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Le mystère Pascaline

L’aînée des Bongo Ondimba se fait de plus en plus discrète au palais présidentiel et à Libreville. Par choix ? Par souci de s’effacer ? Ou pour incompatibilité d’ambitions ?
Son frère a pris le pouvoir. Elle a choisi de prendre le large. Est-ce son goût des voyages qui pousse Pascaline Bongo à déserter son bureau de haute représentante personnelle du président de la République gabonaise pour parcourir le monde ? On la voit peu à Libreville, où elle ne s’est même pas rendue pour accueillir le président français Nicolas Sarkozy en visite officielle au Gabon, le 24 février.
Depuis qu’elle a été déchargée de ses fonctions de directrice du cabinet présidentiel aux premières heures de la présidence d’Ali, en octobre dernier, l’ex-« femme forte » du Palais promène son spleen entre Paris, Genève et Los Angeles… Cet hiver, entre deux voyages, elle a posé ses valises dans une suite du George-V, préférant les douceurs du palace à son appartement parisien, et des rumeurs de brouille entre les deux aînés de la famille enflent chaque jour davantage. C’est un mystère gabonais, que l’entourage du président s’évertue à dédramatiser. « Elle a toujours aimé voyager. Cela n’a rien à voir avec une quelconque querelle », balaie-t-on, agacé, à la présidence, où, du temps de son père, six directeurs de cabinet adjoints assuraient la continuité de l’État à la place de la « voyageuse », comme certains l’ont surnommée.
Envisagerait-elle de s’exiler, comme le clament les salariés en colère de sa chaîne gabonaise TéléAfrica, en grève depuis le 16 mars ? « Non, tranche l’un de ses intimes. Il faut s’attendre à la voir effectuer de longs séjours à l’étranger, mais je ne l’imagine pas s’y établir. » L’Amérique, elle l’aime depuis qu’elle s’est inscrite, en 1979, à l’University of Southern California, mais aussi par passion pour la musique pop, qu’elle partage avec son ami Jermaine et la famille Jackson. À moins que son avion ne se pose sur la côte est, histoire de garder un œil sur Nesta Bongo-Ping. Diplômée de Paris-Dauphine, actuellement stagiaire à la Banque mondiale, c’est l’aînée des deux enfants qu’elle a eus avec Jean Ping.
Le retrait de la « grande sœur » serait donc délibéré. « Elle ne veut pas gêner le président dans son entreprise de rénovation », se hasarde le même haut fonctionnaire. Tout irait donc pour le mieux entre eux. Les apparences sont sauves. Mais qu’en est-il dans la réalité ?
La fille préférée
Le 10 juin 2009, la veille du retour de la dépouille de leur père au Gabon, les deux Bongo, déjà en bisbille, ont été reçus par le président camerounais Paul Biya, qui a tenté de les réconcilier. Néanmoins, la trajectoire de la « fille préférée » d’Omar Bongo Ondimba (OBO) a quand même failli croiser celle de son frère, lancé à grande vitesse dans la course à la présidence.
Maintenue au poste de directrice de cabinet de la présidente par intérim, Rose Francine Rogombé, Pascaline, qui aura 54 ans le 10 avril prochain, n’a manifestement jamais envisagé de prendre une retraite anticipée. Contrairement à son époux, Paul Toungui, qui avait, un temps, pensé se retirer de la vie politique après l’élection présidentielle à laquelle il avait finalement renoncé. Il faut dire que son réseau des « appellistes » avait été démantelé par un Omar Bongo Ondimba agacé par les ambitions de son gendre et ministre des Finances.
Si elle fut discrète pendant l’intense campagne électorale, Pascaline ne ménageait pas ses efforts en coulisse. Le premier cercle du candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) se retrouvait tous les soirs dans l’un des salons de son immense propriété de La Sablière, un quartier chic de Libreville. Jouant de son influence, elle s’activait à faire baisser la tension et déblayer le terrain pour son frère.
