Réunis ce 30 décembre au siège de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD), 8 des membres du Front de refus du coup de force électoral, dont six étaient candidats à l’élection présidentielle d’août dernier, ont annoncé la création d’un nouveau parti de l’opposition. Regroupant plusieurs anciens barons du parti au pouvoir, leaders politiques dans leurs circonscriptions respectives, ce «grand parti» est appelé à créer un contre pouvoir crédible au Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), qui s’est maintenu au pouvoir en août dernier face à une opposition éparse.
Après quatre mois de guerre lasse, ponctuée par une série de manifestations dont l’essentiel a été interdit par le gouvernement, et privé d’une tribune légale d’expression, le Front de refus du coup de force électoral a jugé utile de fédérer ses moyens, son énergie et ses ambitions autour d’un grand parti politique capable de contrer le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir).
Lors de la conférence de presse organisée ce 30 décembre au siège de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD), 8 de leurs membres, dont six s’étaient présentés à l’élection présidentielle d’août dernier ont annoncé la création de ce «grand parti» censé fédérer les forces de l’opposition du pays.
Le grand absent de ce nouveau rassemblement reste l’Union du peuple gabonais (UPG) de Pierre Mamboundou, arrivé deuxième à l’élection présidentielle, grâce au renfort de l’Alliance pour le changement et la restauration (ACR) qui compte cinq formations politiques.
Après le petit speech introductif du président de l’UGDD, Zacharie Myboto, la déclaration, que nous publions ci dessous, a été lue par le dernier Premier ministre du défunt président Omar Bongo, Jean Eyeghe Ndong, devenu le porte-parole du Front de refus du coup de force électoral. Selon certaines sources, des pourparlers seraient engagés avec plusieurs partis de l’opposition pour rejoindre ce rassemblement.
Déclaration
Libreville, le 30 décembre 2009
«Lorsque dans le cours des événements, il devient nécessaire pour des femmes et des hommes libres de reconsidérer les liens politiques qu’ils entretiennent, le respect dû au peuple oblige à déclarer les causes qui les déterminent.
La recherche de liberté et de bien-être est le propre de l’humain. Le Gabon est notre pays, il est celui de nos enfants. Le pays de nos ambitions et celui de nos espérances. Nous ne pouvons en conscience continuer à faire comme si la situation du Gabon ne nous interpellait pas.
Le 30 août dernier, le peuple gabonais s’est prononcé. Il a clairement exprimé dans les urnes son ardent désir de changement. Il a dit au Pays et au Monde sa volonté d’ouvrir une ère nouvelle pour notre destinée commune.
Nos compatriotes ont manifesté leur désir de liberté, de justice et d’égalité des chances. Au nom des valeurs de la République et de la Nation, le peuple gabonais s’est rassemblé. Il a appelé à un sursaut national. Nous devons entendre cet appel. Nous devons donner suite à l’appel de nos concitoyens.
Chacun connaît la situation de blocage dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui. Elle doit être regardée et analysée avec courage et lucidité. Dans un monde en mouvement, notre pays ne peut demeurer statique et se complaire dans la gesticulation et l’amateurisme. Nous ne pouvons assister impuissants au musèlement de la presse, à l’irruption des forces de défense dans la vie de tous les jours, au triomphe de l’arbitraire et de la loi du plus fort. Nous ne pouvons rester inactifs face au recul des libertés publiques.
Le pouvoir illégitime qui s’est installé à l’issue du coup d’État du 03 septembre 2009, guidé par une volonté de règlement de comptes prend chaque jour des décisions partisanes au service d’un clan, au mépris des lois et des engagements de notre pays. La gestion laxiste des administrations et des agents publics, l’hypothèque de l’année scolaire ainsi que les crises ouvertes dans plusieurs secteurs économiques et sociaux confirment la situation de crise dans laquelle se trouve le Gabon aujourd’hui.
A l’éveil démocratique des Gabonais doit répondre un éveil politique pour redonner du sens à notre destinée commune. Cet éveil politique, la Coalition des Groupes et Partis Politiques pour l’Alternance a le devoir de l’incarner au service du Gabon et des Gabonais.
L’année 2010 qui arrive sera marquée par la célébration du 50ème anniversaire de l’Indépendance de notre pays. Cela fait donc 50 ans que la communauté internationale reconnaît aux Gabonaises et aux Gabonais le droit et la responsabilité de disposer librement de leur destin et de choisir en toute indépendance les femmes et les hommes qui ont la charge des affaires de la Nation.
Près de 50 ans après l’Indépendance, nous devons à la vérité de constater que le niveau de développement politique, économique, social et culturel du Gabon est en-deçà du riche potentiel naturel et humain de notre pays. Il nous suffit pour cela de mesurer le chemin parcouru par les autres Nations qui en 1960 présentaient un potentiel inférieur ou équivalent au nôtre.
