Une semaine après son lancement officiel, la caravane de la Provinciale du cinquantenaire de l’indépendance (22 mai-22 juin 2010), à la suite de la localité proche du Cap Estérias, aborde, cette fois, Libreville où elle a été reçue, samedi, par l’édile, Jean François Ntoutoume Emane, qui en a profité pour déplorer le fait que les étudiants gabonais ne sont pas « motivés par des idéaux dignes de ce nom ».
« SANS REPERES, SANS PERES, SANS IDEAL »
Dans un long entretien accordé à l’une des équipes de la caravane, M.Ntoutoume Emane, a notamment porté un regard critique sur la jeunesse actuelle « sans repères, sans père, sans idéal » à l’opposé de la génération précédente qui avait joué sa partition dans la lutte pour l’accession du Gabon à la souveraineté internationale.
Absent de Libreville à la proclamation de l’indépendance du Gabon, le 17 août 1960, à minuit, J.F.Ntoutoume Emane n’en a pas moins été un des militants du mouvement indépendantiste, dans la mouvance estudiantine, en France.
« A l’occasion du référendum de 1958, il y a avait des groupes, des étudiants engagés tels que Pierre Avaro, inscrit en Histoire, et moi, vice-président de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France(FEANF), section de Rennes quand le togolais, Edouard Kodjo , en était le porte- étendard. La FEANF qui était une sorte d’organisation politique, demandait presque que l’indépendance totale », a –t-il rappelé.
« Certains étaient subjugués, envoûtés par l’éloquence homérique d’un Sékou Touré. Sékou (devenu premier président de la Guinée Conakry, NDLR) n’était pas un universitaire mais un syndicaliste qui s’était formé sur le tas. Je ne connais pas d’orateur aussi brillant que Sékou Touré », a –t-il dit, admiratif au sujet de l’homme qui pouvait « parler pendant quatre heures d’affilées, sans note, en maitrisant toutes les arcanes de la grammaire française ».
« LE CHOIX QUI A ETE FAIT M’ENCHANTAIT »
Aussi, a-t-il ajouté, à l’image de Sékou Touré « certains militaient en faveur de l’indépendance totale, d’autres l’indépendance graduelle et il y avait qui ont même défendu la départementalisation de certains pays comme le Gabon et qu’il soit département français ».
Au moment où beaucoup d’étudiants au sein de la FEANF incarnaient la ligne radicale, J.F.N Emane, lui, a avoué : « Je crois que je ne faisais pas partie des radicaux. Je crois que j’avais les pieds sur terre. J’étais content. Le choix qui a été fait m’enchantait de rester dans la communauté franco-française en tant qu’Etat, parce que si on faisait ce là, directement, c’aurait été un saut dans l’inconnu. Et, cet inconnu a été cauchemardesque pour certains ».
En définitive, le jeune étudiant qu’il avait été a « accueilli ce choix d’indépendance du Gabon dans la ferveur avec la ferme volonté de terminer des études afin de participer à l’œuvre de construction nationale ».
Celui qui, au terme de son parcours universitaire, occupera plusieurs postes de responsabilités (premier ministre, notamment) , avant de prendre en mains, depuis 2008, les destinées de la commune de Libreville, a affirmé: « ceux qui disent que l’indépendance n’a rien apporté », a rétorqué par une citation de Sékou Touré : « Vaut mieux être libre dans la pauvreté que d’être opulent dans la servitude ».
Selon lui, ce discours reste d’actualité avant de constater : « Je déplore seulement que nos étudiants ne soient pas motivés par des idéaux dignes de ce nom ».
A ce titre, cette personnalité politique de premier plan a noté: « Quand le président de la République, Ali Bongo Ondimba, propose un projet de société comme le ‘’Gabon Emergent’’, je crois qu’il faut s’atteler à la tâche, l’aider, aider le gouvernement, afin que les choses progressent. On ne peut pas anéantir toutes les inégalités. Paris ne s’est fait en un jour. Au nombre des pays européens que nous admirons, il y a en qui sont millénaires. Nous aussi, nous devons y parvenir en nous armant de toutes les technologies, sciences économiques, sociales (…) pour avancer plus rapidement ».
Outre ses fonctions de premier magistrat de Libreville, Jean François Ntoutoume Emane figure parmi les témoins qui contribuent à « connaître l’histoire des 50 dernières années »du Gabon et que rencontrent les caravaniers de la Provinciale du Cinquantenaire, partis à travers le pays, depuis une semaine, jour pour jour.
L’équipe affectée à la couverture de la province de l’Estuaire visite les 6 arrondissements de Libreville; dans la commune voisine d’Owendo, à la Pointe Dénis, sur la rive gauche; Foulezem, Bikélé, Essassa, Nkoltang, Ntoum, Donguila, Akoko, Cocobeach, PK 68, Kougouleu, Kinguelé, Kango, Oyan-Equateur, Ekouk, Fourplace….avec, comme moyens logistique, des navettes aérienne, maritime, fluvial et terrestre.