Les rancœurs nées de la dernière élection présidentielle entre le pouvoir et l’opposition vont-elles enfin s’estomper après la visite de Nicolas Sarkozy ? Arrivé à Libreville le 24 février, le président français s’est entretenu avec les deux «belligérants» sur le contentieux électoral. Après cette concertation, l’attitude à venir du pouvoir et de l’opposition devrait déterminer si Paris a réussi à faire fumer le calumet de la «paix» aux deux parties.
Depuis la fin de la transition ouverte par le décès du président Omar Bongo le 8 juin 2009 à Barcelone, en Espagne, et clos par l’investiture d’Ali Bongo le 16 octobre, le nouveau pouvoir et la nouvelle opposition se regardent en chiens de faïence.
L’opposition n’a cessé, dès l’ouverture de la transition démocratique, de porter à l’attention de la communauté nationale et internationale les «violations flagrantes des dispositifs juridiques de la transition», à chacune des étapes de celle-ci.
Sans nier ces «violations» qu’elle a toujours considérées comme les scories du dispositif constitutionnel en vigueur, l’Autorité de la transition a toujours répété après chaque critique qu’il appartiendra à la classe politique recomposée après le scrutin 30 août 2009, de nettoyer ces scories.
Argumenté souvent avec condescendance, ce poncepilatisme de l’autorité de la transition, a sapé, aux yeux de l’opposition, la neutralité et l’impartialité de celle-ci. Pour l’opposition, l’Autorité de la transition s’est notoirement rangé du côté du candidat du pouvoir, faussant ainsi les conditions d’une élection juste et transparente.
Pour rééquilibrer la posture de l’Autorité de la transition, l’opposition a cherché des attelles en ameutant l’opinion nationale et internationale, mais en vain. Elle s’est même évertuée à tenir au collet la France, partenaire stratégique et considéré comme allié objectif du candidat du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), mais en vain.
Depuis le verdict de l’élection du 30 août 2009 contestée par l’opposition et l’investiture d’Ali Bongo le 16 octobre, l’opposition regroupée autour du Front de refus du coup de force électoral, puis en Coalition des groupes et partis politiques pour l’alternance, n’a jamais cessé de dénoncer l’illégitimité du nouveau pouvoir et surtout l’ingérence de la France qui a «laissé faire en arrachant l’alternance démocratique au peuple gabonais».
La visite de Nicolas Sarkozy, le 24 février à Libreville, au-delà du volet coopération, a permis aux deux blocs protagonistes de la scène politique gabonaise de s’exprimer clairement sur le contentieux avec leur interlocuteur de Paris. L’opposition qui a rencontré Sarkozy, a eu l’occasion de régler de vive voix et face-à-face, ses comptes avec celui par qui leur malheur est arrivé ; lequel a d’ailleurs déclaré publiquement dans son discours qui a précédé sa rencontre avec l’opposition, qu’il est «fier de ce qui s’est passé ici».
Ce contentieux est-il pour autant vidé ? Sans doute pas ! Parce qu’il y a des aigreurs à vomir, des œillères à ôter, pour ne voir qu’un Gabon uni et arc-bouté sur la prospérité de ses filles et ses fils. Toutefois, cette discussion avec Paris est censée avoir brisé la glace entre l’opposition et le pouvoir. Et il serait utile que les deux blocs se parlent franchement, directement et sans tabous, afin que les erreurs des uns, comme les errements des autres, ne soient plus mis sur le dos des forces obscures.
Ce dialogue est important car, il est le support de l’espoir et de l’espérance que scandaient, au pas de course, des jeunes gabonais qui accompagnaient la dépouille du président Bongo le 11 juin de l’aéroport Léon Mba jusqu’au palais du Bord de mer : «la paix jusqu’au bout !».