JUSTICE – L’avocat de l’ONG Transparence International, qui a été déboutée de sa plainte contre trois chefs d’Etat africains, réagit…
C’est non. La cour d’appel de Paris a refusé ce jeudi matin qu’un juge d’instruction se saisisse de l’affaire biens mal acquis par les présidents du Gabon, du Congo et de Guinée Equatoriale et leur entourage. La chambre de l’instruction estime que la plainte, déposée en décembre 2008 par l’ONG Transparence International et à laquelle une juge d’instruction avait donné son feu vert en mai, n’est pas recevable. Selon elle, l’organisation n’a pas juridiquement intérêt à agir.
Pourvoi en cassation
«Ce soir, les grands corrompus vont sabler le champagne, s’exclame William Bourdon, l’avocat de Transparence International. La jurisprudence autorise les associations à porter plainte. Nous allons d’ailleurs nous pourvoir en cassation.» L’avocat dénonce une «affaire extraordinairement politique». Il y a eu «une omerta judicaire. Il est clair qu’il y a aujourd’hui un retour de la Françafrique », affirme William Bourdon.
La plainte de Transparence Internationale vise les conditions d’acquisition d’un important patrimoine par le Congolais Denis Sassou N’Guesso, le Gabonais Omar Bongo, aujourd’hui décédé, et le président de Guinée-Equatoriale, Teodoro Obiang. Le montant estimé de ces biens atteint 160 millions d’euros selon Transparence Internationale. «Mais ce n’est que la partie immergée de l’iceberg, souligne l’association. Il y a des milliards détournés dans ces pays, où la population vit avec moins d’un dollar par jour.»
Une enquête accablante classée sans suite en 2007
En 2007, la justice française s’était brièvement saisie du dossier du «clan Bongo» avant de classer l’affaire sans suite. Pourtant, selon le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), l’enquête de police est accablante. L’ancien président gabonais et sa famille possèdent, outre six garages, trente-trois propriétés dans l’Hexagone, la plupart situées dans les quartiers les plus chics de Paris, les autres sur la Côte-d’Azur. Joyau de l’inventaire, un hôtel particulier situé dans le 8e arrondissement de la capitale, acquis pour 18,875 millions d’euros en juin 2007 par une société civile immobilière dont trois porteurs de parts sont l’épouse d’Omar Bongo et deux de ses enfants.
Une enquête qui n’est guère plus tendre avec le président congolais, Denis Sassous Nguesso, accessoirement beau-père d’Omar Bongo. Selon les procès-verbaux des policiers cités par le CCFD, NGuesso possède notamment un modeste neuf pièces de 328 m2 dans le 17e arrondissement de Paris, acheté pour 2.470.000 euros par son épouse en 2007.
«Un pavillon en région parisienne»
Si les Etats congolais et gabonais se font très discrets sur la procédure engagée par Transparence Internationale, ce n’est pas le cas du président équato-guinéen. La défense de Teodoro Obiang a réaffirmé ce jeudi que le chef d’Etat ne possède qu’«un pavillon en région parisienne, acquis en 1986».
Ses avocats affirment d’ailleurs avoir déposé plainte en diffamation. «Faux, répond le président de l’ONG. A ce jour, cette plainte ne nous a jamais été notifiée. D’ailleurs, ironise Daniel Lebuègue, nous serions très heureux d’aller à nouveau en justice pour mettre à nouveau sur la table toutes les preuves en notre possession.»