La Direction des grandes entreprises (DGE) est l’un des départements administratifs qui incarne le mieux la modernisation du service public au Gabon. Situé à Glass, dans un immeuble de verre, de béton et de chrome qui s’élance sur trois étages, elle fait jaser du fait que le public ne comprend pas sa nécessité tout comme ceux qui en sont informés ne comprennent pas qu’une structure publique ait obtenu, au terme d’un processus qui a démarré en août 2007 et s’est achevé en décembre 2008, une certification ISO 900 version 2000. C’est d’ailleurs la toute première structure de service public à obtenir ce label au Gabon.
La nécessité d’une direction des grandes entreprises
La DGE est un service de la Direction générale des impôts (DGI). Savamment agencé, son design intérieur cadre absolument avec les préoccupations des autorités gabonaises concernant la modernisation des services fiscaux. Il donne une image positive de l’Etat et crédibilise son ambition de progrès. Une soixantaine de fonctionnaires y travaille dans les opérations et dans les métiers d’encadrement et de management.
Jusqu’au 2 janvier 2007, les grands contribuables de l’Etat gabonais accomplissaient, au même titre que les entreprises de moindre taille, leurs formalités déclaratives et le paiement de leurs impôts auprès du Trésor public où un service était à la gestion de chaque impôt. Il y avait, par exemple, un service dédié à la gestion de la TVA, un autre dédié à la gestion de l’impôt sur les sociétés, etc.
D’un point de vue purement fonctionnel, ce système de traitement présentait d’importantes lenteurs pour les grands contribuables. Ceux-ci ne disposaient au Trésor public d’aucun interlocuteur chargé spécifiquement de comprendre et de traiter en conséquence les problèmes distincts de leurs dossiers fiscaux. Ils étaient confrontés aux files d’attentes, à la vétusté des administrations ou à des problèmes basiques, à l’instar du manque de places de parking.
C’est ainsi qu’en janvier 2007, la DGI a procédé à la création d’un démembrement dédié uniquement aux grands contribuables de l’Etat, avec des services opérationnels adaptés à leurs besoins : la DGE. Dans la foulée, trois Centres des impôts (CDI) territorialisés et dédiés à la gestion fiscale des PME/PMI et des unités de production de taille plus modeste ont été mis en place.
Attributions et fonctionnement de la DGE
La DGE est un département du ministère gabonais de l’Économie et des Finances chargé du recouvrement de l’impôt auprès des 420 plus grandes entreprises du pays. Il s’agit donc d’un guichet unique réservé aux opérateurs majeurs de l’économie gabonaise, entendu comme entreprises contribuant pour un fort volume aux recettes fiscales de l’État. Ce guichet unique propose une gestion adaptée aux besoins et au statut de ces contribuables dans le cadre de la promotion du civisme fiscal.
Le fonctionnement de la DGE repose sur les principes de professionnalisation, de disponibilité, de réactivité, d’optimalité, de dématérialisation et de transparence. La DGE propose un site unique pour l’accomplissement des formalités déclaratives et le paiement des impôts, avec une gestion sectorielle, confidentielle et sécurisée de chaque entreprise, à laquelle est attribué un Interlocuteur fiscal unique (IFU) dédié à la gestion de leur Dossier fiscal unique (DFU).
Le DFU est géré en arrière-boutique par l’IFU, qui est une unité de gestion intégrée. L’IFU est composé de professionnels spécialisés dans la fiscalité de chaque secteur d’activité. Il a ainsi mandat pour la gestion, l’analyse financière, le contrôle sur pièces, les contentieux et les statistiques.
Sept secteurs permettant une gestion efficiente de chaque grande entreprise ont ainsi été déterminés qui sont :
Mines et pétrole ;
Forêts ;
Institutions financières et industries ;
Commerce ;
Bâtiments et travaux publics, transports, télécommunications ;
Autres services ;
Traitement de la TVA.
La DGE procède donc au recouvrement de l’ensemble des impôts, droits, taxes et redevances dus par les grandes entreprises. Elle a également mission de rembourser les crédits de taxes au profit des contribuables dépendants de ses services.
Seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1,5 milliard de francs CFA sont éligibles à la DGE. On y reçoit également les entreprises qui détiennent au moins 50% du capital d’une entreprise éligible à la DGE ainsi que celles qui sont détenues au moins à 50% par une entreprise éligible à la DGE. Au terme des deux premiers exercices, l’entreprise qui n’aurait pas maintenu son chiffre d’affaires au taux éligible, est placée sur une liste d’instance et rappelée à l’ordre. Elle sera transférée au CDI de sa zone géographique si elle ne retrouve pas son chiffre d’affaires de plus d’1,5 milliard de francs CFA au terme du troisième exercice consécutif.
