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Procès Pasqua : un policier parle d’affaire «téléguidée»

Les témoins stars ne tiennent pas toujours leur promesse. On en a eu la preuve mardi devant la Cour de Justice de la République. Charles Pasqua y est jugé pour trois affaires de corruption et de commissions occultes dans lesquelles il aurait été impliqué entre 1993 et 1995 en tant que ministre de l’Intérieur.

On attendait beaucoup de Claude Guéant, l’actuel secrétaire général de l’Elysée et ancien membre du cabinet du ministre.

Trop sans doute, tant le préfet fut sobre et administratif. L’audience de la matinée qui avait tendance à sombrer dans une certaine léthargie s’est reveillée en début d’après midi avec le témoignage de Daniel Anceau, un policier dont la veste à carreaux depareillée tranchait avec les costumes des hauts fonctionnaires qui l’avaient précédé.

«Plus vous descendez dans la hiérarchie, plus la parole se libère»

Un policier de base qui a, hier, sacrément mis les pieds dans le plat en parlant d’affaire «téléguidée», c’est-à dire là où personne n’avait jusque ici osé s’aventurer. «Notez comme plus vous descendez dans la hiérarchie, plus la parole se libère», ironise un haut magistrat présent à l’audience.

Concrètement, il s’agissait hier d’examiner les conditions dans lesquelles Robert Feliciaggi, un proche de Charles Pasqua assassiné en 1996, a obtenu l’autorisation d’exploitation du casino d’Annemasse (Haute-Savoie) en 1994. A l’époque, cet investisseur qui a fait toute sa carrière en Afrique sert en quelque sorte de faux nez à Michel Tomi, un ami très proche de Pasqua pénalisé par des ennuis judiciaires. Mais cet attelage officieux et sulfureux ne plaît guère aux membres de la Commission des jeux qui, par trois fois entre 1991 et 1994, se prononcent contre l’octroi de l’autorisation. « Nous avions des interrogations quant à l’origine des capitaux investis et quant à la proximité des investisseurs avec Monsieur Tomi », a confirmé hier Jean-Marc Sauvé, à l’époque directeur des affaires juridiques au ministère.

En difficulté, les investisseurs vont alors recevoir l’étonnant soutien des Renseignements généraux. Alors qu’en 1991 et en 1992 leurs rapports sont très hostiles, la doctrine change en 1994. En mars, les RG concluent que « rien ne permet de douter de l’honorabilité des postulants ». De quoi se faire étrangler Daniel Anceau, à l’époque commandant de police à la sous-direction des courses et jeux : « Ca nous a semblé extrêmement bizarre. De noir, le dossier est passé à blanc-bleu. Du jamais vu ! »

Quand il demande à sa hiérarchie une explication, on lui explique alors que « ça a été fait sur ordre ». Aucune preuve mais la désagréable sensation de patauger dans une drôle d’affaire. Au final, grâce à la bénédiction officieuse des RG et comme il en a la possibilité, Charles Pasqua passe outre les avis de la Commission supérieure des Jeux (CSJ) et donne l’autorisation d’exploitation à Feliciaggi. Légalement et administrativement, rien à redire, confirment les hauts fonctionnaires qui défilent.

« Un bon ami de la famille »

L’épisode de 1994 a toute son importance puisque, selon l’accusation, il est fondateur du «pacte» qui vaut à Charles Pasqua de comparaître pour corruption passive. En 1995, Feliciaggi revend en effet ses parts dans le casino et empoche 105 millions de francs (16 milllions d’euros), une belle plus-value qu’il partage à part égale avec Tomi. Le second volet se noue en 1999, au moment de la campagne des européennes. La liste menée par Charles Pasqua avec Philippe de Villiers est en difficulté mais reçoit un don opportun de 7,5 millions de francs (1,14 million d’euros) versé par Marthe Mondoloni, la fille de Tomi, 55e sur la liste. Pour l’accusation, cet argent provient directement de la vente du casino d’Annemasse. A la barre, la patronne du PMU Gabonais dément et invoque une transaction effectuée au Congo-Brazzaville pourtant entachée d’un faux grossier. Mais qu’importe, Marthe Mondoloni assume parfaitement le prêt – en partie remboursé depuis – consenti à «un bon ami de la famille».

Pour l’accusation, qui a appris hier que Michel Tomi avait fui au Gabon et ne pourrait donc pas témoigner, il faudra convaincre les juges que l’autorisation d’exploitation de 1994 est le premier acte d’un pacte de corruption abouti cinq ans plus tard aux européennes. « A quel moment ce pacte a-t-il été conclu ? Entre qui et qui ? Et quand ?» interroge Charles Pasqua en toute fin d’audience estimant que l’audience du jour n’a permis de répondre à aucune de ces questions. « Il n’y a aucune trace de ce pacte », conclut-il solennel. Lentement, la Cour se retire.

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