L’inventivité répressive issue du coup d’Etat électoral de septembre 2009 est toujours sans limites. Alors qu’aucune mesure n’est intervenue en faveur de l’amélioration des conditions du peuple gabonais, que les déplacements du putschiste pour rendre compte à ses maîtres en France sont de plus en plus fréquents, que les membres de l’opposition sont eux interdits de voyager, la propagande de « l’émergence » (ils n’ont toujours pas compris que l’émergence concerne des Etats de la taille de l’Inde et de la Chine) a rendu publique une mesure qui a une apparence d’évidence : faire travailler davantage les Gabonais. Pourtant, si, de premier abord, chacun serait tenté de faire sien un tel souhait, il convient d’examiner avec précision les arrières-pensées du régime qui, ne bénéficiant d’aucune confiance de la part du peuple gabonais, s’impose en s’appuyant sur sa milice armée et tente de dégrader l’image des Gabonais et du Gabon.
Comme chacun sait, ces « incorrigibles Gabonais » doivent être punis et insultés pour avoir souhaité le changement démocratique dans leur pays en août 2009. S’ils voulaient mettre un terme à la dynastie des « rois fainéants » du Palais du Bord de Mer, c’est aussi pour que le travail retrouve sa vraie valeur, mais aussi la santé publique, l’éducation, la restauration de valeurs telles que la justice sociale, la redistribution des produits de la manne pétrolière, la rémunération au mérite, l’égalité ethnique et, au dessus de tout, les libertés démocratiques, un vrai projet en faveur du développement impliquant les populations…
Au lieu de cela, depuis 42 années, désormais perpétuées avec l’aide du pouvoir sarkozyste, le régime Bongo prospère avec une fortune suspecte. Comment un petit postier de l’Afrique équatoriale française aux origines incertaines a t’il pu devenir multi-milliardaire et « l’heureux » propriétaire d’hôtels particuliers du 17 è siècle dans le centre de Paris et de biens d’autres choses en Suisse, aux Etats Unis, etc ? Cette fortune a t’elle été acquise en raison des journées continues des membres du clan Bongo ? Chacun sait que le putschiste a obtenu des diplômes frelatés, qu’il a commencé sa carrière politique en poussant la chansonnette. Souvenons-nous du célèbre refrain de la fin des années 70 et du duo formé avec son compère Jimmy ONDO : « Bongo est l’ami de Giscard et Giscard est l’ami de Bongo ». Inoubliable ?
Alors, le travail, les membres du clan en parlent mais n’ont jamais pratiqué, en dehors des périodes électorales, pendant lesquelles, la fraude multiple a nécessité un nombre inhumain d’heures par individu. Ainsi en Côte d’Ivoire, la constitution de la liste électorale se fait depuis au moins 4 ans avec l’appui d’un cabinet d’experts privés et des Nations unies. Au Gabon, le parti-Etat et le clan ont mis moins de 4 semaines pour bâtir un recensement, avec un savoir faire que seule la Corée du Nord dans le monde pourrait encore leur envier. Les fausses cartes, les bourrages d’urnes ont été préparées dans des délais records. Toutes leur expérience bien acquise est là. C’est bien le seul moment où leurs heures ne sont pas comptées. Le reste de leur temps consiste à matraquer les Gabonais et à jouir des bienfaits du petit empire financier entouré d’une cohorte de spécialistes des paradis fiscaux.
Quelle est donc la vie des Gabonais dont le régime fait croire qu’ils sont des fainéants ? Il arrive même que la presse française s’autorise de manière indécente à s’en faire l’écho (Libération-13 janvier 2009).
Pendant qu’une infime minorité se partage les richesses du Gabon, les Gabonais, qui travaillent, doivent se contenter de faibles salaires qui sont certes supérieurs aux critères d’Afrique de l’Ouest, mais qui sont insuffisants au regard des prix des denrées alimentaires basiques (car le Gabon est un des pays les plus chers du continent). Depuis 42 ans, le pays n’étant pas géré pour les Gabonais mais seulement pour ceux qui entendent poursuivre l’extraction de ses richesses à leur seul profit, 80 % des biens de première nécessité sont importés de l’extérieur, notamment d’Europe. La pêche ayant été confiée par le régime à des entreprises monopolistiques (chinoises entre autres) ne permet pas aux Gabonais de profiter de la situation géographique exceptionnelle qui est la leur tant les produits frais de la pêche ont des coûts élevés difficilement accessible au pouvoir d’achat moyen. Les fonds marins proches des côtes ont été raclés par les navires usines de pêche avec la bienveillance du pouvoir. Il est donc difficile de pratiquer une pêche artisanale. Les Gabonais, y compris les fonctionnaires, sont donc obligés de travailler à plusieurs endroits pour pouvoir nourrir correctement leur famille et vivre décemment. Cette situation se retrouve dans beaucoup de pays africains.
