Quatre anciens barons du Parti démocratique gabonais (PDG), devenus opposants, remettent en jeu leur siège de député le 6 juin. Leur avenir politique dépend de l’issue de ce scrutin.
Bien que partielles, les législatives du 6 juin revêtent d’importants enjeux. En effet, elles mettent aux prises les ténors de l’Union nationale (UN, coalition de partis d’opposition née après la présidentielle du 30 août 2009) avec leur ancien parti – le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) – et ses alliés. Pour les premiers, il s’agit de regagner, via le suffrage universel, une certaine légitimité sur l’échiquier politique du pays. Les seconds devront confirmer le résultat de leur camp et conforter le statut du PDG comme parti majoritaire.
Esprit de revanche
Au total, cinq sièges de député et trois de sénateur sont en jeu. Quatre d’entre eux focalisent l’attention, l’UN n’ayant présenté aucun candidat sur les autres postes. Le plus attendu des duels est celui qui opposera, pour le premier siège du deuxième arrondissement de Libreville, Jean Eyeghe Ndong, dernier Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba et vice-président de l’UN, à Paul Mba Abessole, le président du Rassemblement pour le Gabon (RPG). En 2006, lors des dernières législatives, les deux hommes s’étaient âprement disputé le même siège, finalement remporté par Jean Eyeghe Ndong. Le contexte a changé, et c’est Paul Mba Abessole qui bénéficie cette fois de l’appui du parti au pouvoir. Mais cela suffira-t-il pour que ce dernier prenne sa revanche ? Rien n’est moins sûr.
Paul Mba Abessole a perdu de sa crédibilité auprès de l’opinion après avoir retourné plusieurs fois sa veste. Opposant radical d’Omar Bongo Ondimba dans les années 1990, cet ancien prêtre spiritain, dont le parti a obtenu 26,5 % des voix lors de la première élection présidentielle pluraliste au Gabon, en 1993, est devenu au fil des ans allié du PDG, en échange de portefeuilles ministériels. À la veille de l’élection du 30 août 2009, ce Fang de l’estuaire a quitté le camp présidentiel pour soutenir la candidature d’André Mba Obame. Mais il y est revenu en signant, fin avril, aux côtés d’une vingtaine d’autres formations, une charte d’adhésion à une majorité républicaine autour du PDG. Absent du premier gouvernement de l’ère Ali Bongo Ondimba, Mba Abessole veut s’appuyer sur une victoire lors de ce scrutin pour décrocher à nouveau une place au gouvernement. Mais la tâche ne lui sera guère facile. D’autant que dans les grandes villes, les électeurs ont plutôt tendance à sanctionner le parti au pouvoir, auquel il est aujourd’hui allié.
L’autre face-à-face attendu a lieu à Médouneu, dans le département du Haut-Komo (province du Woleu-Ntem). Dans cette ville, l’ancien ministre de l’Intérieur, André Mba Obame, secrétaire exécutif de l’UN et troisième à la présidentielle du 30 août 2009 (25,5 % des voix), remet lui aussi en jeu son siège, perdu après son exclusion du parti au pouvoir. Il sera opposé à Augustin Békalé Be Nzue, un autre cadre du RPG.
Dans le Ntoum, à 38 km de Libreville, Julien Nkoghé Békalé, nouveau ministre du Pétrole, tentera de ravir son fauteuil de député à son prédécesseur, Casimir Oyé Mba, également vice-président de l’UN et ancien Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba, déjà bien installé dans ce département. Et enfin, sur le premier siège du département de Mulundu, dans l’Ogooué-Lolo, Paulette Missambo, ancienne ministre de la Condition féminine d’Omar Bongo Ondimba, elle aussi dissidente ralliée à l’UN, devra défendre le fauteuil que lui dispute l’actuel ministre de l’Énergie, Régis Immongault.
Regrouper les forces
Le résultat de ces scrutins n’aura pas d’impact significatif sur l’équilibre politique au Parlement. Le PDG, qui détient 83 des 120 sièges de l’Assemblée nationale, et 75 des 102 sièges du Sénat, en sortira toujours majoritaire. Toutefois, il déterminera l’avenir des cadres de l’UN (Eyeghe Ndong, Mba Obame et Oyé Mba). « On ne pourra vraiment exister et s’exprimer que si l’on a l’onction du suffrage universel », concède Casimir Oyé Mba. « Une défaite compromettrait sérieusement l’implantation de l’UN et démotiverait les sympathisants », poursuit-il.
Si le PDG tient à ramener ces scrutins à leur niveau et à situer les enjeux politiques majeurs aux législatives de 2011, le parti au pouvoir a cependant tout intérêt à se mobiliser. Après une victoire contestée à la présidentielle, une défaite le 6 juin donnerait raison à ses adversaires. « Nous devons montrer à ceux qui nous ont quittés que leur départ n’a pas affaibli le parti, bien au contraire », explique Emmanuel Nze-Békalé, secrétaire exécutif du PDG, chargé des élections. Et le parti se donne les moyens d’y parvenir en jouant aussi le regroupement. « C’est la première fois que le PDG ne présente pas systématiquement de candidats sur les sièges à conquérir, explique Emmanuel Nze-Békalé. Lorsque nous sentons qu’un de nos alliés au sein de la majorité est mieux représenté dans une zone, nous lui laissons la chance de se présenter en lui apportant notre soutien. » Des manœuvres qui donnent un avant-goût de ce que seront les législatives générales de 2011.