Les Gabonais suivront-ils le mot d’ordre des dirigeants de l’opposition qui ont appelé, par l’intermédiaire de Jean Eyeghe Ndong, porte-parole du mouvement, à trois jours de ’’ville morte’’ ? S’il est vrai que l’opposition mobilise encore, il est peu probable que l’appel à la grève soit partout entendu de la même manière dans les principales villes du pays. En Afrique, les opérations « ville morte » ont du reste rarement réussi, surtout au sein des secteurs économiques.
Les gens gagnent leur pitance au jour le jour et, pour rien au monde, ne fermeraient boutiques sauf par crainte de casse et de pillages. Pendant ce temps, le tout nouveau président n’a pas de temps à perdre sur des sujets qui, pour lui, semblent relever du passé. Ali Bongo en l’occurrence, a entrepris d’asseoir son autorité à travers une tournée qui l’a successivement conduit au Cameroun, au Congo-Brazzaville et au Tchad. Ce qui lui importe à présent, c’est comment gérer le pouvoir, maintenant qu’il s’est vêtu des habits présidentiels. En choisissant d’aller dans ces trois pays voisins, Ali Ben Bongo envoie un message clair à tous.
C’est bien lui le nouveau chef de l’Etat et le nouvel homme fort du Gabon et il entend le faire savoir. L’étape du Cameroun est riche en symboles. Le vieux Paul Biya est le nouveau doyen des chefs d’Etat d’Afrique centrale. A 76 ans, il est même plus âgé que Bongo père. C’est pourquoi Ali dit être venu voir le père. Le nouveau président gabonais vient aussi remercier le ’’Vieux’’ pour l’avoir soutenu, lui qui s’informait régulièrement sur ce qui se passait au Gabon.
Enfin, et c’est peut-être l’aspect le plus important, Ali Ben Bongo est venu prendre les conseils d’un homme d’expérience, président de son pays depuis 27 ans. Ainsi Bongo fils se fait introduire doucement dans le cercle très fermé du syndicat des chefs d’Etat africains. Les escales de Brazzaville et de N’Djamena n’ont été que de simples répétitions de la scène camerounaise. Denis Sassou-Nguesso, président congolais, et Paul Biya, ont, à eux deux, 52 ans de règne, soit 2 ans de plus que l’âge de Bongo fils. A cela s’ajoutent les 18 ans de pouvoir de Idriss Déby du Tchad. Ce ne sont donc pas les conseils pour asseoir son pouvoir et bien le consolider qui vont manquer au jeune président au cours de son périple.
Il ne serait du reste pas surprenant qu’Ali Bongo ait mis à profit son déplacement pour parler avec ses pairs des rapports avec la France. L’ancienne métropole possède dans ces quatre pays de gros intérêts qu’elle protégera à tout prix, contre vents et marées, même si cela va souvent à l’encontre des peuples de ces Etats. Et c’est pour dénoncer cet état de fait que les violences issues des contestations des résultats de l’élection ont porté atteinte aux intérêts français à Port-Gentil, 2e ville du Gabon.
A vrai dire, ce n’est pas tant parce qu’Ali Bongo est élu président de la République qu’il est ainsi décrié par ses adversaires. Ceux-ci pensent plutôt qu’il n’y aura aucun changement dans le mode de gestion du pouvoir et que la majorité des Gabonais et Gabonaises, comme cela a été le cas pendant 41 ans, ne profiteront jamais des immenses richesses du pays.
Cette élection d’Ali Bongo, de l’avis de nombreux observateurs, sonne comme la continuité de la nébuleuse françafrique. Désormais, les carottes sont cuites. L’opposition n’a qu’à se tenir tranquille. Il ne reste plus que l’investiture et la prestation de serment pour que les rideaux soient définitivement tirés sur le sujet. Ainsi va l’Afrique.