Un service public révolutionnaire
De nombreux usagers interrogés font état de ce que, dès les premiers jours, les services de la DGE se distinguaient déjà de tout ce qui se faisait auparavant en matière de service public. Ces grands contribuables, ne manquent pas de se montrer satisfaits de la création de la DGE, ainsi qu’on peut le noter avec Eric Roumengas, Directeur Général de Toyota : “Depuis la création de la DGE, on a des interlocuteurs pour chaque entreprise, chaque secteur d’activité, alors qu’avant c’était un peu tout le monde qui y allait, peu importe, à n’importe quelle porte. Aujourd’hui, il y a une meilleure communication, puisque tous les mois vous pouvez voir dans le quotidien “L’union” un communiqué qui rappelle les obligations de chaque contribuable, aussi bien en tant que société que personne physique.” Même son de cloche pour Richard Pages, Directeur Général de Gabon Meca : “Avant, quand on arrivait au guichet, il y avait énormément de monde qui faisait la queue parce que tout le monde payait au même endroit, les petites et les grandes entreprises. Maintenant, il n’y a que les grandes entreprises donc cela limite énormément les contribuables et donc quand vous arrivez il n’y a jamais de queue à faire (…) Il faut dire que la DGE est réservée aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard de francs CFA, donc il y a une sélection qui se fait dès le départ.”
La DGE n’est pas seulement, une solution permettant aux majors de l’économie gabonaise de sortir de l’enchevêtrement procédural de l’époque récente où ils effectuaient leurs déclarations et règlements au Trésor public, elle s’intègre dans un vaste projet de modernisation des services du ministère gabonais de l’Économie et des Finances. C’est ainsi que, outre son bâtiment flambant neuf et ses bureaux ultra modernes, l’accueil, les procédures et le management sont d’une qualité n’ayant aucun précédent dans le service public gabonais. On se sent, à la DGE comme dans une entreprise privée et l’usager est traité comme un client, avec tous les égards dus à ce statut dans les commerces et entreprises du privé.
La DGE a entrepris, en août 2007, moins de huit mois après son ouverture, une démarche visant la certification ISO 9001/2000. Celle-ci est un système qui assure la qualité en se basant sur un management dit qualité. Il s’agit de clarifier, optimiser et améliorer l’organisation de la structure aussi bien au niveau du cadre infrastructurel, qu’à celui du service et des procédures, en vue de placer la satisfaction des usagers, désormais considérés comme des “clients”, au cœur de l’organisme, en répondant à leurs exigences, aux exigences réglementaires applicables et en améliorant à cet égard continuellement les performances. Cette certification est le couronnement des efforts entrepris par la direction de la structure en vue de garantir l’amélioration du civisme fiscal et le consentement spontané à l’impôt, mais aussi un meilleur rendement des agents de l’État affectés à la DGE. Un exemple qui devrait faire école, ainsi que l’a confié Serge Maurice Mabiala, Directeur de la DGE : “Nous tirons une grande satisfaction de ce que, déjà, nous recevons quelques signaux. Dans les pays environnants, l’expérience de la DGE intéresse au plus haut point nos collègues, ne serait-ce que dans le domaine fiscal. Elle intéresse également au plus haut point nos partenaires au développement. Notamment, le Fonds monétaire international (FMI) qui souhaite que cette approche de gestion, cette approche managériale, cette nouvelle administration de l’impôt, soit étendue dans les pays de la sous-région et en Afrique subsaharienne.”
Les retombées de cette démarche n’ont pas attendu la fin du processus de certification. On notera que pour le seul mois de janvier 2007, la DGE a engrangé 60 milliards de francs CFA. Ce chiffre est passé à 84 milliards de francs CFA pour le seul mois de janvier 2008 tandis que 90 milliards de francs CFA ont été récoltés durant la même période de l’année 2009. D’une manière beaucoup plus globale, le total de l’exercice 2007 était de 408 milliards. Il a été de 489 milliards en 2008 et on entrevoit près de 600 milliards en 2009.
Ces chiffres, tout à fait transparents, sont disponibles auprès de la direction générale de la DGE. Ils traduisent une forte croissance annuelle de l’ordre de 25% à 26%. Si ce n’est pas de la performance, ça y ressemble fort !
Source : Business Gabon janvier 2010 Auteur : François Ndjimbi