Bruno Ben Moubamba, candidat à l’élection présidentielle du 30 août dernier qui s’était illustré par une grève de la faim durant toute la campagne électorale pour dénoncer l’«illégalité» du scrutin, dénonce le 5 septembre rôle des réseaux français dans le «coup d’Etat électoral» en cours au Gabon. Dans une lettre reprenant le célèbre «J’accuse» de Victor Hugo, que nous publions in extenso, Bruno Ben Moubamba affirme que certains réseaux français, impliquant notamment un des «parrain» de la Françafrique, Robert Bourgi, seraient impliqués dans la falsification et la légitimation des résultats donnant la victoire à Ali Bongo Ondimba, le fils du défunt président et candidat du parti au pouvoir.
Selon nos sources, les autorités françaises ont anticipé le fait que la continuité du système PDG causerait la mort d’un millier de Gabonais. Nous en avons une première illustration en ce moment même à Port-Gentil.
Le sang des Gabonais a commencé à couler parce que nous n’acceptons pas le coup de force, parce que nous n’acceptons pas le coup de force électoral et parce que, comme tous les êtres humains, nous voulons vivre libres et mener une existence normale sur une terre enfin normalisée. Aujourd’hui des Gabonais tuent des Gabonais et nous sombrons peu à peu dans une spirale infernale.
Le 5 juin 2009, à l’Assemblée Nationale française, j’ai appelé la France à faire preuve de compréhension envers les peuples Africains, à commencer par le peuple Gabonais, car nous ne sommes pas des primates à peine évolués mais des personnes à part entière qui, de surcroît, ont payé le prix de la liberté du peuple Français.
En rappelant la célèbre formule d’André Malraux qui, en rendant hommage au résistant Jean Moulin lors du transfert de ses cendres du Panthéon s’était écrié : «Entre ici Jean Moulin !», je pensais du fond de mon cœur que la France Libre allait comprendre l’aspiration des Africains en général, et des Gabonais en particulier, à vivre libérés.
Je suis au regret de le dire mais, ce soir, la France me déçoit et déçoit le peuple Gabonais. Nous avons le sentiment que le sang d’un Gabonais ne pèse rien devant un baril de pétrole. La France a choisi de couvrir, en le niant, le coup de force électoral au Gabon, organisé avec l’aide de Robert Bourgi, un mafieux international qui s’est déjà tristement illustré en RDC – l’ex Zaïre – auprès du maréchal Mobutu et qui, malgré ses échecs, est prêt à recommencer au Gabon pour 30 ou 40 ans de plus.
Aujourd’hui à Port-Gentil, on tue des Gabonais comme on tue des singes dans la forêt. Et ce faisant la France éternelle que nous aimons prend la lourde responsabilité de se voiler la face et de persister dans son autisme politique.
Si la France perd son âme et laisse tuer les Africains, je le dis solennellement, elle perdra le Gabon comme elle est déjà en train de perdre la Côte d’Ivoire. Les tueries à venir, celles du peuple et celles des leaders que nous sommes, n’empêcheront pas la destruction progressive de la françafrique et la disparition de l’influence française sur l’Afrique francophone. Les intérêts français ne seront pas préservés dans le renoncement à l’éthique et à la morale internationale.
Je l’ai dit également au Forum de Reims le 4 avril dernier : les enfants des anciens indigènes, ceux dont les morts reposent dans la terre de l’Est de la France, réclament un retour d’ascenseur. Nos pères ont libéré par deux fois la France de la servitude, elle nous doit au minimum que nous soyons enfin libérés de l’esclavage, de la dictature, de la corruption et de la mauvaise gouvernance.
L’enrichissement à venir de millions d’Africains, et l’apaisement social qui va avec, réduira l’émigration vers l’Europe, il créera une nouvelle classe moyenne et de nouveaux consommateurs performants, la crise financière internationale sera réduite, la part qui revient au Gabon étant mieux gérée, les multinationales seront plus performantes et le sentiment anti-français baissera dans notre sous-région.
Moi, Bruno Ben Moubamba, j’accuse la France d’être derrière le coup d’Etat en cours au Gabon et je dis au Président français Nicolas Sarkozy qu’il n’est pas dans l’intérêt de la France d’agir comme elle le fait pour le moment.
Nous sommes contraints d’admettre, avec horreur et écœurement face aux morts, face au sang qui a commencé à couler au Gabon, que notre problème ne s’appelle pas seulement Ali Bongo Ondimba ou Pascaline Mferi Bongo. Notre problème au Gabon s’appelle aussi Total, Areva, Eramet, Bolloré, etc.
Je l’affirme parce que la France, ce grand pays, peut supporter la vérité. Je l’affirme parce que je n’ai pas l’intention de vendre mon âme pour plaire à on ne sait qui pour on ne sait quoi. Je l’affirme parce que je crois du fond de mon cœur que la seule solution est un nouveau partenariat gagnant-gagnant.
Ma francophilie n’est plus à démontrer. J’aime la France de Clovis à Victor Hugo en passant par l’Abbé Pierre, sans oublier de Gaulle ou Mitterrand, mais je n’accepterai jamais le comportement des réseaux français de l’ombre qui salissent l’âme de la France, patrie des Droits de l’Homme, qui organisent en sous main la confiscation de la démocratie, le massacre d’un peuple et la fin de l’espérance pour toute une génération.
Que les Français fassent ce qu’ils veulent, qu’ils nous traitent comme ils l’entendent, mais nous refusons de céder devant le coup d’Etat électoral et nous ne craignons pas la mort.
L’Histoire jugera entre nous et les autorités françaises qui ont laissé, dans un silence assourdissant, Robert Bourgi et ses «amis» organiser la mort de l’espoir au Gabon».
Gabon libre
Monsieur,
je vous remercie pour cet article que je viens de lire avec émotion pour le Gabon, et pour la France dont vous avez une haute idée. Je souhaite de tout mon coeur que vos voeux soient exaucés et vous assure de ma pensée fidèle, respectueuse et amicale, Luc Bartramie