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L'élection du fils Bongo au delà de la polémique francofrançaise

De notre envoyé spécial à Libreville. Les résultats contreversés de l’élection présidentielle gabonaise ont donné lieu à une passe d’armes des plus classique : opposition humaniste aux mains propres contre résidus de la Françafrique. Essayons de voir au delà de cette scénographie bien rodée.

L’élection présidentielle gabonaise est devenue aussi une polémique franco-française, interprétée par des acteurs médiocres ânonnant un texte sans surprise. Dans le rôle du procureur, Martine Aubry : «Le scrutin était truqué et la France est complice.», affirmation qui laisse à penser que la Première secrétaire du Parti socialiste a obtenu des informations dont les journalistes présents sur place auraient bien aimé disposer. Pour la défense, Nicolas Sarkozy qui a félicité le vainqueur Ali Bongo sans attendre la fin du délai de recours (quinze jours) dont disposent les candidats battus pour exposer leurs griefs. A croire que le chef d’Etat sait déjà que cette procédure n’a strictement aucune chance de remettre en cause le résultat, ce dont une majorité de Gabonais sont totalement convaincus, qu’ils s’en réjouissent ou s’en désolent. E

En tout cas la minable petite dispute Solférino-Elysée n’est pas de nature à grandir l’image de l’ancienne métropole parmi les populations des dix-huit pays francophones. Elle les conforte au contraire dans leurs préjugés contre une nation accusée de vouloir encore tirer les ficelles tout en réduisant graduellement son aide, un pays « arrogant et faux » rendu responsable de l’absence d’alternative démocratique, du sous-développement et de la corruption endémique. C’est évidemment excessif et pour partie injuste mais il ne suffira pas de le répéter la main sur le cœur pour retourner les opinions.

UNe opposition peu convaincante

En invitant les Africains à ne pas se braquer sur le réflexe victimaire, Barack Obama, lors de son discours au Parlement ghanéen, a d’une certaine manière levé un tabou entretenu autant par la culpabilité occidentale que par le ressentiment des anciens colonisés. Il a été écouté avec une relative indulgence due autant à ses « racines africaines » qu’à la force symbolique du changement qu’il prétend incarner.

Mais a-t-il vraiment convaincu ? Quand il s’agit de la France la question ne se pose même pas dans les rues de Libreville, d’Abidjan ou de Dakar. Tout ce qui vient de Paris y est aujourd’hui à priori suspect. Et hélas les interventions de bien des acteurs des relations franco-africaines aggravent ce scepticisme qui bascule de plus en plus dans la franche hostilité.
Prenons comme exemple le résultat de l’élection du 30 août dernier au Gabon. D’après les divers candidats battus de l’opposition, il ne reflète pas la réalité des 300 000 suffrages exprimés. La « triche » tiendrait moins à un classique « bourrage » des urnes qu’à une magouille finale de la Commission électorale (Cenap) qui se serait servi de faux procès-verbaux, transmis en douce après une intervention commando des bérets rouges de l’armée gabonaise.

Le doute récurrent sur la légitimité démocratique du système Bongo incite à penser que ces accusations sont fondées. L’honnêteté journalistique oblige à dire qu’en vérité les résultats présentés par les deux principaux candidats d’opposition n’étaient guère plus convaincants, chacun s’attribuant d’ailleurs la première place. Un tel cas de figure aurait dû inspirer une saine prudence aux autorités françaises, dûment chapitrées sur le soupçon d’ingérence qui pèse constamment sur Paris. Que nenni ! Alors que la colère grondait dans les matiti (bidonvilles) de Libreville et explosait dans le centre de Port-Gentil, Alain Joyandet secrétaire d’Etat à la Coopération s’est empressé de donner quitus au supposé vainqueur Ali Bongo en s’abritant derrière la bonne tenue du scrutin.

Pékin mieux traitée que Paris

On a envie de crier au fou même si la personnalité de ce godillot, nommé en remplacement de Jean-Marie Bockel, saqué à la demande de feu Omar Bongo – comme l’a confirmé lundi matin le « médiateur » Robert Bourgi sur l’antenne de RTL – ne laissait rien présager de bon.
Ceux qui en Afrique refusent de jeter le bébé, entendez les intérêts français, avec l’eau du bain, comprenez la manière dont ils ont été protégés pendant des décennies, n’ont pas tort. Mais ils méconnaissent une partie du problème.

En raison de la place qu’elle occupe dans leur histoire, pour le pire et éventuellement aussi un peu de positif (aux historiens de le dire du moins) la France ne peut exiger un traitement égal à celui réservé aux Chinois ou aux Américains. Aujourd’hui les premiers « pillent » aussi voracement les ressources gabonaises, notamment sa forêt, que Total ne pompe le brut du Golfe de Guinée. Ils ne respectent pas toujours les conditions des contrats signés avec la puissance publique et la population commence à s’en plaindre.

Mais Pékin reste loin alors que Paris est quotidiennement sur tous les écrans de télé branchés en permanence sur France 24, de la moindre cafétéria des quartiers (un snack) aux demeures cossues de la Sablière, le coin chic de Libreville.

Durant son long purgatoire dans l’opposition, la gauche réformiste avait fait de la rupture avec la Françafrique, concept aussi vague qu’imprécis, un principe d’airain de son programme de politique étrangère. Une fois parvenue au pouvoir, tant sous les deux présidences de François Mitterrrand que plus tard avec Lionel Jospin, elle a oublié l’idéal au nom du réalisme dont une gauche de gouvernement ne peut, paraît-il, faire l’économie. Mieux : elle a tissé ses propres réseaux d’influence et d’émissaires occultes pour concurrencer ceux de Jacques Foccart, le Monsieur Afrique du gaullisme.
Petit maître de la récupération et de la communication Sarkozy a repris l’antienne progressiste à son compte, le vidant de sa substance pour la convertir en simple gadget qu’il a d’ailleurs très remis dans sa boîte d’accessoires devenus inutiles. L’idée semble donc avoir donc du plomb dans l’aile. Il n’y a pourtant guère d’autre alternative si la France ne veut pas totalement perdre pied sur un continent qui a déjà entamé sa grande mue. Ce n’est pas simplement une question morale réclamant du courage politique mais un pari raisonné sur l’avenir.

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