2010 sera véritablement l’année de l’Afrique. Du cinquantenaire des indépendances en Afrique francophone, à la Coupe du monde de foot cet été en Afrique du Sud, le continent noir sera à l’honneur, avec toutes les ambiguïtés, les espoirs et les probables désillusions de ce type de rendez-vous.
Pas moins de dix-sept pays d’Afrique sub-saharienne célèbreront cette année un demi-siècle d’indépendance. Pour vous remettre dans l’ambiance de 1960, quoi de mieux que le tube de l’époque, « Indépendance Cha Cha ». du musicien congolais Joseph Kabassele Tshamala, dit le « Grand Kallé », fondateur de l’african jazz. Ce morceau est porteur de toute la joie et des espoirs de l’époque.
Mais pendant que l’Afrique perdait progressivement ses illusions, un homme faisait un constat lucide et visionnaire, et lançait un cri d’alarme : René Dumont, dans son livre « l’Afrique noire est mal partie », publié dès 1962, et dans lequel cet agronome de formation faisait le procès du modèle de développement du continent, directement inspiré des anciennes puissances coloniales.
La « rupture » sarkozyste n’a pas vraiment atteint la Françafrique
L’histoire a évidemment donné raison à l’homme aux cols roulés rouges, et pas seulement sur ce plan puisque cet ancien candidat à l’élection présidentielle (en 1974) est incontestablement l’ancêtre des écologistes d’aujourd’hui (Voir cette vidéo de sa campagne de 1974).
Cette année, la France va honorer ses anciennes colonies, notamment en faisant défiler des troupes africaines sur les Champs-Elysées le 14 juillet, une manière de rendre hommage, aussi, à la contribution des soldats africains à la libération de la France durant les deux guerres mondiales.
L’occasion était bonne pour une remise à plat des relations franco-africaines, hier incestueuses et idéalisées, aujourd’hui dépassionnées ou franchement hostiles. Nicolas Sarkozy était idéalement placé pour dépoussiérer ces rapports, au nom de la « rupture » annoncée lors de sa campagne.
A Dakar, mauvais départ pour le quinquennat de Sarkozy
Mais là aussi, le Président n’a pas tenu parole, que ce soit du fait du poids des lobbies (Bolloré, les familles régnantes au Gabon et ailleurs) ou de ses propres maladresses et celles de son entourage. Le discours de Dakar inaugurait son quinquennat sur la mauvaise note (« l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire »…).
Il s’est un peu rattrapé avec la nécessaire remise à plat des accords de défense entre la France et ses anciennes colonies, rédigés sous l’influence de Jacques Foccart, l’ancien « Monsieur Afrique » du général de Gaulle. Ce dernier plaçait l’armée française au coeur des Etats africains et de la défense de leurs régimes. Les nouveaux accords devraient être signés cette année.
Pour le reste, le dernier épisode gabonais montre que la Françafrique n’est pas morte. A cette aune, le rendez-vous franco-africain de 2010 risque fort d’être un non-événement.
Rendez-vous sportif en Afrique du Sud
Le vrai rendez-vous africain de l’année, c’est évidemment l’Afrique du Sud et la Coupe du monde, le plus grand événement sportif jamais organisé sur le continent noir. Qu’il ait lieu en Afrique du Sud ne tient pas du hasard : c’est le pays le plus développé du continent, grâce à ses richesses minières et l’héritage de l’économie de l’ère de l’apartheid.
C’est aussi le pays de Nelson Mandela, qu’on verra au cinéma dans le film « Invictus » de Clint Eastwood, et dont la Coupe du monde dans son pays sera le couronnement de l’action et de ses sacrifices.
L’Afrique du Sud ne manque pas de problèmes, sociaux, sécuritaires, économiques, sanitaires auxquels elle a du mal à faire face. Mais c’est aussi par elle que passera la « Renaissance africaine » annoncée, mais qui n’a pas encore trouvé sa voie.
L’Afrique, continent doublement perdant
La Coupe du monde, après l’élection d’un descendant d’immigrant africain à la tête de la première puissance mondiale, sont des symboles de nature à redonner confiance au continent perdant de la phase de mondialisation que vient de traverser le monde. Perdant aussi de l’histoire de la décolonisation et du développement, deux mots mythifiés et progressivement vidés de leur sens.
2010 remettra l’Afrique au centre de l’attention. Il ne faudrait pas qu’une fois la fête finie, elle retourne à l’indifférence, et à ses problèmes qui sont aussi les nôtres. Une partie -une partie seulement- de la réponse est entre les mains des Africains eux-mêmes.
Cet article s’ouvrait sur « Independance Cha Cha » ; il se termine sur la bande-annonce du film de Clint Eastwood. Je l’emprunte au blog de Nicolas Bordas, le président de l’agence TBWA France, qui invite en ce début d’année à « s’inspirer de la sagesse sud-africaine »)… L’année de l’Afrique est ouverte.