La proximité et l’ambiguïté des relations qu’entretenait Omar Bongo avec la France apparaissent au fil des affaires judiciaires dans lesquelles son nom a été évoqué, qu’il ait lui-même été partie ou qu’il ait seulement été cité dans la procédure.
L’affaire Elf.
L’enquête ouverte en 1994 à Paris par la juge d’instruction Eva Joly met au jour les considérables « bonus » (commissions occultes) versés par la compagnie pétrolière française à Omar Bongo et à d’autres dirigeants africains afin de sécuriser ses approvisionnements.
Outre ce mécanisme de corruption, l’enquête révèle l’existence de comptes domiciliés en Suisse, aux Etats-Unis et de sociétés immatriculées dans un paradis fiscal, autant de caisses noires destinées à faire financer, en retour, par les responsables africains, de somptuaires dépenses personnelles des dirigeants de la compagnie, des salaires de complaisance versés à des proches du président Mitterrand ainsi que des subventions aux partis politiques français de droite comme de gauche.
Pour la première fois, le secret de Polichinelle du financement de la vie politique française par l’argent du pétrole africain était évoqué publiquement. S’il a été qualifié de « chef d’une association de malfaiteurs » en 1997 par le procureur général de Genève, Omar Bongo n’a jamais été ni partie ni témoin dans le spectaculaire procès qui, en 2003, puis en appel en 2004, allait aboutir au prononcé de lourdes peines à l’encontre des dirigeants d’Elf.
Bien que protégé par l’immunité accordée aux chefs d’Etat, M. Bongo avait multiplié les pressions sur l’Elysée pour tenter d’enrayer une enquête qui étalait au grand jour de multiples opérations financières suspectes.
Cependant, le président gabonais a régulièrement été cité comme l’un des bénéficiaires des détournements de fonds publics (305 millions d’euros) reprochés aux prévenus. L’affaire a aussi éclairé le fonctionnement des réseaux africains d’Elf animés par André Tarallo, le « M. Afrique » de la compagnie pétrolière simultanément président d’Elf-Gabon et conseiller du président Bongo.
Tout au long de la procédure, M. Tarallo s’était abrité derrière Omar Bongo en affirmant qu’il n’était que son « mandant », désignant ainsi le président gabonais comme le véritable propriétaire des biens financés par les détournements.
Cette défense, sans conséquences judiciaires pour M. Bongo, protégé par son immunité, avait fini par ulcérer l’intéressé. « Le parapluie Bongo, à force de servir, a fini par se trouer. Et Tarallo est trempé maintenant », avait-il déclaré, en constatant que M. Tarallo n’avait pas convaincu les juges.
Prenant au mot son ancien conseiller, Omar Bongo avait demandé en 2007 à récupérer un appartement du quai d’Orsay (Paris-7e) et une somptueuse villa corse. Cette prétention, que les autorités françaises hésitaient à contrarier pour ne pas froisser l’allié de Libreville, se heurtait aux intérêts du fisc français. L’administration comptait en effet sur la vente de ces biens pour percevoir les énormes amendes pénales (2 millions d’euros) auxquelles M. Tarallo a été condamné et qu’il n’a pas acquittées.
L’affaire
Francesco Smalto. En pleine campagne présidentielle de 1995, alors que s’opposaient Jacques Chirac et Edouard Balladur, le couturier Francesco Smalto fut jugé à Paris pour avoir procuré à Omar Bongo des call-girls accompagnant la livraison de costumes, pour un montant de 3 millions de francs par an.
« On s’était aperçu qu’une présence féminine facilitait les commandes »
, devait déclarer M. Smalto lors du procès, où il fut condamné pour « proxénétisme aggravé ». Le dossier devint une affaire d’Etat lorsque la présidence gabonaise dénonça une « ignoble » agression « par la droite française », liée à la présidentielle. Le Gabon rappela son ambassadeur à Paris.
Dans un livre d’entretiens publié en 2001 (Blanc comme Nègre, Grasset), Omar Bongo affirme que cette affaire, et les fausses rumeurs sur sa séropositivité qui l’avaient accompagnée, avait été montée en épingle par l’« entourage » d’Edouard Balladur. Implicitement, le président suggérait l’hypothèse d’une vengeance de M. Balladur destinée à sanctionner son choix en faveur de Jacques Chirac.
L’affaire « Noir silence ».
En 2000, Omar Bongo s’est estimé offensé par le contenu du livre Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, de François-Xavier Verschave, qui le traitait de « dictateur criminel, corrompu et mafieux ».
Aux côtés des présidents tchadien, Idriss Déby, et congolais, Denis Sassou-Nguesso, M. Bongo a porté plainte à Paris pour « offense à chef d’Etat étranger », un délit dérivé du « crime de lèse-majesté » de l’ancien régime et maintenu au nom des « bonnes relations diplomatiques ».
Les trois plaignants ont été déboutés par une décision de principe. Le tribunal a en effet estimé que le délit reproché était contraire à la liberté d’expression reconnue par la Convention européenne des droits de l’homme. Conséquence indirecte de ce procès, le délit d’« offense à chef d’Etat étranger » fut supprimé en 2004.
L’affaire des « biens mal acquis ».
« La France peut-elle rester une terre d’asile pour l’argent volé aux Africains ? » En pleine campagne présidentielle française, trois associations – dont Sherpa et Survie – ont porté plainte en mars 2007 à Paris pour soulever cette question. Sur la base d’un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) recensant les avoirs détournés par plusieurs chefs d’Etat, elles ont accusé Omar Bongo et quatre autres présidents africains de « recel de détournement d’argent public ».
Contre toute attente, le parquet de Paris, au lieu de classer la plainte, a ouvert une enquête préliminaire en juin 2007. Cette décision, intervenue au moment de l’élection de Nicolas Sarkozy, avait été interprétée comme symbolique d’un désir de rupture avec la « Françafrique ».
L’enquête de l’Office central de répression de la grande délinquance financière, révélée par Le Monde en février 2008, dresse l’inventaire impressionnant des biens possédés en France par ces chefs d’Etat et leur famille. Au total, 33 biens immobiliers (appartements, maisons, hôtel particulier) situés dans des quartiers cossus appartiennent à Bongo ou à ses proches. Le président gabonais est titulaire de onze comptes et ses proches sont à la tête d’une considérable flotte de voitures de luxe dont certaines ont été financées par la « paierie du Gabon en France ».
Cette première plainte ayant été finalement « classée sans suite » en novembre 2007, une deuxième, assortie d’une constitution de partie civile, a été déposée en décembre 2008 par l’organisation non gouvernementale (ONG) Transparence International France, par Sherpa, ainsi que par un contribuable gabonais, Gregory Ngbwa Mintsa. Ce dernier a été interpellé et incarcéré au Gabon pendant douze jours à la fin de 2008 tandis qu’Omar Bongo dénonçait une « campagne de calomnies » contre le Gabon.
Le 5 mai, la doyenne des juges d’instruction du pôle financier de Paris a jugé recevable la deuxième plainte, permettant l’ouverture d’une information judiciaire. Dès le surlendemain, le parquet a fait appel de cette décision qualifiée d’« historique » par les plaignants en ce qu’elle reconnaît pour la première fois l’« intérêt à agir » en justice contre des chefs d’Etat, d’une ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption.
il faut que les enfants bongo repondent des actes posés par leur pere