Des couronnes mortuaires au nom d’Axa, Total, Bolloré, des figures des réseaux franco-africains présentes en nombre: le petit monde de la «Françafrique» s’est donné rendez-vous mardi à Libreville pour les obsèques de son dernier «dinosaure», le président gabonais Omar Bongo.
Les représentants officiels des relations entre Paris et ses ex-colonies africaines sont tous là: le président français Nicolas Sarkozy et son prédécesseur Jacques Chirac, un ami proche du défunt, quelques membres du gouvernement, mais aussi tout un panel d’anciens ministres de la Coopération, de droite comme de gauche. A leurs côtés, les hommes de l’ombre, parmi tous ceux que l’on accuse de perpétuer la «Françafrique», nom donné aux relations ambiguës, voire incestueuses, avec les pays africains.
A cette aune, l’installation des invités par le protocole gabonais, dans l’immense palais présidentiel, n’est pas anodine.Ainsi, le «Monsieur Afrique» officiel du président Sarkozy, Bruno Joubert, est-il assis juste derrière Robert Bourgi, son homologue occulte.
Vieilles gloires déchues
Selon plusieurs observateurs, Me Bourgi, qui avait l’oreille du président Bongo, n’est pas étranger au revirement de Nicolas Sarkozy, qui avait promis de rompre avec la «Françafrique» avant de se montrer, une fois élu, conciliant avec ses symboles.
L’élu Patrick Balkany, omniprésent lors des voyages du président français en Afrique, et l’ancien grand maître du Grand Orient de France Alain Bauer – Omar Bongo était un franc-maçon déclaré – faisaient également partie de la délégation.
Les vieilles gloires déchues ont aussi fait le déplacement. L’ancien patron de la compagnie pétrolière publique française Elf Loïk Le Floch-Prigent, qui a fait de la prison pour des affaires sur lesquelles planait l’ombre du Gabon, est ainsi venu depuis Paris pour déposer une gerbe de fleurs devant le cercueil présidentiel.
Mais les temps ont changé: à son arrivée à l’aéroport de Libreville, il a dû se prêter au jeu du relevé d’empreintes digitales pour une demande de visa en bonne et due forme.
Au-delà de l’anecdote, ce sont toutes les relations entre Libreville et Paris qui s’étaient tendues ces dernières années, notamment en raison des enquêtes en France sur les biens immobiliers «mal acquis» de la famille Bongo accusée de détournement de fonds par des associations. Le président gabonais s’estimait lâché par la France, selon des membres du régime.
Chirac mieux placé que Sarkozy
Les responsables gabonais semblaient d’ailleurs avoir fait «payer» à Nicolas Sarkozy ces tensions en plaçant l’actuel président plus loin du cercueil de Bongo que Jacques Chirac tout en respectant le strict ordre protocolaire.
Le chef de l’Etat français a souligné s’être interrogé sur la pertinence de sa présence à Libreville. «On ne vient pas, on est indifférent. On vient c’est l’ingérence», a-t-il noté, avant de marteler: «La France n’a aucun candidat» pour la succession d’Omar Bongo.
L’accueil réservé à Nicolas Sarkozy à son arrivée au palais présidentiel en dit long sur cette dégradation des relations. Quelques dizaines de Gabonais ont hué le président français avant de scander: «On ne veut plus des Français ! On veut les Chinois !»
source: le parisien