme », explique un notable septuagénaire, assis à la terrasse de sa maison bâtie non loin de là. »A l’époque, poursuit-t-il, on assistait déjà à des actes indécents des jeunes gens qui faisaient l’amour en public dans un état d’ébriété ».
»La décision du maire avait été contrecarré directement par la primature, occupée alors par un fils de l’arrondissement apostrophé par des électeurs, pour des raisons de politique politicienne, au grand dam des propriétaires riverains, pour certains d’un âge fort avancé nécessitant repos dans le calme et la quiétude, soutient l’interlocuteur.
En 2004, le 1er maire adjoint de l’arrondissement, toujours à la demande des populations, prend la mesure de réglementer les horaires d’ouverture des lieux conformément aux dispositions de l’arrêté municipal 001/200 relatif notamment au tapage nocturne.
Là encore, le répit des intéressés ne sera pas long, le »couloir » semble avoir la peau dure en dépit de l’apparition des agressions physiques qui prennent des proportions inquiétantes au fil des années.
» Il ne fait plus bon de sortir de chez soit à 6h du matin. Et lorsque vous n’êtes pas du quartier, ne vous hasardez pas à traîner dans les environs du » couloir » vers 4h du matin », confie cette mère de famille ayant requis l’anonymat.
Et son voisin de renchérir : » La semaine dernière, la police judiciaire est venue, mais il n’y a eu aucune arrestation. Pourtant, nous savons tous où se trouve le nid de ces bandits dans le quartier ».
De l’avis de ces populations, il suffit pour les forces de l’ordre de se tenir en embuscade à la cafétéria située derrière le magasin »CK 2 » de Lalala pour mettre la main sur ces délinquants, dont la plupart sont connus de tous et habitent non loin de là.
» Ce sont des enfants que nous avons vu naître et grandir. Maintenant, ils nous terrorisent », confie cet homme, ajoutant ne rien comprendre à l’attitude des autorités municipales de l’arrondissement, qui brillent par une absence incompréhensible.
Une chose cependant est certaine : le »couloir de la mort » continue à faire des victimes, à l’exemple du braquage commis il y a quelques jours chez ce commerçant syro-libanais installé non loin de là.