Par ailleurs, autre particularité qu’il faut porter à la connaissance des moqueurs de bonne ou de mauvaise foi à la solde ou non du régime, il n’existe pas de cantine scolaire dans la plupart des écoles élémentaires ou secondaires du Gabon, notamment dans les grandes villes là où s’applique la journée continue. Les parents ayant plusieurs enfants doivent s’empresser vers midi de quitter leur travail avec leur véhicule s’ils en ont un ou en taxis collectifs et rejoindre les embouteillages nombreux en raison de l’absence de transports publics. Dans les mêmes conditions, ils doivent regagner leur travail, non pas parce que la constitution particulière des hommes et femmes gabonais les conduirait à dormir davantage que le reste de l’humanité. C’est pourquoi la proposition de journée continue est absurde sans un accompagnement social que le régime est bien incapable de mener s’il y avait songé qu’un instant.
La mal vie est la caractéristique de l’existence quotidienne des Gabonais ayant un travail ou non. Les rares infrastructures sociales existantes ( crèches, jardins d’enfants) sont gérées par le secteur privé adossé à de grandes entreprises réservées à des élites ayant un fort pouvoir d’achat.
Puis, il y a de nombreux Gabonais en dehors de l’emploi ! Qu’ils soient diplômés ou non, l’incompétence est la marque de fabrique de l’Etat gabonais. A sa tête, souvent des ignares cooptés par les réseaux politico-mafieux du parti-Etat sur le fondement d’accointances ethniques, en particulier de l’ethnie du clan Bongo. L’absence d’alternance a empêché la moindre « respiration » du « système ». Avec une telle exemplarité, l’appareil d’Etat est sur dimensionné en raison des recrutements clientélistes fondés sur une haute hiérarchie souvent incompétente servant le parti-Etat. Une myriade de petits fonctionnaires valeureux, découragés, recrutés honnêtement par concours, et maltraités, tente de faire son travail au milieu des entraves politico-bureaucratiques du régime. Leurs salaires sont excessivement bas au regard du coût de la vie au Gabon. Le putschiste ne s’y est pas trompé. Une des rares promesses électorales progressistes s’est révélée être un mensonge supplémentaire: le doublement du salaire minimum.
L’immigration africaine au Gabon est nombreuse et souvent les observateurs croient discerner une xénophobie de la part des Gabonais. En réalité, le régime a développé une forme d’immigration politique visant à s’appuyer sur des Africains, notamment de l’Ouest ou d’Afrique centrale, en leur donnant à tour de bras la nationalité gabonaise. Ces naturalisations accélérées ont pour finalité de gonfler le corps électoral au moment des scrutins, utiles pour conforter le maintien du parti-Etat en échange de facilités pour installer de petits commerces de proximité, qui sont d’ailleurs bien utiles, ou bien des emplois domestiques dans les entreprises dépendantes du clan Bongo ou des affidés du régime. Il n’y a ni racisme, ni xénophobie, mais bien une exaspération envers les pratiques clientélistes quarantenaires de « naturalisation politique » de la part du régime. Ces pratiques concernent également les entrepreneurs et commerçants libanais, véritables soutiens politico-économiques du régime et bénéficiant des mêmes bienfaits de la part du clan.
Ainsi, pour rétablir des nuances, il fallait revenir sur les détails de la vie quotidienne des Gabonais, qui ne sont, ni plus ni moins « fainéants » que d’autres peuples dans le monde. Les insulter comme le fait la propagande du régime ne rend que plus évidente l’illégitimité de leur confiscation du pouvoir.
Mengue M’Eyaà
Présidente du conseil exécutif
Mouvement civique du Gabon
Mengue M’Eyaa
Présidente du Conseil exécutif
Mouvement civique du Gabon (MCG)
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