Sa méthode ? Garder le contact avec les opposants les plus radicaux, « se faire âne pour obtenir du foin », comme le prodiguait sagement son père. Ses émissaires, à l’instar d’Antoinette Ndo, alors directrice du protocole d’État, portaient des messages, négociaient avec les autres candidats.
Ainsi, la « grande sœur » tentera-t-elle d’apprivoiser le plus fougueux d’entre eux, Bruno Ben Moubamba, invité à sa table pour discuter les yeux dans les yeux. C’est encore elle qui décrochera son téléphone pour calmer le jeu, de plus en plus heurté, entre Ali Bongo Ondimba et son ex-meilleur ami devenu opposant, André Mba Obame, pour rappeler à l’ancien ministre de l’Intérieur qu’il faisait « toujours partie de la famille », comme un « frère », pour lequel OBO avait fait retarder le mariage traditionnel de Pascaline avec Paul Toungui, en février 1995, parce que, pour le président, il était inconcevable que la cérémonie commençât sans « André », en retard.
Changement de décor
La transition tirant à sa fin, Ali est proclamé élu par la Cour constitutionnelle. À l’heure des nominations, Pascaline s’attend à récolter les fruits de la victoire. « Elle souhaitait un partage du pouvoir, prétend un ancien ministre, et espérait conserver son poste de directrice de cabinet dans la nouvelle équipe. » Son frère ne l’a pas entendu ainsi. Elle a été remplacée par Jean-Pierre Oyiba et, depuis novembre, par Patrice Otha. Son grand bureau de la présidence, spécialement construit pour la « dircab », qu’elle avait fait décorer à son goût et avec le plus grand soin, échoit au tout nouveau secrétaire général, François Engongah Owono. Selon un fonctionnaire de la présidence, les déménageurs ne l’ont même pas attendue pour faire ses cartons.
Le tableau, surréaliste, a choqué. Et le changement est ressenti douloureusement par ceux qui n’imaginaient pas qu’on irait jusqu’à lui fermer – ainsi qu’à d’autres, pour mettre fin aux innombrables abus constatés sous OBO – l’accès aux avions du Groupement de liaison aérienne ministérielle (Glam), la flotte gouvernementale, qu’elle empruntait pour ses voyages. Depuis, elle fait affréter des appareils de la compagnie privée Afrijet ou de transporteurs français. Mi-mars, à l’occasion du premier anniversaire du décès de leur mère, Édith Lucie Bongo Ondimba, Pascaline a loué un avion pour faire venir Omar Denis et Yacine Queenie, son demi-frère et sa demi-sœur, de Los Angeles, via Paris, à Oyo, au Congo, où la première dame disparue repose.
Cependant, si Pascaline n’est plus au cœur du pouvoir et n’a plus la haute main sur les finances publiques du pays, elle y reste bien représentée par son conjoint, maintenu au ministère des Affaires étrangères. Par ailleurs, de son vivant, son père l’a désignée comme l’administratrice de la fortune, réputée considérable, de la famille. « Parce qu’il la trouvait maternelle et attentionnée à l’égard de ses nombreux enfants – une soixantaine », explique un proche.
Elle est donc la gardienne d’un héritage constitué notamment de nombreuses entreprises, biens immobiliers, avoirs bancaires et revenus du capital disséminés de par le monde. Une gestion qui représente un emploi à plein temps, pour lequel elle se fait aider par sa « sœur », l’avocate française Danièle Palazzo-Gauthier, qu’elle a connue pendant sa scolarité à l’université Paris-Dauphine. C’est sur cette juriste, proche de l’ex-ministre socialiste des Affaires étrangères français Roland Dumas, que la très réservée Pascaline, qui se garde bien d’apparaître, s’appuie pour redresser 3A Télésud qu’elle contrôle. Une chaîne dont l’ancien journaliste de TF1, Charles Villeneuve, pourrait incessamment prendre la direction. La fille d’OBO va donc devoir apprendre à vivre dans l’ombre du pouvoir. Mais, pour autant, son avenir n’est pas forcément derrière elle.

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