« C’est une révolution dans la consommation », affirme Pepecy Ogouliguendé, directrice de la Consommation à la veille de l’entrée en vigueur, jeudi, de l’interdiction des sachets plastiques non recyclables et non dégradables au Gabon.
La mesure avait été annoncée en mars par le président Ali Bongo Ondimba en même temps que d’autres « mesures d’urgence ».
Il est difficile de quantifier le nombre de sacs en circulation dans ce pays de quelque 1,5 million d’habitants. Marc Ona de l’ONG Brainforest, Prix Goldman de l’environnement 2009, donne une estimation qu’il avoue « approximative ».
« Il y a 600.000 Librevillois. On peut dire que chacun utilise un sachet par jour. Ca donne une idée de ce que la nature doit endurer », dit-il, soulignant que d’innombrables sachets polluent plages et mer, cours et plans d’eau, terrains vagues et égouts.
La société Kaba Plastic, qui importe du Cameroun 15 tonnes de sacs plastiques/an, a aussi choisi de se lancer dans le recyclage. « Nous avons mis en place des équipes de collecte dans les quartiers. Bientôt, nous aurons une machine qui recyclera les sacs ramassés » pour en faire des sacs poubelles, précise son directeur, Amadou Kaba.
Une autre entreprise du secteur, SG Plast, affirme ne plus commercialiser que des sacs « oxo dégradables », dans lesquels un additif attaque la chaîne moléculaire du sac qui devient ensuite assimilable par des micro-organismes.
« Bientôt, nos sacs porteront leur date de fabrication pour qu’on puisse juger de leur dégradabilité », précise son directeur, Farhat Fady, qui importe entre 37 et 50 tonnes de plastique par mois et escompte un boom de son activité.
« Nous sommes passés aux sachets dégradables dès que nous avons trouvé un fournisseur », affirme l’AFP un représentant de Cecado, une des grandes surfaces de Libreville, qui distribue environ 3.000 sachets/jour.
Si les supermarchés à la clientèle plutôt aisée ont franchi le pas, le secteur informel (marchés, petits commerces de rue) continue à utiliser majoritairement des sachets plastiques non dégradables, bien moins chers.
« Aujourd’hui, j’achète 50 sachets pour 1.000 FCFA (1,5 euro). Quand je vends quelque chose pour 100 FCFA (15 centimes), j’offre le sachet. Si les sachets (dégradables) se vendent plus cher, comment je vais faire? Les gens veulent des sachets plastiques », explique Amadou Sow, vendeur de rue sénégalais.
« Grâce au sachet, le vendeur n’est pas obligé de toucher la marchandise. Et après, on se sert du sac comme poubelle. Moi, je veux un sac », souligne Oumar, client de M. Sow et opposé à la mesure.
Pour Marc Ona, cette interdiction est « une bonne mesure » mais elle a été décidée « sans préparation, sans concertation ».
« Il n’y a pas eu de sensibilisation, pas de mesures d’accompagnement », dit-il, « Qui nous assure que certains qu’on dira +bio-dégradables+ le sont vraiment? Qui va contrôler les sacs? Et la contrebande de sachets non-dégradables? ».
Un employé d’un organisme international affirme sous couvert de l’anonymat: « Il aurait fallu interdire complètement les sachets. Bio-dégradables en un an, ça veut dire par exemple que les tortues marines qui confondent méduses et sachets vont continuer à disparaître ».
« On ne peut pas tout faire du jour au lendemain », convient Mme Ogouliguendé. « Ces premières mesures vont sensibiliser consommateurs et producteurs. Les habitudes vont changer petit à petit. L’objectif à terme, c’est zéro sac plastique. Nos parents vivaient bien sans utiliser de sacs plastique, pourquoi ne serions-nous pas capables de nous en passer? »