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Gabon: Un régime difficile à digérer

Depuis le 4 janvier, dans le public comme dans le privé, tout le monde doit s’adapter à la nouvelle organisation du temps de travail.
« J’attends le mois de mars et, si les clients ne reviennent pas, je ferme le restaurant », soupire Agnès. Depuis que le gouvernement a décidé d’instaurer la journée de travail continue, les affaires ne sont pas bonnes. La baisse de la fréquentation de son établissement, pourtant situé en plein cœur de la capitale, non loin du quartier des ministères, menace l’équilibre de la petite entreprise.
Le chef de l’État avait promis, lors de la campagne présidentielle, de remettre les Gabonais au travail. Dès le 29 décembre, un décret du ministère du Travail instaurait la journée continue, imposant de nouveaux horaires sur tout le territoire, pour les fonctionnaires comme pour les salariés du privé, à compter du 1er janvier. Auparavant, la règle voulait que les heures « ouvrées » s’effectuent de 8 heures à 12 heures et de 15 heures à 17 h 30, chacun s’autorisant des arrangements, certains en abusant. Désormais, la journée de travail commence à 7 h 30 pour s’achever à 15 h 30, avec une pause de trente minutes à la mi-journée. Pour veiller au respect du décret, les gouverneurs de chaque province multiplient les contrôles.
Certains critiquent le nouveau dispositif, en particulier son entrée en vigueur avant que les mesures d’accompagnement prévues aient été mises en place : restaurants d’entreprise, amélioration des transports, solutions pour aider les familles à prendre en charge leurs enfants scolarisés (pour le déjeuner, les emmener à l’école et les en ramener).
Principale cause de mécontentement, la durée de la pause, estimée bien trop courte pour permettre aux travailleurs de s’éloigner de leur poste pour déjeuner en ville, comme ils le faisaient auparavant. C’est l’une des raisons qui ont poussé les habitués de la table d’Agnès à déserter son établissement à l’heure du repas du midi. Le problème est que, l’heure du dîner venue, ils ne s’y bousculent pas non plus. Après 15 h 30, les gens rentrent chez eux, ont le temps de faire les courses et de préparer le repas du soir.
Paul travaille pour une institution de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) qui a dû, elle aussi, se conformer aux nouveaux horaires. « Je suis obligé d’interrompre mon travail à 14 heures pour aller chercher mes enfants à la sortie de l’école à 14 h 45, se plaint-il. Pour compenser, je travaille à l’heure du déjeuner. » À l’instar des ministères, les institutions communautaires ne disposent pas de cantine, et, les jours où son épouse prend le relais pour aller chercher les enfants, Paul ne peut pas plus s’échapper au restaurant car, les principaux axes étant congestionnés, les trente minutes de pause ne suffisent pas à faire l’aller-retour.
La course contre la montre
Pour ceux des travailleurs que la crise du logement a relégués à la périphérie de la capitale, les difficultés à s’adapter sont encore plus âpres. Désormais, ils doivent partir beaucoup plus tôt pour être ponctuels. D’autant que les taxis font de la surenchère, n’acceptant que ceux qui proposent de payer plus que les tarifs réglementaires. Une solution pour les Librevillois : la Société gabonaise de transport (Sogatra). Si ce n’est que, quand l’entreprise n’est pas paralysée par des conflits sociaux, c’est son parc de véhicules qui est défaillant. Ce dernier est en cours de renouvellement, mais en attendant le service reste aléatoire. Et les Gabonais râlent.
« Ces horaires sont en vigueur depuis plus d’une décennie dans des pays voisins, dont le Cameroun. L’avantage est qu’on peut passer plus de temps avec sa famille », plaide un député du Parti démocratique gabonais (PDG). Le ministre du Travail, Maxime Ngozo Issoundou, souligne quant à lui « une amélioration de la productivité traduite par un gain de quatre heures », deux heures gagnées grâce à l’économie d’un aller-retour du travail au domicile et une heure trente gagnée sur la pause déjeuner.

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