Arrivé en terre camerounaise hier matin, on aurait dit que le président de la République du Gabon est venu spécialement à l’ouverture d’Africa 21, la conférence internationale de Yaoundé, en mission commandée. Sans avoir froid aux yeux et allant dans une excellente maîtrise de l’art oratoire, Ali Bongo a surpris tout le monde. Prenant à contre pieds le chef de l’Etat Paul Biya dont le discours était axé sur les généralités et la rhétorique habituelle, le président gabonais a crée la rupture, provoquant même la gêne, la froideur et l’embarras sur les visages de la kyrielle d’invités venus adoubés Paul Biya sur le trône de l’Afrique centrale. Personne ne le voyait venir lorsque dès l’entame de son allocution, il invite ses pairs à mettre la jeunesse au centre de toutes les préoccupations en 2010. « Il nous parait important de cerner les aspirations de cette jeunesse et sa vision pour l’avenir. C’est le lieu de nous poser des questions sur : quelle vision de l’Afrique ont les jeunes africains ? Comment perçoivent-ils les nouvelles initiatives du développement ? », lance-t-il à la foule. Imperturbable, quelques fois taquin mais surtout très accroché à une cible précise, Ali Bongo crache le morceau, lorsqu’il titille la conscience collective des gouvernants et gérontocrates au pouvoir, sur l’immensité de leur responsabilité économique, sociale et politique, mais davantage sur la nécessité de prendre en compte les préoccupations de la jeunesse. « Nous ne devons pas les (les jeunes) laisser longtemps au bord du trottoir au risque de les voir virer dans les comportements répréhensibles. Mais la dure et la vraie réalité est que l’Afrique n’a pas suffisamment investi dans le développement du capital humain, pour tirer profit des avantages que représente sa population juvénile», avoue-t-il. Le président Ali Bongo enfonce le clou, engage la responsabilité des pouvoirs politiques en fonction et semble donner explication à l’exil intellectuel de la jeunesse africaine. Selon lui, si les pays africains sont les pépinières de talents des pays occidentaux, parce que les jeunes ont préféré expatrier leur talent, au lieu d’investir dans leur patrie, c’est davantage à cause du désir d’éternité des dirigeants actuels dont la boulimie est sans limite. Aussi accuse-t-il « l’élasticité de la transition intergénérationnelle ».
Le président Ali Bongo reste convaincu qu’il y a lieu d’offrir à tous les jeunes, les moyens de pourvoir à leurs besoins. « Aujourd’hui, tout bouge avec ou sans nous. Si c’est sans nous, ce serait contre nous et contre les intérêts de la jeunesse qui souhaite légitimement un avenir radieux et en toute confiance », lance Ali Bongo. Dans un pays comme le Cameroun où, l’âge de la « maturité » se conjugue quand on a atteint la cinquantaine, dans un contexte où, c’est à cet âge qu’on est en droit de prétendre à une promotion, Ali Bongo brise les tabous. Se projetant dans une vision futuriste, il affirme que la jeunesse africaine, a besoin que son avis et ses suggestions soient pris en compte par les pouvoirs publics. « Le progrès auquel aspire la jeunesse africaine c’est-à-dire nos dirigeants de demain, doit être placé au cœur des gouvernants africains que nous sommes. Pour ma part, je reste convaincu que les jeunes africains peuvent changer le monde et doivent changer le monde » ajoute-il.
40% du budget à l’épanouissement de la jeunesse
Se voulant rassurant et pour montrer que si la volonté politique met un frein à certains appétits de pouvoir, les plans de développement de la jeunesse peuvent être dégagés, le président Ali Bongo n’a pas fait que s’ériger en moralisateur des consciences. En plus de conforter le président Paul Biya sur le leadership du Cameroun dans la sous-région Afrique centrale et le rôle de locomotive que ce pays est amené à jouer, le président gabonais donne les raisons de son déplacement. « Je suis venu dire au peuple camerounais la volonté du peuple gabonais de travailler avec lui main dans la main, pour des ambitions de coprospérité ». Mais cet appel de pied en direction du peuple camerounais, ne l’éloigne pas de son sujet initial. Le président gabonais clame sa foi en une jeunesse africaine, celle qui dirigera l’Afrique de demain ; un continent de tous les enjeux, dont la capacité à s’éveiller dans la prospérité et le bonheur ne fait l’objet d’aucun doute. Dans une démonstration par l’exemple, Ali Bongo ira jusqu’à arracher la vedette à tous lorsqu’il annonce avoir pour ambition de donner les moyens de l’autonomie à la jeunesse de son pays. Allant d’une voix de stentor, il affirme avec beaucoup de fierté et de zèle, avoir fortement recommandé que dans le cadre de la loi des finances 2010, 40% du budget de l’Etat soient accordé à la réalisation des projets d’éducation, de formation et de réinsertion au profit de la jeunesse.