Port-au-Prince Envoyé spécial
Dans deux mois, les pluies tropicales, annonciatrices de la saison des cyclones, s’abattront sur Haïti. L’urgence de la communauté internationale venue à son chevet est claire : donner avant mai un abri au 1,2 million de personnes que le séisme du 12 janvier a jetées dans la rue. Ce défi sera-t-il relevé ? « Je l’espère mais je n’en suis pas sûr », admet Edmond Mulet qui supervise la coordination de l’aide. Ce diplomate guatémaltèque dirige depuis le 15 janvier la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).
A des médias brésiliens et au Monde, il a confié la difficulté de la tâche. Pour l’heure, 425 000 sinistrés ont reçu des tentes et des bâches, 800 000 Haïtiens attendent toujours. Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU a identifié, à Port-au-Prince et dans les autres villes affectées, 415 sites où 550 000 sinistrés ont trouvé refuge. La plupart de ces campements, dont 21 sont surpeuplés, sont en zone inondable.
Le gouvernement haïtien a approuvé, vendredi 26 février, un plan destiné à décongestionner ces camps de fortune. Les sinistrés qui veulent rentrer chez eux seront encouragés. Des responsables humanitaires inspecteront leur logement pour assurer leur degré de sécurité. Mais, selon l’ONU, ce plan ne sera pas accompli avant la saison des pluies. Pour le chef de l’ONU en Haïti, une fois paré au plus pressé, il faut préparer la suite : la construction d’abris sûrs et durables, de type préfabriqué. « Il faudra, prévoit Edmond Mulet, poursuivre encore longtemps les opérations humanitaires tout en commençant la reconstruction. Les deux choses devront être menées de front. »
M. Mulet souhaite que ces deux types d’intervention, l’urgence humanitaire et la reconstruction physique, économique et sociale d’Haïti, soient mieux « intégrés ». La solution pourrait passer par une modification du mandat de la Minustah, qui arrive à échéance en octobre 2010. Celle-ci aurait pour tâche de participer à la « reconstruction » du pays en supervisant les agences opérationnelles de l’ONU.
Le poids de la diaspora
Le Brésil, qui assure le commandement militaire de la Minustah, préconise une telle évolution, comme l’a confirmé à la presse, vendredi, son ambassadeur à Port-au-Prince, Igor Kippman : « Notre gouvernement défend cette idée. Mais elle relève de l’autorité du conseil de sécurité. » « Ni les autorités d’Haïti ni la communauté internationale, observe M. Mulet, n’ont encore vraiment appréhendé la dimension du défi qui les attend », moins de deux mois après la catastrophe qui a fait au moins 220 000 morts et anéanti, selon le président René Préval, 50 % du PIB.
Mais les pires désastres, pense-t-il, peuvent ouvrir la voie du salut : « Cette tragédie est une occasion pour que les Haïtiens et ceux qui les aident changent d’attitude. La communauté internationale doit travailler plus efficacement. Les Haïtiens doivent enfin assumer leurs responsabilités en comblant les carences de leur Etat et en entamant des réformes structurelles. »
Le chef de l’ONU donne comme exemple « l’état civil, qui n’existe pratiquement pas », le manque de cadastre, qui « empêche de garantir la propriété, d’entreprendre avec sécurité des opérations foncières ou immobilières, de développer le tourisme », le manque de routes asphaltées et d’un système de coopératives agricoles, qui bride les petits producteurs, la faiblesse de l’enseignement public qui ne profite qu’à 15 % des enfants scolarisés.
A long terme, M. Mulet n’est pas inquiet, les engagements envers Haïti seront scellés à la conférence des donateurs le 31 mars, à New York. Le monde, assure-t-il, dont l’Amérique latine, qui fournit 70 % des effectifs militaires de la Minustah, ne laissera pas tomber Haïti. « En outre, conclut-il, je fais confiance aux 4 millions d’Haïtiens de la diaspora pour peser de tout leur poids dans ce sens. »
Jean-Pierre Langellier
Article paru dans l’édition du 03.03.10
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