Depuis 1960, et en dépit des millions de tonnes de pétrole, de manganèse, d’uranium ou de mètres cubes de bois extraits de notre sous-sol et de notre forêt pour être commercialisés à travers le monde et qui ont fait la prospérité des exploitants, notre pays est toujours à la recherche de son développement, c’est-à-dire l’amélioration significative des conditions de vie de ses populations.
Depuis l’Indépendance, malgré les différentes expériences politiques qui ont conduit dans un premier temps au multipartisme, puis au Parti unique pour revenir au multipartisme en 1990, le Gabon n’a jamais connu d’alternance politique. La Conférence Nationale de 1990, en consacrant le retour de notre pays au multipartisme reconnaissait que la démocratie, qui ne peut être séparée de l’alternance politique, était nécessaire au développement politique, économique, social et culturel du Gabon. Et si le multipartisme est bien effectif dans notre pays depuis bientôt vingt ans, la démocratie reste à construire et l’alternance politique n’est toujours pas réalisée.
La vie politique de notre pays s’est plutôt caractérisée par la création continue d’une multitude de Partis Politiques dont l’implantation géographique et sociologique, ainsi que l’impact politique restent plus que limités.
L’élection présidentielle anticipée, consécutive au décès du Président Omar BONGO ONDIMBA le 8 juin 2009, a ouvert les perspectives réelles d’une recomposition politique devenue inévitable, mais surtout de l’alternance politique tant souhaitée par le peuple gabonais.
La volonté de changement, clairement exprimée lors de l’élection présidentielle du 30 août dernier, n’a pas suffi à réaliser cet objectif ; Et le coup d’État perpétré à cette occasion par le Pouvoir en place n’a pas eu raison de cette formidable détermination populaire. Du reste, cet élan historique continue d’être exprimé par la très grande majorité de nos concitoyens qui attend des hommes et des femmes politiques engagées pour le changement réel, un examen lucide de la situation, mais surtout une introspection et un dépassement de soi pour sortir enfin de cette paralysie politique.
Près de 20 ans après la Conférence Nationale qui a marqué le retour au multipartisme, le constat est amer. Le processus de démocratisation du Gabon est aujourd’hui menacé. La démocratie peine à s’installer malgré les Institutions mises en place pour nous y conduire et les textes devant la garantir. Comment expliquer pareille situation alors même que le peuple appelle cette démocratie de tous ses vœux ?
C’est plutôt dans les pratiques politiques que la vérité nous commande de jeter un regard froid pour comprendre les nombreuses raisons qui n’ont jamais permis l’alternance au Gabon.
Oui, nous avons toujours dénoncé la confiscation du pouvoir par un Parti au service d’un clan dont les méthodes obscurantistes ont tué bon nombre d’espoirs. La coercition, les menaces, les restrictions des libertés publiques, les assassinats, la corruption sont au nombre des pratiques qui freinent l’avènement d’une véritable démocratie au Gabon.
Tout en critiquant les atteintes à l’exercice de la démocratie par le Pouvoir, nous ne pouvons passer sous silence ce qui est aussi la responsabilité de l’Opposition sur les échecs répétés pour aboutir à l’alternance. Aussi dommageables que soient les maux dénoncés plus haut pour la démocratie, ils ne sauraient nous faire oublier la duplicité de nombre d’entre nous, leaders politiques, qui se sont parfois illustrés par des comportements égoïstes et égocentriques, des faux fuyants et des voltefaces déroutants.
C’est parce que nous saurons reconnaître notre part de responsabilité dans la situation politique actuelle, que nous serons courageux et humbles pour faire le constat que révèle nos manquements et prendre les décisions importantes qui s’imposent. La réalité politique nous commande de ne plus biaiser, de ne plus louvoyer pour échapper à l’image que renvoie de nous le miroir de cette réalité.
Qui pourra nous croire encore si pour vouloir le changement dans notre pays, nous ne changeons pas nous-mêmes notre manière de faire la politique pour servir les intérêts du plus grand nombre et non plus ceux de nos seuls maisons, villages et ethnies ?
La réalisation de cet impératif de changement passe nécessairement par la conjugaison des efforts et des intelligences de tous ceux qui placent le Gabon au-dessus de leur position personnelle de pouvoir. Leur rassemblement s’impose maintenant.
