Premier jour de la minitournée africaine de Nicolas Sarkozy, hier, au Gabon, avant le Rwanda aujourd’hui. Le président français a affiché son soutien au président AliBongo, dont l’élection demeure contestée.
Selon le bimensuel Misamu, évoquant la présidentielle du 30août 2009: «Sitôt après la fermeture des bureaux de vote, les écoutes françaises avec leurs grandes oreilles auraient immédiatement communiqué à l’Élysée les vrais chiffres…». Et selon la rumeur publique, Ali Bongo serait arrivé bon dernier dans le tiercé de l’élection, le vainqueur réel étant André Mba Obame, qui accuse l’actuel président d’avoir orchestré un «coup d’État électoral». Aussi, l’opposition, désormais unie après avoir accusé Paris d’oeuvrer en sous-main pour que la dynastie Bongo reste au pouvoir, attend-elle du président français qu’il pacifie un climat délétère.
Or, Nicolas Sarkozy est bien décidé à ne pas faire la leçon à son nouvel homologue. Il préfère rendre hommage à «la maturité du peuple gabonais» qui témoignerait, selon lui, de son «ancrage dans la démocratie». On croit rêver. Si l’on ne pouvait attendre du chef de l’État français qu’il donne des conseils de gouvernance aux Gabonais pour sa troisième visite dans le pays, pourquoi en faire autant? Peur d’être suspecté de comportement néocolonial? De ne pas aimer l’Afrique? Ou tout simplement pour renforcer le poids des milliers d’entreprises françaises?
Regain de Françafrique
En se recueillant le matin même à Franceville sur la tombe du président Omar Bongo, puis en lui rendant hommage lors de son intervention à la bien nommée «Cité de la Démocratie», Nicolas Sarkozy ne s’inscrit guère en rupture de la Françafrique marquée par le retour dans la délégation officielle de Robert Bourgi. Lequel, en lointain hériter de Jacques Foccart, le «père Joseph» du continent noir sous De Gaulle, avait été quelque peu mis sous le boisseau après des déclarations fracassantes à RTL.
Purge de fonctionnaires
Vantant ses longues conversations sur le Continent noir avec le père Bongo et son rôle en faveur de l’unité du Gabon dans une salle où de grands posters illustrent la continuité de la relation franco-gabonaise sous les présidents successifs de la VeRépublique, Nicolas Sarkozy a donc clairement adoubé le fils avec l’air de ne pas y toucher. Car pour imprimer sa marque sur les affaires du pays, Ali Bongo a non seulement viré sa soeur
Pascaline, qui était la confidente de son père, mais aussi près d’un millier de fonctionnaires de la présidence.
Au point que certains parlent déjà d’un véritable parricide. Cette volonté de s’affirmer n’ira pas jusqu’à écarter les Fangs, l’ethnie majoritaire, du poste de Premier ministre qui lui est traditionnellement réservée. Ali Bongo, appartenant à l’ethnie minoritaire des Batékés, n’est pas fou. Toutefois, le partenariat stratégique conclu avec la France dans les domaines politique, diplomatique et militaire consolide clairement sa position fragile. Même les banques françaises sont mises à contribution pour réinvestir leurs dépôts sur place.
Des liens confortés
Ce partenariat enracine durablement le Gabon dans le camp français, ce qui n’est pas inutile quand on connaît les liens de l’hériter avec les États-Unis ou le Maroc. En décidant de supprimer les exportations de bois pour qu’il soit transformé sur place, ou en voulant instaurer la journée continue, ou encore le doublement du Smic, Ali Bongo défend sa position à l’approche du congrès extraordinaire de son parti, le PDG, les 13 et 14mars prochains. Dans ce pays dont on dit malicieusement «qu’il n’y a que le bois qui travaille, que les miroirs qui réfléchissent et que la forêt qui est vierge», notre président s’est fait un nouvel ami.
De notre envoyé spécial, Hubert Coudurier