De Emmanuel GOUJON (AFP)
DJIBOUTI — Le scénario est loin d’être irréaliste: un pays voisin envahit la petite République de Djibouti, située dans une zone stratégique aux portes de la Mer Rouge, et progresse vers la capitale. Acculé, Djibouti demande à la France l’application des accords de défense de 1977.
La plupart des participants à l’exercice militaire baptisé « Amitié Djibouti 2010 » ont en tête « l’agression » lancée en juin 2008 par l’Erythrée contre la région de Ras Doumeira (nord) à la suite d’un conflit frontalier. La zone est toujours occupée par l’armée érythréenne.
A l’époque, la France avait immédiatement « apporté un soutien logistique, médical et en renseignement aux Forces armées djiboutiennes » (FAD), en vertu des accords de défense, rappelle le Général de division aérienne Thierry Caspar Fille-Lambie, commandant des Forces françaises de Djibouti (FFDj).
« Si l’Erythrée avait avancé, la France aurait adapté ses moyens pour les repousser (…) Aujourd’hui la France et Djibouti sont au même tempo et pensent que le règlement sera diplomatique », ajoute-t-il.
Djibouti dispose d’une situation stratégique sur le Golfe d’Aden, corridor maritime crucial pour le commerce mondial, et sert de port d’attache à la flotte européenne qui combat la piraterie somalienne dans le cadre de l’opération Atalante lancée en décembre 2008.
La France et les Etats-Unis y disposent de bases permanentes, la plus importante à l’étranger dans le cas français, avec près de 3.000 hommes.
Le pays est en effet devenu la pièce maîtresse de la lutte antiterroriste dans la Corne de l’Afrique depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
Dans la poussière soulevée par l’arrivée de son hélicoptère, le général Caspar Fille-Lambie écoute le briefing de ses officiers engagés dans la contre-offensive.
L’exercice a servi « à montrer aux Djiboutiens que le gouvernement français croit à ces accords de défense », assure-t-il.
Lors d’un discours en Afrique du Sud en février 2008, le président français Nicolas Sarkozy avait annoncé la révision des accords de défense signés après leur indépendance avec huit pays africains, affirmant que Paris n’avait pas vocation à rester « le gendarme de l’Afrique ».
Trois nouveaux accords ont depuis été signés avec le Togo, le Cameroun et le Gabon. Des négociations sont en cours pour réviser les accords avec les Comores, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et Djibouti.
« Nous avons intégré dans le scénario un ennemi fort et nombreux qui nécessitait l’envoi de renforts français (…) Ce qui nous a permis de démontrer qu’en cas d’agression, si les FFDj ne sont pas suffisantes, des renforts peuvent venir très rapidement », explique-t-il.
Côté djiboutien, seules quelques unités ont participé à l’exercice, notamment des cadets de l’académie militaire et une section de la Garde Républicaine: la majeure partie des troupes djiboutiennes est en effet déployée le long de la frontière, face à l’armée érythréenne.
Outre le caractère stratégique de Djibouti, sa géographie permet d’organiser des manoeuvres d’envergure.
« C’est une extraordinaire expérience d’entraînement que l’on pourrait difficilement organiser en France: une faible densité de population qui nous permet de manoeuvrer avec d’importants moyens à terre, peu de trafic aérien, donc les avions de chasse peuvent évoluer », explique le Colonel Frédéric Gauthier, chef de corps du 5e Régiment interarmées d’outre-mer.
De même, Djibouti est de plus en plus utilisé pour préparer les troupes françaises se rendant en opérations extérieures, notamment en Afghanistan.
Le pays « nous permet d’expérimenter de nouveaux modes d’action: la boucle est très courte entre Djibouti et l’Afghanistan, et nos troupes viennent ici parfaire leur formation », souligne le général Caspar Fille-Lambie.