La Banque mondiale et la Suisse ont appelé mardi à une action concertée contre le pillage des pays en développement et les biens mal acquis qui trouvent souvent refuge dans les places financières internationales.
Cet appel a été lancé lors d’un forum organisé à Paris sur le thème « pas de refuge pour les biens mal acquis », en présence d’adversaires de la corruption venus du monde entier, membres d’ONG ou représentants gouvernementaux.
« Des milliards sont volés chaque année aux pays en développement, qui se trouvent ainsi privés d’opportunités économiques », a souligné Ngozi Okonjo-Iweala, la directrice générale du groupe de la Banque mondiale.
Selon ses estimations, de 16,2 à 32,4 milliards d’euros sont dérobés chaque année aux pays en développement du fait de détournements de fonds publics, ce qui permettrait de soigner pendant un an 120 millions de personnes atteintes du sida ou d’approvisionner en eau 50 millions de ménages.
« Lorsque les dirigeants mondiaux se retrouvent à l’occasion de réunions du G20 et d’autres instances pour discuter de la crise économique, des plans de relance et de la réglementation financière, la lutte contre la corruption et les vols d’avoirs devra figurer en tête de leurs préoccupations », a dit Ngozi Okonjo-Iweala lors des travaux.
Micheline Calmy-Rey, ministre suisse des affaires étrangères, qui se veut exemplaire en la matière en dépit de sa réputation de paradis fiscal, a assuré que le forum de Paris n’était pas seulement un lieu d’échange et de bonnes intentions.
« Nous voulons aboutir à des propositions de mesures. C’est un immense enjeu de développement et nous voulons aboutir à des résultats », a-t-elle dit lors d’une conférence de presse.
« LE PROBLEME DES ILES »
La plupart des participants ont souligné la lenteur des progrès accomplis pour la récupération des biens mal acquis et la complexité des problèmes juridiques.
La France est concernée au premier chef avec les avatars des procédures visant les biens détenus en France par trois chefs d’Etat ou anciens dirigeants africains : Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale).
La décision d’un juge d’instruction français ouvrant la voie à une enquête sur leurs logements de luxe et leurs avoirs bancaires en France a été en effet annulée en appel en octobre dernier, la plainte d’une ONG ayant été déclarée irrecevable.
Un représentant du Rwanda a dénoncé « l’hypocrisie » de certains Etats, estimant qu’il serait difficile d’avancer tant que ne serait pas réglé le « problème des îles », expression lui évitant de parler de paradis fiscaux.
Gavin Hayman a cité au coeur même de l’Europe le cas de Monaco et de la principauté d’Andorre, ainsi que « les îles entre la France et le Royaume-Uni ».
Ngozi Okonjo-Iweala a souligné que la corruption existait aussi dans les pays développés, soulignant que le Premier ministre grec Georges Papandréou a lui-même parlé d’une corruption « systémique » dont il a chiffré le coût à quelque 20 milliards d’euros par an.
Les organisateurs ont estimé que la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) était au niveau mondial « un bon instrument permettant de prévenir et d’inverser les flux des biens mal acquis ».
Ngozi Okonjo-Iweala a cependant rappelé que quatre pays membres du G20 ne l’avaient pas signée, à savoir l’Allemagne, l’Inde, le Japon et l’Arabie saoudite.
« Et ceux qui l’ont signée, il faut qu’il la mettent en oeuvre. Il ne s’agit pas d’avoir de nouvelles conventions, nous avons assez de conventions », a-t-elle dit.
Micheline Calmy-Rey a insisté sur le fait que la Suisse, septième place financière mondiale, avait depuis des décennies l’expérience du blocage des fonds d’origine frauduleuse et qu’elle jouait dans ce domaine « un rôle de premier plan ».
« A ce jour, nous avons rendu 6 milliards de dollars aux pays d’origine », a-t-elle assuré, tout en insistant sur la nécessité de renforcer la coopération des Etats.
Pour le cas d’Haïti, voir
(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)