À la suite du débat qui s’est ouvert avec les Gabonaises et les Gabonais et qui a engagé les forces du changement dans une profonde réflexion individuelle et collective, nous :
Gérard ELLA NGUEMA, Président du Rassemblement National des Républicains (R.N.R) ;
Jean ÉYEGHE NDONG, Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
André MBA OBAME, Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
Bruno Ben MOUBAMBA, Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
Zacharie MYBOTO, Président de l’Union Gabonaise pour la Démocratie et le Développement ; (U.G.D.D) et Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
Jean NTOUTOUME NGOUA, Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
Casimir OYE MBA, Candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009 ;
Pierre Claver ZENG EBOME, Président du Mouvement Africain pour le Développement (M.A.D) ;
Signataires, le 15 novembre 2009, de la Charte de la Coalition des Groupes et Partis Politiques pour l’Alternance ;
Conscients de notre responsabilité devant Dieu, devant l’Histoire, devant la Nation et devant le Peuple ;
Considérant la situation politique de notre pays, qui se caractérise par un recul sans précédent de l’État de droit et des libertés publiques consécutifs au coup d’État du 3 septembre 2009 qui a placé à la tête de notre pays un Président illégitime ;
Constatant que ce pouvoir illégitime qui tient à s’imposer face à la volonté de changement du peuple Gabonais affiche clairement les prémices du totalitarisme et de la dictature ;
Prenant acte du désir ardent de l’unité de toutes les forces du changement qu’exprime l’opinion publique nationale ;
Considérant la grande richesse que constitue la formidable diversité ethnique et culturelle de notre pays qui est instrumentalisée par certains acteurs politiques pour attiser les démons du tribalisme et diviser un peuple dont l’unité doit être la première force ;
Considérant le nécessaire développement économique et social du pays qui impose la mobilisation de toutes les compétences pour l’élaboration d’un projet véritablement ambitieux et réaliste, conforme aux attentes des Gabonaises et des Gabonais, attractif pour les investissements privés et respectueux des engagements internationaux du Gabon;
Décidons solennellement ce jour de nous unir et d’unir nos forces, en procédant à la fusion de nos partis politiques afin de créer avec les groupes politiques un grand parti politique novateur.
Les autres membres de la Coalition, qui partagent cette démarche d’unité, nous rejoindrons le moment venu.
Nous lançons un appel solennel à toutes les Gabonaises et à tous les Gabonais, à tous les partis politiques attachés au changement et à la construction d’une Nation indépendante, libre et prospère, pour rejoindre ce grand parti politique et offrir à notre pays l’outil de l’alternance dont il a besoin pour développer son formidable potentiel. L’heure est grave et le Gabon a besoin de chacune de ses filles et de chacun de ses fils. Personne ne viendra construire ce pays à notre place. Vous y avez toute votre place. Pour vous, pour nous tous et surtout pour les générations futures : rejoignez-nous !
Ce grand parti n’est ni une alliance de circonstance, ni une simple réponse au coup d’État de septembre dernier. Il s’agit d’un acte de foi dans le Gabon d’aujourd’hui et de demain. La décision de nous unir dans ce grand parti exprime notre volonté commune de construire un avenir meilleur. Ce parti transcende les ethnies et les tribus, les communautés diverses qui font notre richesse commune. Il se veut un lieu de brassage politique des générations et de mise en commun des intelligences, fondé sur l’amour de la Patrie.
Aux militants et partisans des Partis politiques et groupes de la Coalition, nous disons : la voie que nous vous proposons n’est pas la plus facile, loin de là. Elle demande du courage, de l’abnégation et de la détermination. Mais c’est la seule et unique voie qui se présente à nous, si nous voulons véritablement offrir à notre pays le changement qu’ensemble nous souhaitons et que le peuple appelle de ses vœux avec insistance et pour lequel nous œuvrons tous.
Nous tenons aussi à vous rassurer sur les garanties que la loi n° 24/96 du 16 juin 1996 relative aux Partis politiques nous donne dans le cadre de la fusion de nos partis dans la mesure où celle-ci en son article 17 traite du cas de fusion. Les partis politiques ne perdent rien de ce que légalement ils ont obtenu dans leurs situations anciennes. Les légalisations des partis ayant fusionné sont de droit transférés au nouveau parti et tous les sièges obtenus lors des dernières élections législatives, locales et sénatoriales sont maintenus et transférés à celui-ci.
Le Gabon notre pays est riche de sa diversité ethnique. Nous ne devons laisser rien ni personne se servir de cette diversité pour nous diviser et nous liguer les uns contre les autres. Nous sommes tous enfants de ce pays qui nous a vu naitre et verra grandir nos enfants et petits-enfants. Le Gabon est un et indivisible.
Nous voulons construire ensemble un pays solidaire, uni et prospère où chaque citoyen trouvera sa juste place en étant assuré que son mérite sera reconnu à sa juste valeur.
Gabonaises, Gabonais, très chers compatriotes,
À cet instant historique nous vous invitons à vous engager résolument dans le combat politique pour l’unité nationale, la démocratie, la défense de nos intérêts et le développement de notre pays. Unissons nos forces, le moment est venu de nous retrouver pour construire le Gabon de nos rêves.
Vive la République,
Vive le Gabon».