Limiter à 2 °C la hausse moyenne des températures
La bonne nouvelle de ces dernières semaines, c’est que tous les grands pays pollueurs – pays développés mais aussi pays émergents – ont mis des chiffres sur la table. La mauvaise, c’est que les promesses sont loin d’être suffisantes pour permettre de limiter le réchauffement moyen de la planète à 2°C par rapport à l’ère industrielle, comme le recommandent les scientifiques pour limiter les risques d’emballement de la machine climatique.
Ce seuil de précaution implique en effet de stabiliser le niveau de concentration des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère à 450 ppm (parties par million). Compte tenu des tendances actuelles, il faudrait pour y parvenir diviser par deux les émissions mondiales d’ici à 2050. Selon les experts du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), les pays développés devraient avoir réduit leurs propres émissions dans une fourchette de 25 % à 40 % d’ici à 2020 et de 80 % d’ici à 2050. Or les engagements annoncés à ce jour représentent une baisse de seulement 12 % à 16 % d’ici à 2020.
En n’assumant pas sa part du fardeau, le Nord – responsable historique du réchauffement – est bien mal placé pour faire la leçon aux pays en développement et exiger davantage. Faut-il s’attendre à de nouvelles annonces substantielles à Copenhague ? Les observateurs en doutent. On se retrouverait alors dans la situation où, tout en maintenant l’ambition de limiter la hausse des températures à 2°C, aucune trajectoire crédible ne serait assumée pour y parvenir. D’où cette idée que, même en cas d’accord, il faudra prévoir dans les décisions de Copenhague, une « clause de révision » pour reprendre la discussion sur les étapes à franchir d’ici à 2050. L’exercice pourrait être calé après la publication du prochain rapport du GIEC en 2014.
Suivre les promesses et les tenir
La question est un des plus violents sujets d’affrontement de la négociation, car il s’agit d’imposer un droit de regard international sur les politiques climatiques. Les Etats-Unis veulent un système unique applicable à tout le monde pour s’assurer, en particulier, que les Chinois feront bien les efforts annoncés. Sans cette garantie, Barack Obama aura du mal à convaincre les sénateurs d’adopter son projet de loi sur le climat. Les Européens sont ouverts à la création d’un double dispositif qui permette un traitement différencié entre les pays industrialisés et les pays en développement.
Les pays émergents sont, en effet, totalement hostiles à toute forme d’ingérence dès lors que leurs efforts pour lutter contre le réchauffement sont volontaires et ne reçoivent pas de soutien financier international. Ils réclament en revanche que les pays industrialisés continuent à se plier aux règles très précises du protocole de Kyoto, qui prévoit un système de contrôle très pointilleux. Mais ce n’est pas pour autant la panacée car Kyoto ne possède pas de véritables sanctions contre les pays qui ne remplissent pas leurs objectifs.
Ce débat est essentiel pour donner de la crédibilité à l’accord qui pourrait être signé. L’Inde a été chargée par la présidence danoise de la conférence de trouver un compromis entre les différents protagonistes. A la veille du lever de rideau, aucune solution ne se dessinait.
Le financement par les pays du Nord
Que les pays du Nord doivent contribuer aux efforts des pays les plus pauvres pour s’adapter au changement climatique n’est contesté par personne. Mais quel doit être le montant de cette contribution, et comment la distribuer ? Le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a estimé que 66 milliards d’euros (soit 100 milliards de dollars) seraient nécessaires chaque année, à l’horizon 2030, en plus de l’aide existante.
En septembre, la Commission européenne a, de son côté, estimé les besoins à environ 100 milliards d’euros. Le chiffre paraît trop élevé pour être réellement discuté à Copenhague. En revanche, la Commission a avancé l’idée d’un financement immédiat ( fast start ) de l’ordre de 5 à 7 milliards d’euros par an d’ici à 2012. C’est ce montant qui sera discuté à Copenhague. A l’orée de la conférence, cependant, aucune promesse de financement n’a encore été faite.
Quant à la façon de gérer ces sommes éventuelles, rien n’est réglé. Les Etats-Unis privilégient une gestion par un organe de la Banque mondiale, les Européens hésitent, le G77 voudrait un fonds autonome au sein des Nations unies où ils auraient voix égale au chapitre. La conférence de Poznan sur le climat, en décembre 2008, s’était achevée sur un vif désaccord entre le Sud et le Nord, qui veut conserver un droit de regard sur les sommes en jeu.
