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« Gabon first »

Transformation sur place du bois, création d’une compagnie pétrolière nationale, discussions avec les Chinois et les Français… L’heure est au nationalisme économique.

Dans l’entourage du candidat Ali Bongo Ondimba, on promettait de « remettre les Gabonais au travail ». Huit mois après l’investiture de « Baby Zeus » devenu « Tsunali », la « menace » a été mise à exécution ! Toutes les réformes économiques engagées vont dans la même direction : réduire le train de vie de l’État pour en finir avec le pantouflage fort lucratif dans les allées du pouvoir, solder les comptes d’une puissance publique qui avait pris la fâcheuse habitude de laisser des ardoises et, enfin, valoriser le pactole (mines, bois et pétrole) pour tourner la page d’une économie de rente. Le coup de tonnerre à l’issue du Conseil des ministres, en octobre dernier (voir ci-dessous), n’était que le prologue d’un train de mesures – aussi opportunes qu’audacieuses – censées remettre le Gabon et les Gabonais au cœur des priorités. La nonchalance généreuse a laissé place à une hyperactivité patriotique. Ce n’est pas sans risque.

La première cible a été la filière bois, qui représente 4 % du produit intérieur brut (PIB), mais qui est le deuxième employeur (autour de 30 000 personnes) du pays après la fonction publique. L’interdiction d’exporter les grumes a plongé les forestiers – dont le groupe français Rougier – dans la stupeur. À ce jour, seuls 25 % des troncs sont transformés sur place et il faut au moins dix-huit mois pour construire une unité de sciage. « Les exportations ont cessé et des mises en chômage technique massives sont à prévoir », s’alarme un fonctionnaire international.

Deuxième cible, la manne pétrolière, soit plus de la moitié de la richesse nationale. En mars dernier, le chef de l’État a annoncé la création d’une compagnie nationale pour « contrôler la participation de l’État dans les sociétés pétrolières, gérer l’exploration et l’exploitation ainsi que la distribution ». Elle pourrait s’appeler Gabon Oil Company (GOC). L’enjeu est de taille : les hydrocarbures représentent déjà la moitié des recettes publiques, mais le pays importe une large part des produits raffinés faute de capacités industrielles. Pour l’heure, Total Gabon – dont 25 % des parts sont détenues par l’État gabonais – et Shell, les deux principales majors implantées dans le pays, font le dos rond alors que Libreville vient de mettre sur le marché, via un appel d’offres, 42 blocs d’exploration. « Le nouvel exécutif sait très bien ce qu’il fait et jusqu’où il peut aller », explique un homme d’affaires qui a l’oreille du Palais du bord de mer.

Troisième dossier, les mines. Libreville est en train de renégocier avec les Chinois la convention sur le fabuleux gisement de fer de Belinga (Nord-Est) pour lequel les investissements sont estimés à 3 milliards d’euros. C’était dans l’air du temps durant la campagne électorale. Les choses se précisent aujourd’hui. « Le coût de ce projet tel qu’il est à présent proposé est exagérément lourd », a expliqué, le 3 mai, de retour de Shanghai, Ali Bongo Ondimba, qui rejette « un contrat d’exploitation aux seules fins d’exportations ». Pas sûr que Pékin – qui cherche avant tout à sécuriser ses approvisionnements en matières premières – soit enchanté. Ambiance plus apaisée à Paris, où Eramet s’est déclaré « très ouvert » à la proposition de Libreville d’entrer au capital du groupe (entre 10 % et 15 %) et d’augmenter sa participation de 25 % à 33 % dans la Comilog, sa filiale gabonaise. Les négociations doivent s’ouvrir autour du 15 juin avec à la clé un très gros chèque d’au moins 600 millions d’euros.

« Le président défend les intérêts du Gabon. Et même si certaines positions françaises sont affectées à court terme, ces réformes vont dans le sens du développement économique du pays », estime Alexandre Vilgrain, PDG du groupe Somdiaa (qui compte une filiale gabonaise, la Smag, dans l’agro­alimentaire) et président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). Plus prudent, le FMI attire l’attention sur les risques de dérapage de ce « très ambitieux programme du gouvernement » et encourage « les autorités à revoir le rythme des investissements ». Le risque aujourd’hui au Gabon est que la machine s’emballe. Une vraie rupture.

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