Sous le long « règne » du parti unique, Zacharie Myboto, l’inamovible et très autoritaire ministre de l’Information, des Postes et Télécommunications, Porte-parole du gouvernement, avait déjà la réputation d’être un homme « responsable » dont le sérieux, en tous lieux et en toutes circonstances, tranchait singulièrement avec le comportement des fêtards et autres jouisseurs impénitents, qui étaient alors très nombreux au sein de la classe politique gabonaise.
Passé, il y a près d’une dizaine d’années, avec fracas, armes et bagages, dans l’opposition à un régime qu’il a longtemps servi, au motif qu’aurait été subrepticement mise en branle, au début des années 2000, une cabale médiatique visant à le pousser à une sortie déshonorante des affaires, Zacharie Myboto avait très rapidement réussi à se refaire une nouvelle santé politique en créant, dans la foulée de sa démission du Parti démocratique gabonais (PDG), sa propre formation, l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD).
L’UGDD qui, face au PDG, semblait, à sa création, pouvoir se faire, à plus ou moins brève échéance, une place de choix à côté d’une « opposition alimentaire » toujours en butte à la sempiternelle question de la transhumance politique, va pourtant connaître, à son tour, un déclin inexorable : quand ils ne se laissent pas débaucher par le pouvoir, les cadres du parti s’en vont pour « incompatibilité d’humeur » avec le président, à qui ils reprochent essentiellement des penchants népotistes et autoritaristes.
C’est donc considérablement affaibli, tant au plan politique que moral, que le député de Mounana accepte, au lendemain de la débâcle électorale du 30 août dernier, de se retrouver, sans trop se préoccuper de la nature du terrain sur lequel il mettait ainsi les pieds, avec d’autres grands perdants dudit scrutin, dans une nouvelle formation politique née des cendres de l’UGDD principalement.
Mais, si, au sein de la nouvelle entité, Zacharie Myboto, promu président du parti, n’éprouve aucune difficulté particulière à travailler et à cohabiter au quotidien avec des vice-présidents qu’il connaît depuis longtemps et qui, comme lui-même, cultivent le sens de la mesure, celui de la pondération et de la responsabilité tout court, l’ancien ministre d’Etat d’Omar Bongo Ondimba doit, en revanche, apprendre à gérer l’ego surdimensionné de « l’homme pressé » qu’est André Mba Obame (AMO), nommé secrétaire exécutif de l’Union nationale (UN), leur formation politique, toujours en attente de légalisation.
Les deux hommes, qui se sont naguère violemment combattus, sont de tempéraments à ce point antagoniques que, dès le départ même, nul, y compris dans leurs propres entourages immédiats, n’avait réellement cru à une réconciliation rapide uniquement dictée par l’intérêt secret que chaque partie trouvait à y souscrire.
Aux yeux de M. Mba Obame, qui considère que Zacharie Myboto, Casimir Oye Mba et Jean Eyeghe Ndong sont hors course pour 2016, parce qu’ils seront « trop vieux » avec plus de soixante-dix ans d’âge chacun à cette échéance, l’Union nationale apparaît clairement comme une écurie présidentielle destinée fondamentalement, après avoir joué les utilités lors des élections législatives de décembre 2011, à préparer son accession à la magistrature suprême à l’issue du prochain scrutin présidentiel. Pour ce faire, AMO, « sécurocrate » zélé et implacable quand il appartient au pouvoir, va délibérément et progressivement se muer en opposant extrémiste et intraitable. Afin, même à coups d’authentiques scandales et de déclarations à l’emporte-pièce, de pousser le gouvernement à commettre l’erreur politique qui consisterait à faire de lui un bien inutile et encombrant martyr, que d’aucuns percevraient alors comme le vrai « patron » de l’opposition au Gabon…
Même si l’homme de l’ordre et de la discipline qu’est Zacharie Myboto avait cru prévenir une telle dérive en confiant le rôle de porte-parole de l’UN à un autre dirigeant du parti, le président de l’Union nationale, qui se veut républicain, démocrate et légaliste, doit maintenant, à la suite du scandaleux appel implicite à un « coup d’Etat militaire à la nigérienne » lancé de l’étranger par l’imprévisible AMO, trouver, au plus vite, les moyens de « tenir » la « patate chaude » que des calculs politiciens revanchards lui ont fait tomber dans les bras, au lendemain de la défaite électorale du 30 août dernier.