Les réponses à ces questions sont jugées par les pays en développement comme un gage de la bonne foi des pays du Nord.
L’avenir du protocole de Kyoto
Le protocole de Kyoto a été adopté en 1997. Son coeur est l’engagement des pays du Nord de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % sur la « première période d’engagement » allant de 2008 à 2012. La conférence de Copenhague a pour but principal de définir le régime international juridique sur le changement climatique applicable après 2012. Mais cette question fait l’objet d’un désaccord de fond.
Les Etats-Unis, qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto (qu’ils avaient pourtant signé), n’en veulent toujours pas et se contenteraient d’une décision politique assortie d’engagements volontaires et non contraignants des Etats. Les Européens ont poussé à un accord unique, qui unifierait la Convention (non contraignante, mais à laquelle les Etats-Unis adhèrent) et le protocole.
Les pays en développement insistent sur le maintien du protocole de Kyoto, rappelant que son texte prévoit explicitement une deuxième période d’engagement, et qu’il ne sera donc pas périmé en 2012. Ils craignent, en effet, que les pays développés assouplissent leur engagement dans un autre accord. Ils l’ont rappelé avec force à la réunion de Barcelone, en novembre, contraignant l’Europe à affirmer qu’elle restait attachée au protocole.
Cependant, les chances sont infimes que les Etats-Unis reviennent dans le protocole, ou adhèrent à un traité de la même nature. Et des pays actuellement engagés par le protocole, tels que le Japon, pourraient choisir d’en sortir, pour ne pas être défavorisés par rapport aux Etats-Unis.
Un autre aspect crucial va aussi peser : l’avenir du « marché du carbone » est lié aux « mécanismes de développement propre » inclus dans le protocole. Il est vrai que la légitimité de ce marché est de plus en plus contestée, aussi bien par une partie des ONG que par des économistes, qui remettent au goût du jour l’idée des taxes.
Le sauvetage de la forêt tropicale
Les négociations sur l’avenir des forêts tropicales – dont la disparition est à l’origine, selon les calculs, de 12 % à 20 % des émissions de CO2 annuelles – ont beaucoup progressé au cours des derniers mois. L’objectif – qui fait aujourd’hui consensus – est la création d’un mécanisme baptisé REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Degradation) qui permette de récompenser financièrement les pays qui luttent contre la déforestation.Rainforest Coalition – conditionnent, en effet, leurs efforts au soutien financier que le Nord sera en mesure de mobiliser. Que ce soit à travers l’aide publique ou un marché du carbone forestier dans lequel chaque tonne de CO2 conservée donnerait droit à un crédit monnayable auprès des Etats ou des entreprises. Mais cette deuxième solution est encore loin d’être opérationnelle et continue de soulever d’importances interrogations.
La Norvège et le prince Charles ont déployé beaucoup d’énergie pour convaincre leurs partenaires du Nord. La Norvège a, pour sa part, déjà promis 250 millions de dollars (167 millions d’euros) au Guyana et 1 milliard de dollars (670 millions d’euros) au Brésil d’ici à 2015.
Le Brésil et les autres pays forestiers – Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Congo… réunis au sein de la
Tout en convoitant ce nouveau pactole, les pays forestiers refusent que REDD devienne un moyen pour les pays du Nord d’atteindre à bon compte leurs objectifs climatiques. En attendant, l’adoption de REDD butte sur l’argent que les pays du Nord seront prêts à mettre dès 2010 sur la table. Les experts estiment que pour réduire la déforestation de 25 % d’ici à 2015, 15 à 25 milliards d’euros « suffiraient ».
Les sommes promises par quelques pays – Norvège, France, Royaume-Uni, Etats-Unis – sont loin d’être à la hauteur. Mais si aucune décision n’était prise à Copenhague, ce serait une grosse déception pour les pays forestiers. Une quarantaine d’entre eux ont déjà commencé, avec l’appui notamment de la Banque mondiale, à se mettre en marche pour profiter du futur dispositif. En septembre, en marge du sommet des chefs d’Etat sur le climat, ils avaient déjà exprimé leur impatience devant les hésitations du Nord.