par Xavier Monnier
1ère journée du fast-sommet Afrique France à Nice. Des journalistes parqués, un Sarkozy fessé et des Africains un peu désabusé par les mics-macs français. Récit de notre envoyé spécial sur la promenade des Anglais.
Attaque d’Israël contre une flotille humanitaire, démission du président allemand, polémique après les propos de Martine Aubry… Si l’actu avait voulu tuer le 25 e sommet Afrique France de Nice, elle ne s’y serait pas pris autrement. Et la rencontre, au moins dans son atour officiel n’a rien de franchement engageant.
Après avoir déjà bloqué Nice durant tout le week end, procédure d’entraînement oblige, poulets et pandores ont récidivé. Le centre ville bloqué et nettoyé, pas une place sans son lot de CRS et de gendarmes mobiles, pas une artère du Vieux Nice déparé de son cortège de bleus. Les 38 chefs d’Etat et cinq chef de gouvernement sont bien escortés. Les flics lâchent rarement les Africains…
Au grand dam des si aimables chauffeurs de taxis, débriefés par des confrères en ballade. « Franchement accueillir ces noirs qui viennent mendier alors qu’ils ont plein d’argent, on avait pas besoin de ça ». Charmante litanie, comme un écho aux déclarations d’un certain Nicolas Sarkozy en 2006, qui de son fort Intérieur clamait que « la France n’avait pas besoin de l’Afrique ».
A croire que le bonhomme a pris quelque hauteur depuis son accession à l’Elysée. Fini le temps des bannis, de l’homme africain qui « n’est pas assez entré dans l’histoire », ce fainéant ! Désormais « l’Afrique est notre avenir », s’est même enflammé Sarko Ier dans son discours inaugural du sommet, avant de plaider- si si- pour que l’Afrique ait un membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Voilà une belle empoignade en perspective entre les géants du continent (Afrique du Sud, Algérie, Nigeria), les egos surdimensionnés (Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville, Abdoulaye Wade du Sénégal, Kagame du Rwanda) et les filous toujours bien placés (Bozizé de Centrafrique, Kabila du Congo-Kinshasa ou Ali Bongo du Gabon).
Zuma fesse Sarko
Après les accents limite gaulliens, Sarko Ier a tutoyé les bafouilles de Tonton Mitterrand, glosant sur « le déficit de démocratie et les violations des droits de l’homme ». Satisfecit de Human Rights Watch. L’ONG pond immédiatement un communiqué qui inonde la salle de presse. Fessée publique de la part du président sud africain Jacob Zuma. Chaleureusement accueuilli dans la matinée par Sarkozy, Zumajax s’émeut dans l’après midi de la présence des juntes militaires nigeriennes et guinéennes au conclave niçois. « les inviter signifie une reconnaissance, c’est ainsi que c’est interprété sur le continent », a-t-il tonné sur France 24. Peut-etre a-t-il mal digéré le rapide déjeuner avec Sarko Ier.
Sa déclaration sera le seul piment de la journée pour des journalistes soigneusement parqués. Du centre de presse à l’Acropolis où se déroulent le discours inaugural, seul accesible aux journalistes, deux passerelles ont été érigées. Histoire de pouvoir admirer l’impressionnant parc voiturier des officiels de passages ? D’évoquer librement les ponts à jeter entre l’Afrique et la France. Ou de gentiment saucissonner (maitriser) le boulot des gratte-papiers, étiquetés en pas moins de 7 pools. Comme autant de péchés capitaux ?
Ball trap médiatique
Pour 24 heures de sommet l’Elysée joue au ball trap médiatique. Pool A, Pool B, Pool C…et jusqu’à l’écoeurement Pool E. Gare à celui qui rate le départ depuis le point presse, interdit d’entrée sans être dument escorté (surveillé) par le Service de protection des hautes personnalités (SPHP). Au grand étonnement des flics concernés, esbaudi de voir escorter des journalistes. Et au bel amusement des gendarmes mobiles qui tournent sur le Parvis de l’Europe. « Au moins ils vous considérènt comme des hautes personnalités ». Maigre consolation pour le confrère allemand, en retard et bon pour trois allers retours sous le soleil entre les deux paserelles avant qu’on daigne lui expliquer que le discours est achevé…
« C’est symptomatique de la méthode médiatique sarkozy. On saucisonne et on décide de l’info qui sort et à quel moment, témoigne les habitués des rendez-vous françafricains. Pour l’instant c’est black-out ». Et Africa pas encore in…
Les ministres africains rencontrés ne font guère montre d’enthousiasme à l’égard de ce sommet. « La France n’a pas de ligne, une vision à court terme et ne pense pas, si ce n’est dans les déclarations, à un partenariat stratégique, peste un ouest-africain. Que l’on parle au Quai d’Orsay, à la cellule Afrique, ou à l’Elysée, le message n’est jamais le même. S’ils veulent laisser le continent à l’Inde, au Brésil ou à la Chine qu’ils continuent. Mais ce n’est pas vraiment leur intérêt de voir nos ressources exploités par d’autres. »
Si l’homme africain se met à comprendre le sens de l’histoire…